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sujet; and i wish that i had a mother - gillian |
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Imogene venait de passer sa première nuit à l'hôpital. Très douloureuse. Elle voulait pas qu'on reste dans sa chambre. Et autant, les infirmières, c'était facile de les virer, mais toi, c'était une autre paire de manches. T'as pu rester à son chevet par intermittences. Et par intermittences, on te faisait lever pour la laisser un peu tranquille. Mais je la laisse tranquille, madame ; je la laisse même m'embêter. La nuit avait été longue. Et comme c'est tout aseptisé ici, t'avais même pas remarqué quand le jour s'était levé. Bien entendu, tu te rongeais bien trop les sangs pour pouvoir fermer l’œil. Lamentable, t'es vraiment dans un état lamentable, ton manteau en cuir roulé en boule contre toi, taché de sang séché. Du sang de compote d'Imogene. Et un peu du tien parce que t’as pas arrêté de t’agiter quand t’aurais dû te reposer. Même si, au final, c’est assis à attendre qui t’a le plus lessivé –quoique, en réalité, t’aurais bien besoin de passer à la lessive, tellement ta peau elle est brune.
T'oses même pas penser à Rookwood, bien qu'il occupe l'intégralité de tes pensées chamboulées. Rien de nouveau sous le soleil. Rien de nouveau chez les fous. Sauf que tu savais toujours pas où il était. Et que t'aurais pu devenir plus fou à cause de ça, si c'était encore possible. Mais t'es dans un hôpital aseptisé où chut il faut pas faire de bruit alors tu te tiendras tranquille ; enfin, ce que toi tu considérais tranquille. Même si t'avais claqué si fort la porte de la chambre d'Imogene dont on te chassait une fois de plus que ça avait fait tomber les chiffres cloués dessus. Tu te ronges sang et poings à faire les cent pas dans les couloirs, puis dans les escaliers, et encore à l'étage d'en-dessous. T'as presque l'air d'un possédé, avec ton oreille bandée, tes yeux révulsés que ça fait du rose à la place du blanc, le visage gris de poussière et les ongles noirs de tu-veux-pas-savoir-quoi. Le jour s'est levé, mais tu saurais plus te repérer dans le temps, dire quel jour on est, combien de temps ça fait que t'es là, combien de temps ça fait que tu l'as pas vu. Et si tu le reverras jamais. Et ça se serre très fort dans ton toi que t'en viendrais à regretter tout ce qui ne sera jamais si.
N'y tenant plus -il faut que tu te raccroches à quelque chose que tu sais, et tu sais qu'Imogene va s'en sortir, parce qu'elle a souffert très fort comme les gens qui sont en vie - ou pas encore mort – n’y tenant plus, donc, tu décides de rebrousser chemin. T'as besoin de t'agripper à quelque chose, sinon, tu risques de tomber dans le vide ; mais pas le vide d'eau : le vide d'air, celui qui tue. Sauf qu'en plus d'avoir perdu la notion du temps, c'est aussi la notion de l'espace qui semble s'embrouiller avec tes yeux qui se brouillent -mais tu pleureras pas, tu t'es pas accordé ce privilège depuis trop longtemps pour te souvenir comment faire. Et puis surtout, pour un gars de ta trempe, ça se faisait pas, hein ? Tu avales les marches quatre à quatre dans le sens inverse, et te glisses dans le couloir bondé de gens débordés et de Médicomages blessés. Ou l’inverse. Bref, t'es de trop, ça t'oppresse de regards ou de coups d'épaule dans tes coudes et tes côtes parce que t'es bien trop épais, t'encombres, tu sers à rien. Et surtout, y'a personne pour te dire quoi faire. Rectification : y'a pas lui pour te dire quoi faire. Comme un chien abandonné au bord de la route. Et qui, au lieu de s’inquiéter sur ce qu’il va devenir, se torture davantage l’esprit sur la possibilité que son maître ait eu un accident de la route. Et s’il reviendra jam-. « ‘Scusez-moi, j’me suis trompé d’chambr… » la fin de ta phrase meurt comme le dernier filet d’eau d’une cascade tarie. Parce qu’en plus de t’être trompé de pièce, t’avais jugé bon de rentrer dans celle où c’était visiblement une mère qui pleurait son enfant. Elle paraissait assoupie sur le bord du lit. Alors t’as déroulé ton manteau crado pour le déposer sur ses épaules, quitte à la réveiller à cause du poids ou de l’odeur. Et c’est en te rapprochant que t’as reconnu un visage, enfin, vivant ; quand bien même la dame était de celles et ceux qui semblaient pas te considérer comme un être humain à part entière, au vu du nombre incommensurable de blagues vaseuses que t’avais sorties pendant votre descente chez les Belliqueux et qui l’avaient fait grimacer. T’attends qu’elle s’extirpe des vapes du sommeil, parce qu’on dort jamais vraiment dans les hôpitaux, sauf quand on avait pris des médicaments exprès pour ça, avant de lâcher comme un caillou dans la mare « M’dame Lufkin, qu’est-c’qu’vous faites là ? » Ça se voit pas peut-être, bouffon ? Comme si tu te rendais compte de la bêtise de ta question, tu restes silencieux un moment, avant d’en remettre une couche, toi qui te débrouilles si mal quand il s’agissait d’interactions sociales et polies « C’est vot’ môme ? » Finement observé. « Comment il va ? » T’arrives pas à juste repartir comme ça, comme t’étais venu en te trompant de porte. Tu te doutes très bien que tu déranges, que c’est pas le moment. Mais ‘faut croire qu’à défaut d’avoir pu jouer le chien de garde de Rookwood, tu garderas m’dame Lufkin de rester seule au chevet d’un enfant.
