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sujet; Parricide, subst. masc. [HESTAN #6]
MessageSujet: Parricide, subst. masc. [HESTAN #6]   Parricide, subst. masc. [HESTAN #6] EmptyDim 25 Sep 2016 - 19:12

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Hécate & Rabastan
Il baise avec respect ce funeste présent ;
Il implore à genoux le bras du Tout-puissant ;
Et, plein du monstre affreux dont la fureur le guide,
D'un air sanctifié s'apprête au parricide.
Il repose la plume. Sur le papier froid et épais, le H majuscule s’étire en hauteur. L’écriture de Rabastan est pointue, légèrement penchée. Quand il avait appris à écrire, dans ses jeunes années, il écrivait des lettres rondes et grossièrement attachées. De la main gauche. On lui avait attaché sa main directrice dans le dos pour qu’il se force à utiliser la droite. Une histoire de présage. Et parce qu’Aldebaran pensait que la main gauche n’était pas appropriée pour tenir une baguette. Il avait du réapprendre à écrire avec la main droite, d’où une écriture plus minutieuse, fine, et tordue vers la droite. Il était assez lent pour écrire, l’avait toujours été. Mais les quelques mots qu’il avait laissé au dos du papier glacé ne lui avait pris que quelques instants. Hécate S ; prise le 01-09-03, « sourire matinal ». Il retourne le papier pour regarder la photo. Il l’avait prise au tout début du mois de septembre. Après avoir décidé de se racheter un nouvel appareil photographique. Décision prise après que ses souvenirs lui sont revenus, lentement et au compte goutte. Comme si ça avait permis de lui rappeler son ancienne affection pour la photographie. C’était le premier cliché qu’il avait pris. Le matin, aux bureaux. L’image représentait Hécate, qui ne regardait pas l’objectif, plongée dans une lecture quelconque. Il avait du dire quelque chose juste avant d’appuyer sur le déclencheur et l’image tournait en boucle magiquement pour repasser le moment où un sourire vient s’ouvrir sur ses lèvres. Il l’avait regardé longtemps, après l’avoir développée. Ce sourire qui s’agrandit et ce très léger plissement de nez. Et cette lueur dans les yeux.

Une pour lui.
Une pour elle. C’est pour ça qu’il a inscrit la légende.
Il regarde sa montre, elle est chez elle aujourd’hui. Ce serait pas long d’aller la rejoindre. Juste pour la lui donner. Il ne voulait pas faire ça au travail. Pas assez discret. Parce que la prendre en photo c’est discret peut-être ? Rabastan n’était pas à un ou deux faux pas près… mais là il préférait encore se rendre chez elle. Quitte à devoir subir les affreuses poupées agaçantes et le petit frère non moins agaçant.

Sans même s’en rendre compte, il sourit. Ça lui arrivait de plus en plus souvent, ce genre de chose. Et il se rendait compte quelques instants plus tard qu’il avait une sorte de vague sourire accroché au visage depuis deux ou trois secondes. Il reprenait son expression habituelle immédiatement. Mais il savait que maintenant, il n’avait plus à se forcer pour livrer ne serait ce que l’ombre d’un rictus. C’était une sensation étrange. Et c’était encore plus étrange de penser qu’il y avait eu une période où tout ça lui semblait normal. Sourire, même rire.
Les souvenirs lui réapportait ces habitudes et même si elles étaient encore pâles, faibles, elles étaient là. Ses doigts glissent sur la photo. C’était pas grand-chose, ça n’allait peut être pas lui plaire, mais il voulait la lui donner. La première qu’il avait prise depuis des années. Un peu grâce à elle. Parce qu’elle valait la peine qu’on la prenne en photo, clairement. Le cliché qu’il garde pour lui est dans la poche intérieure de sa veste.
Il fait chaud, ils venaient d’avoir un été caniculaire, mais Rabastan était du genre à préférer crever de chaud plutôt que le contraire. Alors la veste, il la gardait avec lui. Plusieurs couches de vêtements, ça le rassurait.
De toute manière, avoir chaud ça voulait dire qu’on était vivant.

Là il se force à sourire, comme pour s’entrainer. C’est un peu plus dur. Faut pas trop y penser. Il sort.
Et il marche un peu. Ne transplane pas tout de suite. Une habitude qu’il prend petit à petit. Sa baguette collée dans sa main droite. Etrangement, même s’il avait mis du temps à s’y faire, il préférait cette arme à l’ancienne. Il lui faisait plus confiance. C’était idiot, mais il se sentait plus en sécurité. Il traverse quelques rues comme ça, profitant du soleil encore bien chaud malgré l’heure avancée de l’après midi avant de finalement se décider à transplaner. En douceur, comme s’il prenait une longue inspiration, et il se retrouve devant la Bran Tower. S’appeler Lestrange à cette époque lui accordait moult avantages — à moins que ce ne soit seulement sa profession ? Enfin… dont l’avantage de ne pas avoir à subir une suspicion trop profonde lorsqu’il voulait aller quelque part. C’était vraiment amusant de penser que dans cette ambiance de guerre il passait presque pour une personne recommendable. Qui l’eut cru ? Certainement pas sa défunte femme.

Il emprunte les escaliers, parce qu’on ne tente pas le diable, et grimpe les marches, lentement, calmement, jusqu’à finalement arriver au palier. Il le connaissait bien. Sans avoir eu besoin de le voir des centaines de fois. Ça faisait parti des souvenirs qui s’ancraient facilement. La porte, les murs, le sol. Si un détail changeait, que ce soit un petit accroc sur la peinture, il le remarquerait.
Il regarde le palier une seconde.
Et tique.
Sans savoir pourquoi. Mais quelque chose est différent.
Après un bref temps d’observation, il constate que c’est la poignée. Qui ne brille plus. Il fait claquer sa langue, logiquement le sort de sécurité est toujours enclenché. Est-ce qu’Hécate aurait trouvé une bonne raison pour le désactiver ?
Le fait qu’il n’envisage pas immédiatement le pire des scénarios prouvait assez bien à quel point il regressait sur l’échele de la paranoïa.
Le fait qu’il faille attendre quelques secondes et une brusque poussée d’adrénaline pour qu’il commence à se dire que peut être quelque chose de… grave s’est passé montrait assez bien à quel point la plus petite parcelle de bonheur le ralentissait.

