Harper courait. Il ne s’agissait pas d’un footing matinal qu’elle s’accordait quand elle suivait Fred dans la campagne moldue anglaise. Ces foulées-là lui sauvaient la vie. Seulement, sourire narquois aux lèvres, on n’en avait absolument pas l’impression. Et dans son esprit, ce n’était pas tellement acté non plus. Elle l’avait revu. Non, pas un bel Adonis hantant ses rêves érotiques les plus secrets – même si le spécimen était plutôt alléchant à la lumière du jour, mais ce Raffleur dont elle avait croisé le regard à deux reprises. S’il avait été avec elle, Fred aurait sans doute perdu la tête. Elle ne lui avait pas dit que Reaghan et elle s’étaient croisés, depuis cette nuit où elle s’était servie de son « avantage secret » pour mettre un terme à l’épisode mille huit cent de la guerre qui faisait rage entre les deux hommes. Ça n’avait été qu’un bref instant, dans une foule. Elle lui avait fait un clin d’œil et avait disparu. Mais ce n’était pas simplement le fait qu’il s’agisse de son Némésis qui aurait fait hurler son Weasley. C’était qu’il était la seule personne à connaître son visage en Angleterre et à savoir qu’elle était du côté des Insurgés. Son statut de clandestine en faisait la personne idéale pour pas mal de missions à découvert. Elle était intouchable, elle pouvait se promener librement partout, les ravitailler … ce qu’elle était d’ailleurs censée faire dans ce village moldu de la campagne anglaise dont elle avait déjà oublié le nom. Elle avait trouvé la boutique en question qui avait accepté de leur fournir des victuailles et autres choses improbables dont Fred avait besoin pour ses expériences quand elle avait croisé son regard.

Il avait le même, de jour comme de nuit et elle n’avait pas pu s’y tromper. Immédiatement, un léger sourire avait ourlé ses lèvres. Elle était incapable de s’en empêcher. Elle aimait jouer. Et elle n’avait malheureusement droit qu’à trop peu d’action en ce moment. Il l’avait repérée. Mais elle n’avait pas attendu qu’il réagisse. D’un geste de la main, elle lui avait envoyé un baiser avant de détaler. C’était jour de marché à Loutry-les-Poulaillers ou quel que soit le nom de la bourgade. Les rues étaient bondées. Cela ne faisait pas peur à la jeune femme qui fonçait. Elle en aurait presque ri à gorge déployée. C’était beaucoup trop bon, cette sensation. L’adrénaline, les battements de son cœur qui s’accéléraient. Le danger était réel, mais elle se riait du danger. Le combat n’était pas égal. Elle le savait, lui non. Par deux fois elle avait disparu sous ses yeux, sans baguette. Peut-être commençait-il à se poser des questions. Et contrairement à d’autres, il ne la connaissait pas. Son atout était donc peut-être déjà dans la liste de ses suppositions. Il fallait qu’elle soit prudente … enfin, autant qu’elle pouvait l’être ! Il fallait qu’elle arrive à le semer pour retourner à cette boutique, elle ne pouvait pas rentrer bredouille, clairement. Mais elle avait le temps. Personne ne s’inquiéterait avant des heures (quoique … non, allez, on lui laisserait un peu de temps quand même), elle pouvait donc jouer un peu avec les nerfs du Raffleur. Tel qu’on le lui avait décrit, il était quasiment certain qu’il était à ses trousses. Ce qui était parfait. Brusquement, elle bifurqua dans une ruelle. Déserte. Parfait. Elle se transforma en un instant. Le rat émit un léger couinement qui était sans doute l’équivalent d’un rire dans son langage. Trottinant le long du trottoir, il remonta la marche d’une maison, se cachant dans l’ombre. De l’autre côté, une autre rue passante, remplie de monde dans laquelle elle aurait très bien pu s’engouffrer. Elle voulait le voir passer, pour évaluer son état d’esprit … et commencer à le faire tourner en bourrique. Allez, le jeu du chat et de la souris était lancé … et quasiment au sens propre, rien que ça.