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| _ Votre fils a subi un grave trauma crânien. Nous avons fait tout ce que nous pouvions pour le stabiliser mais il ne réagit toujours pas aux stimulus extérieurs. Pour l'instant il nous est impossible de dire quand il se réveillera. Nous devons encore conduire des examens pour déterminer l'état de ses fonctions cérébrales... L'homme avait alors réajusté maladroitement sa position dans son fauteuil avant de se pencher en avant, pour reprendre d'une voix plus douce qui s'était voulue encourageante. Je sais que c'est une chose difficile à entendre mais ces choses-là prennent du temps. Vous devez faire preuve de patience et ne pas perdre espoir.
Les secondes qui avaient suivies avaient ouvert un espace entre eux, un espace nu et silencieux au bord duquel ils s'étaient tenus un long moment. Gillian se souvenait avoir ressenti une envie irrépressible de se tirer d'ici sans un regard en arrière, de courir jusqu'à la porte et de s'échapper, de courir jusqu'à en perdre haleine et avoir avalé une centaine de kilomètres, ou de disparaître par une trappe qui se serait soudain ouverte sous les pieds de sa chaise. Mais elle était restée là, les doigts étranglés autour de ses genoux et le teint livide, punaisée sur place par la violence des mots qui avaient été prononcés et que son cerveau avait tenté d'assimiler tant bien que mal, syllabe après syllabe, comme une couleuvre trop grosse à avaler. Elle aurait tout autant pu hurler de rage, se cogner la tête contre les murs, passer par-dessus le bureau du guérisseur pour envoyer valser ses papelards, mais non. Au bout d'un temps à la fois infiniment long et infiniment court, elle s'était simplement entendu demander, d'une voix blanche qu'elle avait eu du mal à reconnaître comme étant la sienne, si elle pouvait rejoindre le chevet de son fils.
La chambre baignait dans le demi-jour, les rayons du soleil se reflétant sur le sol à travers les stores. La rumeur du service des accidents matériels et l'agitation des couloirs ne semblaient s'infiltrer ici que de manière étouffée, comme un brouhaha lointain ne faisant que rehausser le silence quasi religieux qui planait sur les lieux. Là, au milieu de la pièce, Leopole St-John dormait profondément, couché sur le dos, un drap blanc remonté à hauteur de poitrine se soulevant doucement à chaque inspiration. Son crâne était couronné d'un bandage épais qui donnait cette impression étrange, à la fois amusante et inquiétante, que sa tête avait doublé de volume. Avec son corps d'enfant d'à peine plus de cinq ans, il semblait tout petit pourtant, dans ce grand lit d'adulte qui semblait l'engloutir tout entier. Gillian avait senti ses jambes flageoler sous son poids quand elle l'avait vu comme ça pour la première fois et elle avait alors catégoriquement refusé de quitter son chevet sous le moindre prétexte, ignorant les recommandations du personnel soignant qui l'avait invité à prendre une pause pour manger ou ne serait-ce que se reposer dix minutes.
Elle n'aurait pas su dire combien de temps elle l'avait veillé avant que la fatigue ne l'emporte et qu'elle s'endorme à ses côtés, la tête posée sur le bord du matelas et la main refermée autour de la sienne. Un long moment. Elle ne dormait que d'un demi-sommeil quand quelque-chose – le bruit d'une porte que l'on ouvre et que l'on referme ? – vint interrompre le cours agité de ses pensées. Ce n'est que lorsqu'elle sentit un poids se poser sur ses épaules que la sorcière parvint à s'extraire du brouillard dans lequel elle s'était laissée glisser. Elle papillonna mollement des yeux et se redressa avec un grognement, l'air vaguement désorientée. Son expression prit cependant une toute autre couleur lorsqu'elle remarqua enfin la présence de l'homme qui se tenait près d'elle.
_ M'dame Lufkin, _ Par Merlin ! Qu'est-c' Qu'est-ce qu'vous que vous fichez faites là ? ici ?
Les sourcils de Gillian se froncèrent légèrement et elle soutint le regard de l’intrus avec une certaine circonspection. Bacchus Murdock. Elle n'avait aucune idée de ce qu'il foutait là, et grâce à la cacophonie qu'ils venaient tout deux de causer, elle n'avait aucune idée non plus de ce qu'il venait de lui demander, mais elle ne chercha pas à rectifier le tir. Au lieu de ça, elle se recula, sa colonne vertébrale venant se tasser contre le dossier de sa chaise. Elle prit soudain conscience de la veste en cuir posée sur son dos et ses mains vinrent agripper le tissu de part et d'autre pour le resserrer autour de ses épaules. Il était sale, poussiéreux et dégageait une odeur âcre de sueur mais la douce chaleur dont il l'enveloppa avait quelque-chose de rassurant qui l'aida un petit peu à se détendre. Elle comprit alors qu'il s'agissait de son blouson et que, pour une raison qu'elle ne s'expliquait pas, c'était lui qu'il lui avait donné.