Bruque poussée de panique, et il inspire pour se calmer. Replie les doigts et toque à la porte. Classique : deux longs, deux courts. Sa signature.
Il lui laissait quinze secondes. Si au bout de quinze secondes rien ne se passait, il rentrait. Manu militari.
Il avait le droit, il était Rabastan Lestrange.
Sa main droite sur sa baguette, la gauche sur la petite enveloppe dans laquelle il avait déposé la photographie.
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Hécate demeurait assise dans son canapé, les yeux rivés sur la table basse. Virgile était sorti. Virgile était sorti. Il était hors de danger pour le moment.
Oui.

Certes.

Mais il allait revenir, Virgile. Il fallait qu’elle gère cette situation cauchemardesque. Il fallait qu’elle renvoie à ses pénates l’individu assis dans le canapé en face d’elle et qui lui avait donné la vie. Ces derniers temps, ironiquement, il lui donnait surtout des sueurs froides. Mais elle pouvait, devait, gérer cette situation avant qu’elle ne s’envenime comme la jeune femme savait qu’elle pouvait s’envenimer. Au fond, elle n’avait qu’à lui parler de manière raisonnée sans le froisser, et sans laisser entendre ce qu’elle pensait :
Qu’en plus d’être un salaud, son père perdait la tête. Qu’en plus d’avoir ruiné leur mère, bousillé leur enfance et saccagé leur vie, il devenait fou à lier.

-Je t’entends penser…fit la voix étonnamment feutrée et agréable d’Eric Shacklebolt.

Hécate se risqua à relever les yeux et ils rencontrèrent ceux mordorés de son père. Il avait des yeux fabuleux, il avait été un très beau jeune homme et demeurait un adulte séduisant, bien vêtu, apprêté. Personne ne voyait la petite luciole de folie dans son regard. Cela passait le plus souvent pour du génie. Hécate, elle, voyait.

-Tu as perdu ta langue, ma fille ?


Hécate secoua la tête.

-Alors parle. Où est ton frère ?

La jeune femme lâcha un « il est sorti » qui ne contenta visiblement pas son père. Eric poussa un soupir long comme le bras, qui n’étais pas agacé, à peine dépité par le comportement de sa fille qu’il avait l’air de considérer comme un véritable cas d’école d’insolence. Hécate avait les joues brûlantes…enfin la droite plus que la gauche. Elle l’avait trouvée dans le salon en rentrant du travail, signe qu’il avait forcé la porte, et elle avait repéré aussitôt les bouts calcinés de petites poupées traînant sur le salon, signe qu’il avait pulvérisé nombre de ses gardiennes et amies.
Hécate avait vite compris la gravité de l’affaire, et elle en aurait pleuré de haine et de dépit, s’il ne lui avait pas fait ravaler ses potentielles larmes en la giflant en guise de bonjour. Alors qu’elle sentait sa main épaisse lui décoller la tête, elle avait vaguement regretté d’avoir envoyé se faire paître les mangemorts sensés monter la garde en leur demandant de demeurer au rez-de-chaussée et pas devant sa porte. Elle avait fini par gagner le débat, et à la réflexion, elle n’aurait pas dû.

"Ça..." avait dit Eric en voyant la joue de sa fille prendre une teinte rouge soutenue « c’est pour avoir joué la sourde oreille envers ton vieux Papa.»

Puis il l’avait embrassée sur la même joue qu’il venait de frapper lourdement de sa main ornée d’une chevalière.

« Bonjour ma petite chérie. »

Et il s’était posé dans le canapé avec un soupir fatigué.
« Le rythme se calme au travail, alors je me suis dit que c’était sans nul doute le bon moment pour venir chercher ton frère. Je sais qu’il a voulu passer du temps avec toi, mais la plaisanterie a assez durée. Où est-il ? »

Hécate n’avait pas répondu. Parce que Virgile n’était pas venu vivre dans cet appartement juste pour passer du temps avec elle, mais bien pour éviter d’en passer avec lui, Eric. Eric qui buvait trop depuis la mort de Léda, Eric qui parlait tout seul à des gens morts depuis des lustres, adoptait des voix étranges comme si son esprit était une agora, qui cassait des objets en les disant maudis. Ce Eric là, dont ils n’avaient tous sentis que les prémisses, mais qui émergeait désormais de son cocon comme un atroce papillon luisant d’insanité.

Eric avait désigné le fauteuil de l’autre côté de la table basse et Hécate s’y était assise, la joue en feu, cherchant à gagner du temps. Elle avait le sentiment viscéral d’être prise au piège comme un animal acculé, et le plus surprenant était sans doute qu’après tout ce temps, toutes ces années, elle l’autorise encore à poser la main sur elle. Il avait commencé lors du divorce parental, par petites touches, et désormais, lors de ses crises d’inspiration, il peignait de subtils et monumentaux camaïeux de bleus et de mauve sur son corps. Pieds, poings…un baiser et un petit mot doux. Le concept de la danse en quatre temps.