Reaghan ne s’y était pas attendu. Pas du tout même. Lorsqu’il avait redressé la tête et croisé le regard d’une jeune femme et il ne s’était pas attendu à la connaître. Il avait eu un moment d’arrêt pendant lequel il avait essayé de replacer ce visage avant que ça ne le frappe de plein fouet. Il l’avait vu avec le Weasley. « Toi ! » S’était-il exclamé avant de la voir esquisser un sourire et de détaler. Reaghan avait eu un sursaut avant de se lancer à sa poursuite. Il pouvait avoir une chance de l’attraper. Et si c’était le cas. S’il y arrivait, il la ramènerait au Ministère et pas de quartier. Il ne la lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas des réponses à ses questions (et surtout tant que son égo n’aurait pas trouvé réparation). Il ne pouvait pas s’empêcher de repenser à chaque fois à la défaite cuisante qu’elle lui avait infligée lors de leur première rencontre et il ne comprenait toujours pas comment elle avait fait pour réapparaître derrière lui sans qu’il ne s’en rende compte avant. Et surtout lui mettre une raclée pareille, ça, c’était probablement le pire. Il s’était fait avoir comme un bleu par une parfaite inconnue. Après cette nuit-là, il avait essayé de l’identifier avec les dossiers qu’ils avaient sur les insurgés, mais impossible de mettre la main sur un nom pour ce visage.

Il commença alors à la courser, essayant d’éviter les passants comme il pouvait et évitant d’en entraîner dans sa course. Il ne pouvait pas sortir sa baguette vu qu’ils étaient en territoire moldu, mais ce n’était pas l’envie qui manquait. Un petit petrificus totalus aurait réglé le problème en quelques secondes. Il jura intérieurement et accéléra sa course pour éviter de se faire distancer par la jeune femme. « Hé ! Arrêtez-la ! » Tenta-t-il auprès de deux hommes moldus qui se trouvaient pas très loin d’elle. Il siffla entre ses dents en les dépassant : ils n’avaient rien fait, ils n’avaient même pas bronché. Il leur lança un regard chargé de reproches avant de reprendre sa route. Il n’avait pas spécialement le temps de les insulter de tous les noms. Il ne pouvait pas laisser la femme s’échapper. Pas une nouvelle fois.

Reaghan sentait qu’il était proche de l’attraper lorsqu’elle bifurqua d’un seul coup dans une ruelle. Il secoua la tête, elle s’est piégée toute seule (quel naïf !). Il tourna à son tour et s’arrêta brusquement en remarquant que c’était désert. Il n’y avait personne et elle n’avait pas pu aller aussi vite pour rejoindre l’autre côté. « Mais c’est pas vrai ! » S’exclama-t-il. Il sortit la baguette, convaincu qu’elle n’avait pas pu aller bien loin. C’était impossible à ses yeux, elle devait être ici. Il fit attention à ce que personne ne vienne dans cette ruelle avant de prononcer quelques sortilèges de détection, mais il n’y avait rien. Aucun être humain dans le coin. « Je sais que t’es là, quelque part. » Insista-t-il. « Sors qu’on s’amuse un peu. » Et qu’il lui tire les vers du nez. Comment faisait-elle pour s’éclipser ainsi ? Comment pouvait-elle réussir un exploit pareil ? Il avait écarté le transplanage bien assez vite sinon il aurait entendu son craquement caractéristique. Ça ne pouvait pas être une cape d’invisibilité parce qu’elles étaient trop rares et totalement hors budget pour des insurgés. Il savait qu’elle pouvait utiliser n’importe quelle solution pour se camoufler, il y avait des potions, des sortilèges (même si l’hominum revelio n’avait rien montré dans cette ruelle). Reaghan refit quelques pas en arrière, retourna même jusqu’au début de la rue principale pour voir si elle ne fuyait pas par un autre chemin, mais il l’avait bien vu prendre ce chemin-ci. Il revint dans la ruelle, baguette en main et poussa un grognement de colère en se rendant compte qu’une fois encore il l’avait perdue.

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