_ C'est vot' môme ? _ Oui. _ Comment il va ? _ Il est dans le coma.
Une boule s'agglutina dans sa gorge à ces mots. C'était la première fois qu'elle les prononçait elle-même à voix haute et ils la heurtèrent soudain de plein fouet. Ils devenaient réels tout d'un coup. Jusque là elle était parvenue à rationaliser ses peurs en se raccrochant à l'aspect paisible et simplement endormi de son enfant, à la carnation rosée de ses joues, au son de sa respiration et des légers battements de son cœur dans sa poitrine. Maintenant qu'elle avait prononcé les mots fatidiques, tout cela ne lui apparaissait plus que comme une illusion, que comme un maigre fil fragile et tremblotant au bout duquel se jouait la vie de son fils. Elle réalisait enfin. Gillian prit alors une grande inspiration et tenta de rassembler le peu de courage qu'il lui restait pour tourner à nouveau son attention vers Murdock, l'air faussement détachée.
_ Je suis désolée, vous disiez plus tôt ? Vous vouliez quelque-chose ? Je ne crois pas que je serais capable de vous donner un témoignage de ce qu'il s'est passé. Je n'ai rien vu venir ni rien entendu. C'est encore un grand flou dans ma tête pour le moment, mais sachez que si la moindre information me revient j'en tiendrais immédiatement la BPM informée, bien entendu. |
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| T’avais gardé le regard lourd sur elle, pesant comme ton manteau déposé un peu maladroitement sur ses épaules, juste parce que tu surveillais qu’elle le laisse pas tomber, qu’elle le fasse pas tomber genre qu’est-ce que c’est que ça, qui a osé me jeter cette immondice sur le dos. En temps normal, c’est ce qu’elle aurait probablement fait. Mais en temps normal, t’aurais jamais osé ce genre de choses. Parce que c’était elle qui avait des grands manteaux, et qu’elle marchait trop vite, trop occupée dans les couloirs du Ministère pour que tu puisses avoir l’idée lumineuse de traîner dans ses chaussures à talons. Et, si à force, on pouvait finir par croire que cette sombre ère, c’était le temps normal, vous étiez pas dans votre état normal. Parce qu’elle faisait pas la grimace des gens importants, et parce que tu savais pas où était le patron. C’était peut-être l’occasion pour vous deux de rester un temps en ce temps pas trop normal.
C’est pour ça qu’elle fait pas tomber le manteau de ses épaules. Qu’elle le réajuste même, en faisant grincer ses ongles un peu abîmés à cause de l’attentat sur le cuir beaucoup abîmé de tous les jours. Tu te rappelles vaguement l’avoir aperçue pendant le discours. Mais t’avais pas tendu le cou suffisamment pour remarquer qu’elle était accompagnée d’un enfant. Quelle drôle d’idée. C’est pas vraiment un événement pour un gosse. Même vous, adultes, vous y étiez ennuyé à mourir. C’est qu’t’es un peu un gosse quand tu veux. Sauf que toi tu pèses dix fois son poids. Et que t’es pas dans le coma. C’est vrai qu’on dirait pas qu’il est dans le coma. Même elle, elle a pas l’air de se rendre compte ; on dirait qu’elle découvre, en prononçant ce mot, quand les lèvres maquillées s’affaissent et que la ride du lion se plisse. T’avais déjà observé plusieurs camarades dans cet état, au retour de missions périlleuses. Mais chaque fois, tu te disais qu’il avait bon dos le coma ; l’alité s’en foutait, il avait l’air de dormir. Nan, le plus pesant était pour les vivants, en rond autour de la couche, à regarder leurs mains ou les mains des autres, en silence. Quand on savait pas quoi dire parce qu’on savait pas s’il nous entendait ; ou s’il allait seulement s’en sortir. Et on se demandait d’ores et déjà qui allait hériter de son casier. C’est que vous pouviez être sans pitié de temps en temps. Comme des enfants.
T’as les mains qui se croisent devant toi, sur ta ceinture, comme toutes les autres fois. Tu les regardes pas, tu considères celles de m’dame Lufkin, fébriles. Elles savent pas quoi faire. Elle doit pas savoir quoi faire pour son fils. Et c’est ça qui la ronge. Tout comme toi. Vous vous sentez inutiles, impuissants et aux abois, alors que c’est pas vous qui allez le plus mal. Enfin, vous allez pas mal dans vos bras, vos jambes ou votre tête –quoique. Mais la douleur dans la poitrine, elle, elle va en grandissant. Elle s’étend comme une tache d’encre sur le buvard des rapports de mission que tu osais lui rendre. Elle avait eu l’occasion de se moquer de ton orthographe, m’dame Lufkin ?