« Ma chérie, tu dois comprendre que je ne peux pas toujours rester calme. »
« La prochaine fois, au lieu de me provoquer, réfléchis un peu à ce que tu dis, veux-tu ? »
« Mon ange, qu’avions nous dit à propos de ton comportement quand je te demande quelque chose ? »


Toujours le ton peiné de l’homme poussé à la violence par son enfant impossible. Hécate sentait sa bouche l’embrasser sur le front ou la joue, ses mains la recoiffer et épousseter ses vêtements, voire essuyer le sang qui lui coulait du nez ou de la bouche, et à chaque fois, elle se sentait plus petite encore qu’un chat errant.

Là encore, elle se sentait petite. Vulnérable. Où était le père de son enfance, qui la faisait rouler sur une bicyclette moldue et dansait avec elle dans le salon sur du jazz endiablé ? Où était-il parti et quand ce jumeau démoniaque et dénué d’empathie avait-il pris sa place ? son enfance avait-elle-même eu un sens ? Les questions étaient trop lourdes pour elle. Trop lourdes, trop dures, trop emplies de conséquences qu’elle ne pourrait pas rayer de son esprit si elle venait à y faire face.

« Hécate, ne me force pas à te le demander sèchement. Où…est…ton frère ? »
« Il ne veut pas revenir habiter chez toi » lâcha la jeune femme dans un élan de courage. Sa voix était neutre, dénuée d’agressivité, mais son œil dut étinceler de rage car Eric fronça les sourcils, plissa les yeux, et se pencha en avant, les avant- bras appuyés sur ses cuisses, les doigts croisés. La position du cobra prête à mordre.
« Tu veux bien répéter ça ? »
Hécate sentit l’angoisse lui tordre le ventre et fit, d’un ton qu’elle espéra ferme mais qui dut être bien pitoyable :
« Virgile m’a dit que tu n’allais pas bien. Depuis la mort de Léda. Et après l’attaque de Poudlard il a préféré venir vivre dans un endroit plus stable pour lui. »
« Tu insinuerais donc que je ne suis pas stable pour mon fils ? »

La question était doucereuse, presque un ronronnement, mais Hécate perçu la menace . Et avant même qu’elle ne puisse choisir une parade appropriée, Eric s’était levé. Avait attrapé le cadre photo en métal reposant sur la table basse, et le lui avait fracassé en travers du visage. La jeune sorcière sentit sa pommette s’ouvrir sous la violence du choc et le tranchant des éclats de verre, mais elle ne cria pas. Elle ne lui ferait jamais ce plaisir. Il leva la main une deuxième fois, mais il y eut du mouvement dans le hall d’entrée. Un mouvement qui attira leur attentions à tous les deux. Rapide comme l’éclair, Hécate se mit sur ses pieds, mais Eric leva le cadre, son autre main se dressant tandis qu’il agitait l’index en signe de dénégation. Elle l’écouta, sachant qu’il la frapperait de nouveau si elle faisait mine de s’enfuir, de crier à l’aide à l’inconnu, ou de prendre sa baguette.

« Vas voir qui c’est, mon ange, et dis-lui que tu es en famille. »


Elle hocha la tête raidement. Seigneur faîtes que ce ne soit pas Virgile. Sortant du salon et traversant un petit couloir menant au vestibule, elle essuya le sang sur sa joue et arriva devant la porte, fébrile. Ce n’était pas Virgile. C’était Rabastan. Et elle devint livide, mutique, incapable de comprendre comment la collision des deux hommes de sa vie avait pu se produire, pourquoi, et surtout comment elle allait se finir. Il y eut un moment suspendu.

« Qui est-ce ?! » fit la voix d’Eric depuis le salon.
« …Le livreur…j’ai commandé des livres ! »
« Paie le ce que tu lui dois et reviens ici. Nous n’avons pas fini de parler et tu sais que je déteste quand tu cours à droite à gauche ! »

Hécate se tourna vers Rabastan, incapable de parler. Elle était terrorisée. Parce que pour la première fois, une tierce personne venait d’entrer dans leur petite bulle privée de violence. Dans le cocon de l’horreur. Et parce qu’elle avait une joue en feu, la seconde coupée en plusieurs endroits, un hématome déjà bien visible et tirant sur le mauve et le brun presque noir . Elle marquait vite ce qui n’ était pas commun pour une jeune femme de sa complexion.
Il la regarda. Elle avait peur. Elle avait honte.
Et dans son regard il y avait du désespoir.
Aide-moi. Je t’en supplie.
Aide-moi.

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Hécate & Rabastan
Il baise avec respect ce funeste présent ;
Il implore à genoux le bras du Tout-puissant ;
Et, plein du monstre affreux dont la fureur le guide,
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Il avait dit quinze secondes. Alors il compte.
Une, deux, trois, quatre, cinq.
Bon… elle arrive ?
Six, sept, huit, neuf, dix.
Ses jointures blanchissent et ses lèvres se serrent.
Onze, dou-

La porte s’ouvre finalement.
S’ouvre sur Hécate.
Alors que les gonds tournent dans un silence huilé, il sourit. Un sourire d’accueil. Un sourire pour dire Hey, c’est moi et tout va bien. Tout va bien pour une fois. C’est qu’elle se faisait désirer, Hécate. Comme une princesse. Ceci explique cela. Elle se faisait désirer comme elle s’était toujours faite désirer. Il en avait toujours marre des autres. Trop rapidement. Ses enfants mis à part. Il en avait marre du mouvement, il en avait marre de bruit. Il avait besoin d’être seul. Mais pas pour elle. Elle, il l’attendait. Elle, il la cherchait du regard le matin en arrivant. Elle, il lui passait exprès devant en journée en allant de tel endroit à tel endroit. Elle, il n’en avait pas marre. Parce qu’elle était comme un OVNI. Elle n’appartenait à rien qui lui était familier, qui avait été familier à l’ancien Rabastan. Pas même anglaise. De là où elle venait, elle n’avait pas entendu parler de lui.
Elle était tout ce que pouvait être sa nouvelle vie.
Elle était la preuve que le bonheur n’était pas uniquement l’apanage de l’ancien Rabastan.
Et elle se faisait désirer.
Parce qu’elle était une princesse.
Il sourit.

