Les ongles de Nephtys Shafiq s'enfoncent dans sa chair, alors que son regard – quelques secondes plus tôt un peu perdu dans le vague – se durcit, le transperce d'Avada Kedavra qui soulignent bien ce qu'elle pense se don idée. De son plan. Elle le griffe, le lacère, mais il ne bouge pas, attendant ses mots. C'est une mauvaise idée. Lui aussi le sait. Un bruit métallique le porte le fait sursauter, légèrement, et une seconde plus tard, il se retrouve le visage dans le cou de Nephtys, caché par ses cheveux sombres. De là, il peut humer son parfum, la sueur, la cigarette, l'alcool, et tout le sang qui circule vitesse grand V dans tout son corps, faisant battre son cœur si rapidement qu'il va probablement exploser. « This spot is taken, pervs, get away before I hex the lot of you. » La position ne dure pas longtemps, une fois les trouble-fêtes éloignés, mais l'écarlate qui a complètement submergé son visage, lui, ne part pas. La nuit cache à peine ses nouvelles couleurs, gênantes. « J'en pense que c’est complètement con. » Qu'il joue à l'Audacieux. Pas de surprise. La moue qu'elle affecte, boudeuse, ne peut l'empêcher de sourire, pourtant. C'est complètement, certes, mais nécessaire. Puis, il y a quelque chose de flatteur, à savoir qu'elle ne désire pas qu'il y aille. Ils ne se connaissent pas, il est anonyme, pratiquement, et pourtant... il est vrai que cela pose un velours sur l'ego avide d'attention du Serpentard. Lorsqu'elle se penche vers lui, il attend une nouvelle salve d'insultes, de commentaires visant à le décourager, mais ce n'est pas cela qui se glisse dans le sifflement rauque : « This, this is the most you’ll get, nothing important, nothing worth it. »

Elle l'embrasse.

Cette fois, il ne se laisse pas faire – il n'est pas tétanisé, comme lors de son baiser avec Guenièvre. Il répond. Il répond, fougueux, quémandeur, vorace, les enseignements estivaux de Vincianne revenant à ses lèvres. Une main dans ses cheveux emmêlés, sur la nuque chaude et glissante. Elle goûte comme il l'imaginait, elle goûte comme son odeur, elle goûte l'amertume, la cigarette, l'alcool, la sueur, le sang quand elle mord sa lèvre un peu trop fort, assez pour l'entamer. Sa langue goûte quelque chose de vrai, qu'il recherche encore, rompant le baiser uniquement lorsque ses poumons hurlent pour de l'air, lorsque ses lèvres doivent d'écarter de quelques centimètres pour souffler et laisser échapper un gémissement ténu. Encore, qu'il voudrait dire, mais les mots refusent de sortir. Le regard à peine sorti de l'adolescence est brillant, un peu polisson, mais il ne faut pas. Ce n'est pas le moment. Déjà la brune s'éloigne et murmure, à son attention, d'autres mots pour le chasser, pour l'éloigner : « C’est pas un endroit pour toi, t’as sûrement mieux à faire. Genre mourir en martyr dans un endroit où le sol n’est pas poisseux à cause des bières renversées, kay ? »

Mieux à faire.

« ‘Kay ? » Il veut dire okay. Vraiment. Mais il ne peut pas. Parce qu'il ne mourra pas. Parce qu'il ne le fait pas, venir dans un concert où des choses étranges se passent, personne ne le fera. Les insurgés n'y penseront jamais. Ça ne leur viendrait pas à l'idée qu'on puisse utiliser des concerts pour laver les cerveaux des jeunes sorciers et y découvrir des résistants aux idées du gouvernement – lui-même ne peut imaginer toute la portée de ce qui se déroule pendant ces spectacles où il rêve d'assister. Puis, il n'a rien de mieux à faire. C'est ce qu'il fait. Alors Lancelot ne dit pas 'kay. Il hausse les épaules, nonchalant, sans porter attention à ses mots concernant ses potentielles fanfaronnades. La voix est sombre, un peu. « Je suis déjà mort, de toute façon. » Il le lui a déjà dit. Lancelot Lovett est déjà mort en martyr, pendant l'évasion ratée de Poudlard, et n'a été pleuré par personne.

« Je t'ai dit une vérité. »

Une vérité contre des billets.
Lancelot est déjà mort. Il ne peut plus mourir.
Alors celui qui le remplace, ce soir, ce Philip un peu bravache aux yeux pâles et inquisiteurs, n'a aucune raison d'avoir peur. Le sentiment vibre, sans aucun doute, au fond de lui, mais il se cache sous la voix paisible et basse, n'y laissant qu'une assurance soudaine : « J'en suis pas à ma première connerie, quand on parle de ces choses-là. Et celle-là, j'ai envie de la faire, et je la ferai bien. C'est ma vie. C'est tout. La révolution. L'insurrection. Le terrorisme, la guerre. Rentrer sans billets ne sera qu'un défi de plus. » Qu'elle le frappe, si elle le désire. Lui se relève, prêt à partir, et ses yeux passent encore sur les lèvres de la jeune femme. Il a encore envie de l'embrasser.