C’est elle qui brise le silence des encore en vie. Tête baissée, les yeux sur ses mains qui savent pas quoi faire, tu fronces les sourcils. De quoi elle parle ? Tu relèves le menton, chassant l’idée du bout des doigts. « Vous vous trompez, ch’uis pas v’nu pour ça » t’as un geste du pouce vers la porte « j’me suis juste trompé d’chambre » t’as une grimace embarrassée « disons qu’c’est pas une visite officielle » haussement d’épaules « et vous savez comme moi que j’fais pas dans la courtoisie » allez vas-y, enchaîne, enchaîne-toi à elle, de peur que le silence des encore en vie ne s’installe de nouveau, envahissant, comme un invité sans manière qui mettrait ses pieds sur la table. « Mais si vous préférez qu’j’vous laisse tranquille » Non, ‘faut surtout pas proposer ça, Murdock, c’est trop facile de rester tout seul avec le silence, c’est trop tentant, c’est comme tendre le bâton pour se faire battre, et dans ce domaine, t’en connaissais un rayon. Pourtant, t’avais refusé de laisser Imogene un seul instant. De fait, tu couperais presque sa réponse « Vous d’vriez prendre un peu l’air » c’est ça, mon gros, occupe-toi d’elle, comme ça, t’as pas à t’occuper de toi-même. « d’toute façon, il risque pas d’aller bien loin » t’es con. Mais qu’il est con. C’est pas le moment de faire des blagues, mon grand, surtout des mauvaises. Ou alors, c’était pas une blague. Tu fais ni dans la courtoisie, ni dans la subtilité ; c’est que tu la hisserais sur ton épaule comme un sac de pommes de terre si jamais elle se refusait à sortir de cette chambre. Mais c’est ce que l’infirmière t’avait dit, pour Imogene ; c’est pas en restant auprès d’elle qu’elle se réveillera plus vite. La suite comme quoi t’aurais besoin d’une bonne toilette, tu éviteras de la lui répéter, hein… Elle a le brushing un peu défait, c’est comme quand en mission, Rookwood a la mèche décoiffée ; c’est pas un temps normal.
C’est toujours un peu chiant à avouer pour les autres, quand il t’arrive d’avoir raison. C’est comme d’assumer que la vérité sort de la bouche des enfants. Sans scrupules. |
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| Pas venu pour ça. Gillian battit à nouveau des paupières devant ses grands yeux bleus rougis par la fatigue et les larmes qui avaient coulé le long de ses joues lorsqu'il n'y avait plus eu personne pour la voir. Elle ne comprenait pas. Pourquoi était-il là alors ? Si ses supérieurs ne l'avaient pas envoyé enquêter, qu'est-ce qui l'avait poussé à la rejoindre au chevet de son fils ? Elle suivit son geste du regard quand il pointa la porte derrière lui et secoua doucement la tête de droite à gauche en entendant ses explications. Était-ce vraiment aussi bête que cela ? Il s'était... perdu ? Gillian réajusta sa position sur sa chaise, comme pour pallier à un certain inconfort. Elle ne savait pas quoi lui dire. Il y avait quelque-chose de rassurant pourtant dans sa présence, dans le ronronnement de sa voix venu briser la monotonie du silence. C'était un peu à côté de la plaque et maladroit, mais c'était toujours mieux que rien. Mieux que cette attente angoissante interminable qui lui rongeait le sang.
_ Mais si vous préférez que j'vous laisse tranquille... _ Non !
La réponse claqua nette, comme un coup de fouet. Elle s'était brusquement redressée sur sa chaise, le son de sa voix montant anormalement dans les aigus, paniquée, presque, à l'idée qu'il disparaisse. Qu'il l'abandonne. Son cœur lui donnait l'impression d'avoir manqué un battement dans sa poitrine et elle détourna rapidement les yeux, gênée par la fulgurance de sa réaction et la vulnérabilité qu'elle dénotait. C'était absurde. Elle ne connaissait même pas Bacchus Murdock. Elle ne lui avait jamais vraiment prêté attention avant ce jour, ni même échangé la moindre conversation un temps soit peu intéressante avec lui. Elle l'avait croisé au Ministère, lors de certaines soirées mondaines ou de missions pour le compte du Lord, mais ils faisaient partie de ces gens sur lequel son regard glissait sans jamais s'attarder plus de quelques secondes. Il était trop idiot, trop rustre, trop insipide. C'était ce qu'elle s'était toujours figuré en tout cas mais, aujourd'hui, elle ne se sentait plus si prompte à tirer des conclusions hâtives. Il était là, non ? Personne d'autre n'était venu, pas même Virgil – il était occupé, il était chef de la BPM, il avait des responsabilités, avec tout ce remue-ménage il devait crouler sous le travail se résonnait-elle pour faire taire la petite voix au fond de son crâne qui aurait voulu le traiter de tous les noms d'oiseaux qu'elle connaissait – et il lui avait prêté son blouson.