Ceci explique cela.

Et son sourire se fige. Se glace. Et se tranforme. Lorsqu’il la voit. Lorsqu’il voit tout ça. Les marques physiques, c’est ce qu’il remarque en premier. C’est la première chose que tout imbécile remarquerait. Mais la nuance, c’est que Rabastan sait très bien identifier la cause de ce genre de marques. Pour avoir été plusieurs fois bourreau et plusieurs fois victime, il y a des choses qui ne trompent pas. Une gifle et un coup. Un vrai. Pour s’être pris des cendriers dans la tête plus d’une fois, il ne se pose pas beaucoup de questions.
Est-ce qu’elle est tombée ?
Elle est tombé sur un connard. Ou une connasse… pas de préjugés, pas son style (non ?) Mais comment est-ce qu’Hécate a pu se laisser ?... Et pourquoi a-t-elle ce regard ? Et pourquoi reste-t-elle silencieuse ? Rabastan cligne des yeux, et son sourire maintenant ressemble beaucoup plus à une grimace.
Le silence dure un bref moment, elle ne parle pas. Il ne dit rien non plus. Et sa main gauche abandonne l’enveloppe dans sa poche avant de se tendre vers sa joue, comme s’il voulait vérifier de lui-même l’état de sa pomette blessée. Mais avant qu’il ai pu faire le quart de son geste, il entend une voix. Masculine. Sa grimace s’intensifie, et dévoile le bas de ses incisives. « Qui est-ce ?! » Qui t’es toi ? CONNARD ? Parce que Rabastan n’en doutait pas vraiment… Quelqu’un avait frappé Hécate et ce quelqu’un… vu sa réaction, était certainement cette personne qu’il entendait. Et elle répond, d’une voix que Rabastan n’avait pas beaucoup eu l’occasion d’entendre. « … le livreur… j’ai commandé des livres. » Il baisse davantage les yeux vers elle, pour rencontrer son regard, interrogateur. Le livreur ? Enfin, elle était Hécate Shacklebolt ; qui était ce putain d’homme qui terrifait sa Hécate ? Était-il sensé avoir peur lui aussi ? « Paie le ce que tu lui dois et reviens ici. » Ce ton… réveillait de très mauvais souvenirs. Il était peut être sensé avoir peur en effet. C’était presque la réaction épidermique que lui procurait ce ton. « Nous n’avons pas fini de parler et tu sais que je déteste quand tu cours à droite à gauche ! » Sa mâchoire se contracte alors que, toujours muet, il presse Hécate du regard. Explication, s’il vous plait explications, maintenant !

Devait-il avoir peur de l’homme que craignait Hécate ?
L’homme qui avait vraisemblablement collé une dérouillée à Hécate ?
L’homme qui avait apparemment toute la tonalité classique d’un pè-
Merlin.
Est-ce que quelqu’un venait de frAPPER HÉCATE ?
Est-ce que quelqu’un TERRIFIAIT HÉCATE ?

Mais il allait le boUFFER PUTAIN DE MERLIN MAIS IL SE CROYAIT OU L’AUTRE ABRUTI ?

Sa main se tend totalement et vient frôler la joue de la jeune femme, doucement, pour ne pas lui faire davantage mal. Et il la pousse de coté, d’un geste du bras, passe devant elle pour arriver dans le salon, qu’il connaissait. Ce salon, tout comme le palier, il pourrait savoir au premier coup d’œil ce qui manquait et ce qui avait été rajouté.
Il manquait ces inssuportables poupées.
En contre partie, il y avait eu une pièce rajoutée.
Rabastan avait déjà eu l’occasion de croiser le chemin d’Eric Shacklebolt. De le croiser au vrai sens du terme. Ils n’avaient jamais échangé une parole, à part peut être une vague civilité. Et encore, connaissant Rabastan c’était fort peu probable. Là c’était la première fois qu’ils se retrouvaient vraiment face à face. Éric était plus vieux que lui, mais il faisait parti de ces gens qui paraissaient plus jeunes. Rabastan les détestait. Peut être parce que lui apparaissait toujours plus vieux. On se demande pourquoi. Il en imposait, sans être véritablement si imposant. Il était plus petit que… Rabastan plisse les yeux en prenant conscience du comparant qu’il calquait sur Eric presqu’automatiquement.
Plus petit, visiblement moins carré. Que…
Si tu te prends un gifle, ça fera moins mal. Que…
Il a envie de secouer sa tête, pour chasser ces idées, mais se retient et se contente d’esquisser au mépris de la douleur qu’il éprouve dans les zygomatiques un rictus sobre. « Shackebolt… quelle… j’allais dire surprise mais après tout tu es chez ta fille, ce n’est pas si étonnant. Serais-je en train d’interrompre une réunion familiale touchante et pleine de larmes ? » Il laisse son regard aller d’Hécate à Eric. Son sourire reste tel quel, immobile. Transpirant une politesse digne des diplomates. Celle que Rabastan vomissait.
Il la vomissait, cette politesse. Parce que dans quelques minutes il n’y aura plus une goutte de compassion ou de civilité pour cet homme. Il s’en débarassait maintenant, de tous ce surplus.
« Pleine de larme, j’ai l’impression. » constate-t-il sur le même ton. « Tu ne m’en veux pas j’espère, j’arrive sans être annoncé. Quel mal élevé je fais. »
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Quand elle vit son sourire se figer, Hécate sut qu’il avait compris, et bien compris. Elle le laissa toucher sa joue, sans chercher à le repousser. Qu’aurait-elle dit pour défendre l’individu dans son salon, de toute manière ?