_ Vous d'vriez prendre un peu l'air. _ Je ne sais pas, je... bredouilla-t-elle en replaçant une mèche de cheveux noirs comme l'ébène derrière son oreille, son regard déviant naturellement vers le lit de Leopole. _ D'toute façon, il risque pas d'aller bien loin.
En temps normal, Gillian se serait probablement offusquée d'un tel manque de tact. Elle avait même commencé à ouvrir la bouche pour répliquer, mais elle finit par abandonner l'idée. Il avait raison. Bien sûr qu'il avait raison, mais cela ne rendait pas les choses plus faciles. Elle avait l'impression qu'en quittant cette pièce elle l'abandonnait, comme si d'une certaine manière sa présence était la seule chose qui le raccrochait encore au temps présent. Il semblait déjà si petit, si perdu dans ce lit. De quoi aurait-il l'air sans elle pour lui tenir la main ? Et s'il se réveillait pendant son absence ? S'il avait besoin d'elle et qu'elle n'était pas là ? S'il mou... Non. Elle refusait de laisser ses pensées divaguer de la sorte. Gillian se releva alors brusquement. Elle tangua un peu sur ses jambes mais parvint à maintenir son équilibre.
_ Allons-y.
Elle était blanche comme un linge quand elle se positionna à ses côtés. Au moment où ils franchirent la porte, elle s'accrocha même à son bras, comme un noyé à une bouée, comme si c'était le seul moyen pour qu'elle parvienne à mettre un pied devant l'autre sans s'écrouler ou faire demi-tour. Elle ne le relâcha que lorsqu'ils arrivèrent à destination, dans le petit jardin d'une cour intérieure semblable à ceux que l'on pouvait trouver dans un cloître. Gillian bascula alors la tête en arrière et laisse le soleil réchauffer sa peau blanche. Elle resta comme ça un long moment avant de s'adresser à nouveau à son étrange compagnon d'infortune.
_ Racontez-moi une histoire. N'importe quoi. |
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Tu t’étais même pas rendu compte de la dureté de ton observation. Et c’est peut-être ça le moins rassurant ; c’est que tu pouvais faire mal sans t’en rendre compte. Que la plupart du temps, c’est ce que tu faisais ; parce que quand tu éliminais un fugitif, tu le considérais pas suffisamment comme un humain pour supposer qu’il puisse ressentir de la douleur. Toi-même, parfois, tu te demandais ce que ça faisait déjà ; parce que là non plus, tu le savais pas, mais tu vivais dans un état constant de souffrance et d’inconfort que t’avais fini par assimiler. Oui, voilà, m’dame Lufkin était encore plus forte que toi. Ça finirait par passer. Et, en attendant que ça passe, tu pouvais bien lui faire honneur de ta monstrueuse et balourde présence.
A défaut de te faire remarquer ton manque flagrant de manière –comme tout bon collègue n’aurait pas manqué de le faire, histoire d’avoir une bonne blague à raconter en rentrant chez lui-, elle tâtonne le sol sous ses chaussures chères et, comme on jouerait à ne pas toucher les lignes du carrelage quand on est petit, elle prend appui sur ton bras qu’au début, tu la sentirais pas si elle avait pas la main si froide. Là, c’est toi qui manques de t’étaler de tout ton long, au moins ça, parce que t’avais perdu l’habitude qu’on vienne à toi spontanément –la preuve, t’avais forcé le barrage de la chambre encore plus noire que celle-ci dans laquelle elle s’était enfermée dans sa tête. Et, même si elle avait les doigts glacés des gens qui ont pas peur de leur propre mort mais de celle des autres, c’est devenu tout tiède quand vous êtes sortis.
M’dame Lufkin, elle faisait partie des gens que t’avais jamais le temps ni le droit d’observer. Ces gens trop chics, qui marchaient trop vite, qui disaient même plus les sorts à haute voix pour faire de la magie. Archétype du Mangemort sur ses grands Sombrals, assis à la droite du Magister. Amen. Silhouettes pas si grandes et pas si épaisses que ça mais dont on percevait la puissance par simples vibrations d’ondes magiques tellement ils étaient puissants. De fait, t’avais jamais vraiment regardé avec les yeux dans le fond de toi m’dame Lufkin. Avec Rookwood, c’était pas pareil. Tu le matais tout le temps, tout le ministère le savait, avant de savoir qui tu étais toi. T’étais le type qui matait Rookwood. Mais c’était pas pareil. Lui, t’aurais jamais fini de le regarder, comme le soleil, ça brûle les yeux, mais on regarde quand même, parce qu’après ça fait des taches de couleur sur la rétine. Il te perdra.
Sauf qu’aujourd’hui, la constellation Lufkin était éteinte. Elle se ralluma non sans peine à la lumière du jour ; il faisait un peu frais mais la pierre de la cour intérieure était chauffée par le soleil que ça aurait fait du bien de s’allonger dessus. Mais t’en es pas encore à là. T’en es à découvrir à la lumière le visage de m’dame Lufkin sous un autre jour. Le jour de en temps pas normal. Elle a le visage et la gorge porcelaine, comme délavés par la pénombre. Tu plisses un peu les yeux, parce qu’il est plus clair que la lumière dans l’air. Les ailes de ses narines et ses yeux sont encore un peu rouges d’avoir pleuré, ses lèvres sont plus trop maquillées mais très rouges d’avoir été mordues par un amant pas très sympathique, genre la culpabilité. T’es un esthète mais t’as pas trop les mots pour décrire les belles choses. Des mots simples. Rouge, blanche, cheveux si noirs que tu pensais pas ça possible. Et les yeux si clairs qu’on dirait qu’ils ont été délavés à cause des pleurs. C’est une très belle femme, mais ça, t’apprendras rien à personne. Là, maintenant tout de suite, elle est très belle. Mais tu te vois mal lui dire que la tristesse lui va bien au teint.
Les buissons bordant le chemin de ronde ont l’air soudain tout à fait intéressants alors qu’elle brise le silence des bruissements de feuilles. Tu fronces un sourcil. Une histoire ? C’était pas elle la mère de famille ? Tu savais pas parler, t’avais trop de mal pour trop parler et quand tu parlais trop, ça finissait même parfois par t’énerver. Sauf que t’es responsable d’elle tant que c’est pas passé. Et que y’a un panneau à l’entrée un peu con qui dit que les plantes ont besoin de silence elles aussi. Foutaises ; chez toi, tes plantes, tu leur parlais tous les jours et elles se portaient comme des charmes. T’en restes pas moins totalement pris au dépourvu que c’est toi qui laisses passer un silence, à fourrager dans ta tête de piaf, voir ce qui serait pas trop morbide.
« Chez moi, mon frère il avait des instruments magiques pour regarder les étoiles » oook, ça commence bien, on dirait que tu vas lui donner un cours d’astromagie « des fois j’pouvais r’garder aussi, quand il était pas là, parce que sinon, il aime pas que j’touche parce qu’il pense que ch’uis con et que je vais faire des traces de doigts sur les lentilles » alors, mon garçon, on va éviter les détails superficiels, ok ? seulement l’essentiel ; il s’agirait pas de lasser ton auditoire. Ou de te rendre ridicule en lui apprenant qu’il s’agissait bel et bien de ton petit frère. « j’pourrai pas vous raconter tout c’qu’on peut voir ; on a pas encore inventé de mots pour ça » t’as le visage un peu contrit, mais tu veux pas t’arrêter parce que les images, elles sont restées dans ta tête « y’a des couleurs qu’on connaît pas, et des formes aussi que toutes les expés du niveau 9 pourraient pas refaire » hop hop, on s’attarde pas sur cet étage, please « c’est beau les étoiles » ta voix s’élève un peu, résonnant comme dans une caverne car elle est vrombit comme un moteur « il paraît que les moldus, ils ont réussi à aller sur la Lune » crispation de ta mâchoire parce que haine « mais ils pourront jamais aller sur les étoiles » bon, mon grand, c’est pas vraiment une histoire ça « c’que j’ai trouvé le plus beau, c’est quand les étoiles, avant de s’éteindre, elles grossissent et deviennent rouges et même que si on a de la chance, après, ça devient une supernova, c’est ça le plus beau. Au début, j’étais un peu triste de savoir que même elles, elles s’éteignaient ; mais en fait, c’est si beau qu’on finit par accepter et même qu’on espère que ça sera aussi beau quand on va s’éteindre, parce que, comme c’est inéluctable » ouh, damned, t’as eu du mal à nous le sortir celui-là « autant en mettre plein la vue à ceux qui restent »
Bon ok, en fait, c’est carrément morbide. Mais risible aussi un peu, parce que raconté par toi. « Ils s’passent tellement d’choses là-haut, mais on s’en fout, on continue d’tourner » C’était « apprends la vie et la mort avec Bacchus Murdock », en tournée dans tous les hôpitaux sorciers d’Angleterre.
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| Quand elle était petite, Gillian faisait souvent le même cauchemar. Il débutait toujours de la même manière, son frère et elle jouant sur la plage escarpée que surplombait le manoir familiale, comme ils avaient si souvent l'habitude de le faire. Pourtant, dès les premières images, son cœur se serrait dans sa poitrine. Instinctivement, elle savait qu'il ne s'agissait pas de la réalité et ce qui s'apprêtait à arriver. Ce n'est qu'un rêve. Qu'un stupide rêve. Réveille-toi. Mais c'était comme voire un accident sur le point de se produire et ne rien pouvoir faire pour l'empêcher, comme si elle s'était tenue hors de son propre corps, incapable de s'arracher à ses propres songes, forcée de regarder une petite fille aux mêmes lèvres déjà trop rouges et aux mêmes yeux déjà trop bleus que les siens se lancer à l'ascension des falaises abruptes. Elle riait, et son frère finissait par la suivre en tentant de la rattraper. Quand ils atteignaient enfin la corniche située quelques mètres plus haut, pantelants mais rieurs, un grondement terrible venu des profondeurs de la terre faisait trembler le sol sous leurs dos et la petite fille aussi comprenait alors soudain ce qui venait de se produire. Ils l'avaient réveillé. Le Monstre à la gueule hérissée de crocs noirs. Et puisqu'il était déjà trop tard, puisqu'il ne restait plus que cela à faire, elle se mettait à courir, courir et courir encore, les tremblements de son galop furieux se rapprochant inexorablement dans son dos. Mais ce n'était pas après elle qu'il en avait. Impuissante, elle assistait alors au carnage tandis que le Monstre se repaissait des entrailles des siens les uns après les autres. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus qu'elle. Le visage baigné de larmes et le corps tremblant, elle lui demandait alors pourquoi. Alors il s'approchait doucement d'elle avant de retirer son masque, comme s'il s'agissait d'une seconde peau ou d'un déguisement ridicule. C'était elle.