« Il n’a pas fait exprès ? »
« Il n’est pas comme ça ? »
« Je l’ai mérité ? »


Non. Hécate n’était pas sa mère, il l’avait fait exprès, il était comme ça, et non, non, elle ne l’avait pas mérité. Alors elle laissa Rabastan lui caresser très doucement la joue, ce qui provoqua un terriblement élancement mais lui fit du bien. Son toucher était terriblement délicat et prudent, le contraire des caresses doucereuses de son père qui avaient toujours une fermeté assertive et menaçante. Même dans les plus petits gestes de tendresse, Eric continuait de murmurer silencieusement des horreurs.

Puis Rabastan la dépassa et elle sut que la situation venait de franchir un point de non-retour, parce qu’elle connaissait cette démarche-là par cœur. Droite, raide, décidée, la démarche d’un homme dénué de doute et bien décidé à faire son « putain de devoir ». Quand il pénétra dans le salon, elle remarqua immédiatement qu’Eric avait eu le bon goût de reposer le cadre photo sur la table basse et qu’il se tenait debout au milieu de la pièce, l’air paisible.
Du moins jusqu’à ce qu’il aperçoive Rabastan et comprenne à quel point les choses venaient de se compliquer. Son œil vert alla trouver celui d’Hécate et il y eut encore cette petite étincelle fugace qui lui dit clairement « attends qu’il soit parti, ma chérie, et je te ferai la peau ». Hécate en frissonna parce qu’il en était capable et que ses capacités magiques étaient comme bloquées en face de ce héros qui était devenu son cauchemar.

-Directeur Lestrange, salua Eric de la voix de l’homme respectable surpris en pleine activité, quelle surprise ! je ne m’attendais pas à vous voir, je le concède. Alors dites moi : elle a encore oublié son travail au bureau ? une vraie tête de linotte…

Disant cela, il s’approcha de sa fille et passa un bras autour de son épaule, la faisant trembler. Il lui embrassa le haut du crâne :

-On m’a dit qu’elle faisait du bon travail. Toujours rentre-dedans et sauvage, mais je vous rassure même les modèles comme ça, ça se dompte.

Eric sourit tendrement et décocha une pinechette sous le menton de sa fille. Cette dernière détourna les yeux, raide comme une planche, à la limite du haut le cœur, et terrassée par l’humiliation. Elle n’avait jamais voulu que Rabastan voie ça, ce n’était pas ce qu’elle avait voulu lui montrer d’elle, ce qu’elle avait voulu qu’il pense d’elle. Il pensait être venu voir une jeune femme indépendante et forte, il venait de trouver une enfant écrasée par son père. Elle tenta de reprendre la parole, pour reprendre le pouvoir et retrouver la face :

-Papa, le directeur Lestrange n’a sans doute pas besoin de savoir tous ces détails.
-Tais-toi Hécate. Le directeur et moi parlons. Tu sais ce que je t’ai dit à propos de te mêler des conversations des autres ?

Elle serra les dents à s’en briser l’émail, la main de son père encore agrippée à son épaule comme une serre de rapace. Eric l’embrassa sur la joue en riant avant de se retourner vers Rabastan, l’œil nostalgique :

-Les enfants…je crois me souvenir que vous en avez plusieurs. Vous savez ce que c’est : la base de la pédagogie c’est la répétition. Dès qu’on cesse de répéter, ils nous mettent au placard et s’en vont vivre leur vie. La mère d’Hécate était comme ça elle aussi, j’ai du lui répéter les choses un nombre incalculable de fois, mais même malgré ça…ça n’a pas collé. J’ai bon espoir qu’elle finisse par intégrer que je fais mon maximum pour elle. Hein ma puce ? Une vraie petite Shacklebolt.

Puis, il vit l’air d’enterrement de sa fille et plaça ses doigts sous son menton.

-Tu n’es pas à ton avantage avec cette tête. Souris Hécate. Pour notre invité.

Elle se força à étirer ses zygomatiques et lentement, un sourire qui ressemblait à une grimace de douleur vint étirer ses lèvres. Elle était en train de mourir intérieurement. D’humiliation. De haine. De colère. De souffrance.

-C’est mieux. Pas encore parfait, mais tu apprendras.

Puis Eric se tourna vers Rabastan.

-N’est-elle pas magnifique, notre petite Hécate ?

N’était-elle pas belle, la petite femelle en pleine période de fécondité, avec ses hanches bien dessinées et ses seins en forme de pommes ? n’était-elle pas jolie la petite pouliche désobéissante, une fois qu’on lui avait donné suffisamment de coups de triques et qu’elle marchait au pas ? elle était belle ! jeune femme métissée, 1 mètre 55, 60 kilos, encore vierge ! prête pour la saillie ! bien dressée ! nourrie en plein air !

N’était-elle pas magnifique ?


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Hécate & Rabastan
Il baise avec respect ce funeste présent ;
Il implore à genoux le bras du Tout-puissant ;
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Directeur Lestrange… C’est ça, tape dans la politesse, t’as bien raison. C’est pas ça qui te sauvera mais ça fait toujours bien. Mais c’est qu’il parlait bien en plus le paternel Shacklebolt ! Des jolies tournures de phrases, et ça roulait bien sur la langue et c’était à deux doigts de la courbette. Malgré tous ses efforts Rabastan ne lui arrivait pas à la cheville question diplomatie. Il transpirait bien les faux semblants et la sournoiserie ce connard. « Alors dîtes-moi : elle a encore oublié son travail au bureau ? une vraie tête de linotte… » Rabastan plisse les yeux, alors qu’Eric se rapproche de sa fille pour lui enserrer ses épaules de son bras. Il ne répond pas. Se contente de le regarder, de regarder son bras qui la touche elle. Ses dents se serrent, derrière ses lèvres. Ses jointures sont glaciales sur le bois de sa baguette. Il entend cette voix, pas désagréable au son si l’on parvenait à ignorer le ton dangereusement menaçant.
Pas menaçant envers lui.
Menaçant envers elle.
Il connaissait ce ton, il l’avait entendu tant et tant de fois.
« Même les modèles comme ça, ça se dompte. »

Il voit la main d’Eric se rapprocher du visage d’Hécate. Juste une chiquenaude. Et Hécate détourne les yeux. Rabastan cherche à accrocher son regard, mais elle l’évite. Il a l’impression de regarder un miroir. Ça se tord, dans son ventre. Juste sous son cœur, quelque chose se serre. Ses tripes se retournent. Le bref haut le cœur ne se traduit que par un frémissement d’épaule et par un froncement de sourcil. Rabastan ravale sa bile. C’est amer. C’est plus qu’amer. « Papa, le directeur Lestrange n’a sans doute pas besoin de savoir tous ces détails. » C’était à peine s’il reconnaissait sa voix. « Tais-toi Hécate. Le directeur et moi parlons. Tu sais ce que je t’ai dit à propos de te mêler des conversations des autres. » La main gauche de Rabastan vient instinctivement masser sa gorge, avant qu’il ne s’en rende compte et qu’il la rabaisse. Et encore une fois Eric se penche pour venir embrasser sa fille, sur sa joue encore sombre. Nouveau frémissement d’épaule. Et Rabastan a mal à la gorge. La bile, ça brûle. Et il a l’impression qu’on l’étrangle.

Pourquoi tu fais ça à Hécate ?
Pourquoi est-ce vous faites ça ?
Juste… ça vous fait plaisir de détruire vos enfants ?
Sales petits c…
Le rire d’Eric lui donne envie de gerber. Mais bientôt il n’aura plus de bile à ravaler.
Le regard d’Hécate…

« Les enfants… je crois me souvenir que vous en avez plusieurs. » Clignement d’yeux. Des enfants. Trois. Il était père, lui aussi. Il n’était plus un enfant. Il n’était pas un enfant. Et il était mort, l’autre. Eric… n’allait rien lui faire. Ne pouvait rien lui faire. Il était son égal. Il avait des enfants, lui aussi. Il était son supérieur. Mais comment ce connard a-t-il pu avoir l’ascendant ne serait-ce qu’une seconde ? Rabastan se serait presque frappé lui-même devant tant de faiblesse. « Vous savez ce que c’est. » Et le rictus du Mangemort s’agrandit. Jamais un bon signe. Peut être que Shacklebolt senior était fin diplomate, mais Rabastan n’était pas du genre à se faire embobiner. Surtout pas lorsqu’on s’amusait à lui rappeler en face qu’il avait des enfants et que très certainement il savait ce que c’était. Haha… non. Pas vraiment non. Et tu veux savoir pourquoi ? En sept lettres, ça commence par un A et c’est dur au pendu parce qu’on pense rarement à proposer la lettre Z. Son poing gauche se crispe alors qu’il entend un discours servi et reservi : on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ma pauvre dame ! Le truc c’est de frapper jusqu’à ce que ça rentre. Ça finira bien par marcher. Oui, oui merci, la rengaine il la connaissait et il pouvait facilement te chanter les chœurs. « J’ai bon espoir qu’elle finisse par intégrer que je fais mon maximum pour elle. Hein ma puce ? Une vraie petite Shacklebolt. » Éric était une version mielleuse de que Rabastan avait connu. Le seul truc que ça changeait c’était qu’il lui filait la gerbe plutôt que de lui donner envie de pleurer.

Il la touche encore.
Rabastan serre les dents.
Mais bouge !
Est-ce qu’il pouvait lui interdire de toucher sa fille ?
On s’en branle, bouge !
(« Tais toi darling, c’est ton fils mais tu sais très bien ce que je pense de ta trop grande gentillesse à son égard. Il porte mon nom, alors c’est moi qui décide comment il doit être éduqué. ») Est-ce qu’il pouvait lui interdire de toucher sa fille ? … il allait se gêner.
« Tu n’es pas à ton avantage avec cette tête. Souris Hécate. Pour notre invité. »
Et Hécate se force. Est-ce que c’était à ça qu’il avait ressemblé ? Lui ? Les sourires forcés sur le quai du train, pendant les pauses pour les portraits, les photographies… À ça qu’il ressemblait maintenant encore lorsqu’il s’évertuait à étirer ses lèvres.

Rabastan fait un pas en avant, un petit, pour se rapprocher d’Éric et d’Hécate.
« C’est mieux. Pas encore parfait mais tu apprendras. »
Ben tiens. Un nouveau pas alors que le père se tourne vers lui.
« N’est-elle pas magnifique notre petite Hécate ? »
Il est proche de lui maintenant. Et d’elle.
Il tend sa main gauche, pour qu’il la lui serre. Pour qu’il la lâche.
La main d’Eric est chaude, la poigne est ferme. Et Rabastan articule, d’un ton neutre : « Comme tu dis. » Il n’a pas envie de reprendre ce mot, Hécate est magnifique. Mais le répéter juste après que son père ait souillé le sens même du compliment… il aurait l’impression d’aider à la blesser. Alors il garde son ton neutre. Les yeux toujours plissés. Il lâche la main d’Eric. Fait un pas de coté pour se poser entre lui et Hécate. « Comme tu dis. » répète-t-il « Rien de tel que la répétition, hein ? » Son ton est dangereusement sympathique, méchamment enjoué. Plus inquiétant encore que le continuel rictus. « Qui suis-je pour dire le contraire ? Je suis un produit de cette bonne éducation. Et regarde un peu ce que je suis devenu. » Il écarte un peu les bras, comme pour qu’on puisse mieux l’admirer. « Je serais le dernier des ingrats si je venais à critiquer ça, non ? Aller, je te comprends Shacklebolt. Un revers de temps à autres n’a jamais fait de mal à personne. Et un petit aller-retour non plus hein ? Les coups de poing… ou autres, ça fait du bien aussi. Après ça marque. Mais bon. Elle s’est pris le lavabo en se brossant les dents hein ? Parce qu’elle est si maladroite… » Il tend sa main gauche encore une fois, pour venir lui donner une petite claque vaguement amicale sur la joue. Il le voit tiquer. Personne n’apprécie ce genre de petite claque, pas douloureuse pour deux sous. Ça vaut bien une chiquenaude.