Elle n'avait pas froid, pourtant Gillian frissonna sous le soleil de mai en repensant à la manière dont elle se réveillait en sursaut au beau milieu de la nuit, le cœur tambourinant contre la poitrine, et elle resserra encore un peu plus près d'elle le blouson de Murdock. Raconte-moi une histoire. C'était la phrase qu'elle murmurait à l'oreille de son frère après s'être glissée sous ses draps et avoir enlacé ses bras autour de son corps chaud. Vivant. Il ne lui avait jamais demandé ce qui lui faisait si peur, mais nouait alors ses doigts aux siens et lui racontait simplement une histoire jusqu'à ce qu'elle se rendorme paisiblement à ses côtés. Même après qu'elle ait arrêté de faire ce stupide cauchemar, Gillian avait longtemps continué à chercher auprès de lui ce réconfort enfantin. William avait toujours eu une voix si douce...
Bacchus Murdock n'était pas William Lufkin. Il n'avait pas sa voix qui caresse ni ses jolis mots, mais cela n'avait pas la moindre importance. Elle le trouva touchant dans sa manière un peu bancale de se confier à elle. Son histoire n'avait rien de trépidant ou de fantastique. C'était juste un souvenir parmi tant d'autres, de quelque-chose qu'il avait trouvé beau, d'un instant si particulier et d'une sérénité si rare, une part de lui qu'il livrait sans honte ou sans pudeur. Rien ne l'obligeait à céder à son caprice et à lui raconter cela, pourtant il l'avait fait. Et Gillian ne savait pas trop quoi dire en vérité pour répondre à cette confidence qu'il lui faisait. Enchaîner sur un sujet totalement opposé, comme si rien n'avait été ? S'autoriser un "moi je" ? Lui lancer un regard compatissant, comme persuadée de l'avoir compris ? Non. Chacune de ces possibilités lui semblaient affreusement gênantes. Alors elle se contenta de se taire, exprimant simplement par son regard et son silence qu'elle avait entendu.
_ Vous avez une jolie voix, lâcha-t-elle finalement, quand suffisamment de temps se fut écoulé pour qu'une quelconque intervention de sa part ne paraisse déplacée.
Sa main se posa à nouveau sur son avant-bras et elle le pressa doucement entre ses doigts. Il avait les muscles si durs, si robustes, qu'elle douta un instant qu'il ait senti quoi que ce soit, mais la grimace un peu gênée qui agita son regard lui assura du contraire. Un léger sourire vint alors courber ses lèvres, mais Gillian le relâcha sans chercher à s'amuser de l'effet que ce simple geste, additionné au compliment qu'elle venait de lui faire, avait suffit à produire chez le rafleur. Au lieu de quoi, son regard s'attarda sur les bandages et les nombreuses éraflures qu'il arborait. Considérant l'ampleur de la catastrophe à laquelle ils venaient de réchapper, ils ne s'en sortaient pas trop mal elle et lui. L'injustice de ce constat la frappa, mais elle se rappela aussi soudain de ce qu'il lui avait dit quand elle avait cru qu'il venait la voir pour l'interroger pour le compte de la BPM. Comme quoi il s'était trompé de chambre.
_ Avant que vous ne fassiez irruption dans la chambre de mon fils, vous veniez voir quelqu'un n'est-ce pas ? Est-ce que... Est-ce que cette personne va bien ? Elle eut du mal à prononcer ce mot. Comme si qui que ce soit pouvait aller bien après ce qui s'était passé ! Vous devriez être près d'elle. Vous aviez raison, prendre l'air m'a fait du bien mais je ne voudrais pas vous retenir plus longtemps. Vous avez sûrement mieux à faire. |
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| Ça te va bien tiens de discourir sur la vie et la mort, quand toi-même tu jouais avec celle des autres pendant ton travail. Encore heureux que le monde ne s’arrêtait pas de tourner, quand y’en avait un qui crevait, parce que sinon, pour sûr, t’allais pas avancer bien vite. Une fois qu’un nom n’était plus rattaché qu’à un corps sans vie, tu avais tôt fait de le virer de ta tête pour passer à autre chose. Non, vraiment, avec du recul, ta petite histoire sonnait aussi fausse que si Nannie avait tenu un discours philosophique. Pourtant, en même temps, tu n’avais été on ne peut plus sincère. Sincèrement, ton monde ne s’arrêtait pas de tourner quand il y avait des morts. Parce que pour toi, tout ça, cette guerre et ces horribles arrestations, ça faisait partie intégrante de ton quotidien. C’est ce qui mettait du pain sur la table à la fin du mois. En empêchant quelqu’un d’autre d’en poser sur la sienne. Et c’était peut-être ça le plus terrible ; tu te rendais pas compte de ce qui était mauvais. T’aurais été incapable de discourir sur le bien et le mal.