Rabastan ne recule pas, il reste dans l’espace vital d’Eric. Personne n’aime ça, une histoire de frontière entre deux corps etc. Rabastan s’en moque comme de son premier Impardonnable. Il reste planté à quelques centimètres de lui. Continue de sourire. « Enfin mes enfants, tu sais… j’ai pas pu faire beaucoup de pédagogie avec eux hein ? Haha. » Vague geste de la main gauche, puis il vient la poser finalement sur l’épaule d’Eric, l’agrippe fermement. « Mais j’ai eu l’occasion d’expérimenter cette méthode de répétition sur mes employés. Quand ce qu’ils faisaient ne me plaisait pas. Et tu as raison. Ça marche… du tonnerre. » Un temps, toujours ce rictus qui dévoilait une partie de ses dents. « Mes employés, mes inférieurs… Oh mais attend Eric… Attends. » Il regarde un point au dessus de l’épaule du père, comme s’il venait de se souvenir de quelque chose de très important. « Oh mais… sans vouloir t’offenser… tu es un peu… en dessous par rapport à moi non ? » Personne n’était au dessus de lui de toute manière, si l’on oubliait le Magister. Il rit, lui c’est froid, contrairement à Eric. Le genre de petit éclat aride, juste un ou deux éclats, pour montrer que olala qu’est ce que c’était comique ce genre de situation. « Du coup… j’en profite pour te dire, tant qu’on est là, face à face, entre hommes. Entre personnes responsables qui savent que la répétition est importante et qu’un coup de latte dans la gueule ça ne peut faire que du bien. Je voulais te dire… » Il pouvait voir dans les yeux d’Eric qu’il savait ce qui allait se passer. Mais la main de Rabastan était serrée autour de son épaule et il ne pouvait rien faire. L’arme de Rabastan était prête à le foufroyer sur place s’il tentait de prendre la poudre d’escampette. La voix du Mangemort baisse, il ne crie pas. « que je suis très déçu par ton attitude. »

De sa main qui lui maintenait l’épaule, il le pousse contre le mur. Rabastan n’est pas du type musclé, mais il ne ménage pas sa force si nécessaire. Il entend le dos d’Eric cogner le mur et avant qu’il ait eu le temps de faire le moindre geste de défense, sa main gauche a lâché son épaule et son poing refermé s’enfonce sur la joue droite du père. Sans l’entendre il sent le craquement sous ses jointures. Puis, comme la répétition ne fait jamais de mal, il lui en ressert un deuxième. Puis un coup de genou dans le ventre. Et un deuxième, un peu plus haut. Rabastan sent la résistance des côtes. Lentement, le corps d’Eric glisse le long du mur, alors qu’on pouvait entendre les gémissements étouffés par la respiration incertaine de la victime. Il finit en position assise, adossé contre le mur, une main plaquée contre sa pommette, tremblant. Rabastan lui donne un nouveau coup de pied dans la cage thoracique qui le fait se recroqueviller. « Allons, allons, Eric… ça ne te va pas du tout cette tête. Souris donc un peu. » L’intéressé ne montre guère de bonne volonté. Rabastan parle un poil plus fort : « Souris Éric. Souris pour ta fille. Aller ! » C’est sa baguette magique qu’il pointe maintenant en direction de Shacklebolt senior. « Aller, tu ne veux pas décevoir le directeur de la justice tout de même ? Tu vas être un bon garçon. »
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Hécate vit Rabastan se tendre de plus en plus, et lorsqu’il se mit à parler, ce fut comme un rêve, ouaté, en sourdine.

Il le soutenait alors ? Il était d’accord alors ? lui aussi il comprenait ça ? il avait été élevé comme ça ? c’était le prix du succès ?

Incapable de distinguer le premier degré de l’ironie la plus mordante, la jeune femme sentit sa gorge se serrer au point d’être douloureuse et son estomac vriller violemment. Elle avait envie de pleurer mais savait que son père ne le tolérerait jamais. Elle avait cru qu’il venait la défendre. Elle avait cru qu’il était de son côté et qu’il la sauverait du seul ennemi qu’elle ne pouvait pas battre. Détruite, elle posa les yeux sur le parquet. Cette fois, elle rendait les armes, toutes les armes.

Puis Rabastan bougea. Serra la main de son père, et ce fut comme s’il lui serrait la gorge à elle, d’une poigne de fer.
Puis il y eut la petite claque.
La main sur l’épaule d’Eric.

Une seconde...

Hécate cligna des yeux, et les releva enfin vers les deux hommes à l'instant où exactement comme un éclair tombant de nulle part, Rabastan éclata. Elle le vit pousser Eric, si fort que le bruit de l’homme contre le mur fut mat et sourd. Puis Il y eut un craquement quand Rabastan abattit son poing sur la machoîre de son père, une fois, deux fois. Coup de genoux. Second coup de genoux. Avec chaque choc ce fut comme si le bruit et les gémissements la tiraient vers la surface, vers une réalité sensorielle plus aiguë.