Tu te rends compte à l’inclinaison des rais de lumière chauffant la pierre que vous aviez tranquillement fait plusieurs fois le tour du petit jardin. M’dame Lufkin ne t’avait pas interrompu un seul instant, alors qu’ils auraient été nombreux à glisser leur grain de sel ou à te couper la parole, histoire de savoir directement où tu voulais en venir. Et puis il y a celui qui se serait doucement marré, feignant un intérêt profond pour ta petite histoire. Mais par souci de professionnalisme, nous préserverons l’identité d’Augustus Rookwood secrète. Et même une fois que tu eus conclu ton récit, elle garda le silence, comme si de son côté, elle avait également trouvé un sens propre à cette histoire. Un compliment d’une troublante simplicité ne brisa même pas le silence puisqu’il te laissa sans voix, ton regard pataud sur joues brûlantes trébuchant sur ses mains agrippées à toi. Malheureusement, t’étais pas suffisamment habitué à ce qu’on t’écoute pleinement ou même que l’on te complimente pour lui demander aussitôt ce qu’elle avait en tête. Parce que d’habitude, c’était pas à vous autres petits rafleurs insignifiants de poser les questions aux grands pontes mangemorts. D’un autre côté, jusqu’à présent, la Lufkin n’avait pas spécialement fait acte d’autorité, pour ne pas dire que pour rien au monde on aurait pu la soupçonner à ce moment-là d’être à la solde du Magister. Bah ouais, si on pouvait douter de la nature humaine de Voldemort, les Mangemorts, eux, étaient encore bien vivants et bien humains. Et ces deux conditions ne faisaient pas toujours bon ménage avec le pacte qu’ils avaient passé, certains si jeunes !- avec le démon.
Toutefois, les démons qui devaient dévorer m’dame Lufkin étaient certainement d’une toute autre nature. Ce n’était pas tant qu’elle était encore jeune, insouciante et empêtrée ; disons qu’elle s’était vue confiée de nouvelles responsabilités –pour ne pas dire un nouveau cas de conscience- à la naissance de son enfant. Tu savais vaguement que Lestrange avait des enfants ; mais au vu de l’approximation de cette information, c’est qu’on en entendait pas souvent parler… Pour les autres, tu ne le savais pas ; disons que la plupart étaient plus jeunes que toi, le Nott, la miss Chang et compagnie, tandis que d’autres prenaient un soin particulier à taire l’existence d’une progéniture… Et enfin, dans ton cas, on se fendait bien la poire en t’imaginant avec un môme entre les pattes. Et pourtant, il semblait que tu avais jeté une cape de responsabilité sur les épaules de la jeune Imogene qui récupérait un peu plus bas dans l’hôpital. Allez savoir pourquoi, c’était tombé sur cette jeune femme qui ne songeait qu’à te faire tourner en bourrique. « … Vous en faites pas pour elle » tu hausses une épaule « elle aime trop m’faire chier pour clamser tout de suite » rictus un peu narquois « quoique, même comme fantôme, ch’uis sûr que ce s’rait l’genre esprit frappeur » tu mimes l’évanescence de la chose d’un vague mouvement de main « j’vous raccompagne ? » que tu proposes finalement, fourbu d’une galanterie qu’on ne te connaissait pas.
Même si tu supposes qu’elle te propose ça afin de pouvoir rejoindre son fils, tu ne serais pas du genre à lui forcer la main pour rester avec toi en dehors de tout ça. Parce que si t’as jamais vraiment eu le droit au modèle exemplaire de la mère aimante, il semble que tu sais ce que ça fait d’avoir peur. Tout simplement. T’essayes pas de dégager ton bras, vous levez votre camp de fortune du petit jardin. Les couloirs sentent fort les potions de guérison et d’euthanasie. La lumière est aussi blanche que celle du soleil mais en un peu plus vert drap de lit. Cette fois encore vous prenez de la place, et y’en a quelques-uns qui vous bousculent, mais t’y fais pas attention, ou plutôt, tu fais attention de pas trop bouger, de pas leur rendre au centuple parce que t’as une dame au bras et qu’on va finir par t’insuffler un léger vent de bonne manière. C’est non sans tâtonnements que tu retrouves la chambre de l’enfant. « J’crois qu’ch’uis trois portes plus loin, si jamais vous voulez une autre histoire » tu t’essayes à la regarder dans les yeux « et sinon, trois étages en-dessous d’vous au Ministère » sait-on jamais, parfois, les bureaux se vident et prêtent à des rencontres qu’on ne soupçonnait pas possible. Parce que si les Mangemorts se targuent de s’occuper de tout, qui s’occupera des Mangemorts ?
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| | | | | and i wish that i had a mother - gillian | |
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