« Souris Éric. Souris pour ta fille. Allez ! »

Hécate se retrouva soudain pétrifiée par la tournure des évènements. Si Rabastan le poussait à bout, s’il le provoquait, il la tuerait elle. Il la tuerait à la seconde où le mangemort quitterait les lieux, il lui décollerait la tête. Totalement perdue dans ses considérations, incapable d’envisager l’option que Rabastan reste tout simplement avec elle sans la livrer à Shacklebolt père, qui à ce moment gisait sur le sol, la respiration sifflante, elle recula d’un pas.

« Allez, tu ne veux pas décevoir le directeur de la justice tout de même ? Tu vas être un bon garçon. »


Encore un pas en arrière. Eric dardait un regard mauvais sur Rabastan et sur elle, malgré la baguette. Et lorsqu’il reprit la parole, Hécate se sentit encore une fois percutée en plein cœur comme par un éclat de Schrapnel.

-De quel…droit, vous permettez vous de venir dans MA maison, me dire comment élever MON enfant ! Vous ne devez les résultats de cette petite qu’à mes efforts d’éducation sans quoi elle gambaderait encore à moitié nue dans un marais ! vous êtes un sang pur d’exception, Lestrange, mais vous n’avez pas la toute-puissance du Magister ! Elle m’appartient !

Puis il se tourna vers Hécate.

-Mets le dehors !


La jeune femme resta figée et ses jambes heurtèrent la table basse, lui interdisant de reculer plus.

-Hécate, tu es ma fille, je suis ton père, je t’ordonne de mettre cet homme à la porte ! et si tu me forces à me relever, tu PISSERAS DE L’ENCRE ROUGE PENDANT DEUX SEMAINES !

Cette fois, il perdait son calme et Hécate se sentit perdre , elle, complètement pied. Ca y était. Il montrait son vrai visage, c’était comme si Rabastan n’était même pas là, et Eric devenait de plus en plus rouge, les yeux exorbités, postillonnant à tout va, les gencives découvertes.

-FOUS LE DEHORS ESPECE DE RATEE !

Il y eut une larme, parce qu’Hécate voyait cette créature éructant sur le sol, celle qui avait pris la place de son père, parce qu’il l’avait traitée de ratée, parce qu’il ne l’aimait plus, qu’il ne l’aimait pas, parce qu’il voulait la frapper, lui faire du mal, qu’elle était mutique à en vomir et seule dans sa propre tête, à en crever. Eric observa ses larmes qui désormais se faisaient silencieuses mais irrépressibles, et soudain, il se jeta en avant, dans les jambes de Rabastan, le déstabilisant assez pour le renverser sur le parquet, provoquant un choc contre une commode. Il lui fallait grappiller deux secondes, c’était certes court, mais cela représentait un laps de temps dont il comptait profiter sans obstacles.
L’affreuse ingrate. L’indigne petite pute.

Comment osait-elle ?! après tout ce qu’il avait fait pour sa petite gueule de sauvage ?! tout ce qu’il avait fait pour la tirer de sa crasse, de sa merde, du pays dans lequel sa conne de femme avait eu l’idée de rester au lieu de déménager avec lui vers la civilisation. Comment osait-elle après les sacrifices qu’il avait commis, pour elle ! L’ingrate. L’ingrate.

Elle allait la prendre sa raclée, par la porte ou par la fenêtre et c’est à Sainte-Mangouste qu’elle irait pleurnicher, si elle avait encore des glandes lacrymales en état de marche après qu’il en ait fini avec elle. Et elle chialait, elle chialait comme une gosse ! ah ça faisait moins la fière hein, tout de suite ! quand il s’agissait d’assumer ses actes face à papa ! On chouinait en espérant un peu de pitié, mais Eric n’avait plus de pitié. Il allait lui faire passer l’envie de pêter plus haut que son cul, à cette petite morveuse. Pas stable ? lui ? pas stable pour Virgile ? mais il allait lui en montrer de la stabilité ! il allait si stablement lui faire regretter le jour de sa naissance qu’il en deviendrait un parangon de régularité.

Il dégaina sa baguette, longue, légèrement inclinée et regarda sa fille, comme s’il était à la recherche d’un dernier argument pour ne pas lui éclater les organes à coups de pied. Mais elle pleurait, et quand elle pleurait, elle ressemblait à sa mère. Les mêmes grands yeux noirs et humides, brillants, qui semblaient vous juger. Parce qu’Anne-Lise tout comme sa fille, étaient au-dessus des autres hein ? des PRINCESSES ! il fallait les traiter comme des PRINCESSES ! Le jour de la révolution était venu pourtant, et les aristos, dans ces cas-là, on les raccourcissait d’une tête. Il cracha :

-Arrêtes…de…CHIALER !

Et il leva sa baguette sur elle, la main tremblante de rage.

-ARRETE DE CHIALER !

Hécate recula encore, oubliant la présence de la table basse et s’écroula en arrière, sa tête heurtant le parquet avec force, le coin du meuble venant s’enfoncer dans sa côte et lui arrachant un cri. Elle recula en rampant. Un objet. Vite. N’importe quoi. Un vase. N’importe quoi. L’éclat dans les yeux d’Eric acheva de confirmer le sentiment de terreur viscérale qui lui avait coupé la respiration : il allait la tuer. Il allait la tuer. Et en effet : visant la tête de sa fille, Eric lâcha sombrement :

-Je t’ai tout donné. Tout. Et tu me remercie comme ça. Je ne veux plus te voir. Plus jamais.

Une pause d’une demi-seconde.
Rabastan, je t’en supplie fais quelque chose. Quelqu’un. S’il vous plaît.
Elle tendit la main vers sa baguette mais d’un informulé, Eric l’envoya rouler au loin.

-Au revoir ma chérie.

Au secours. A l’aide. Pitié, aidez-moi. Pitié.

-Avada Ke…

Pitié. Je vous en suplie.
Au secours.
Rabastan.
Au secours.

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Hécate & Rabastan
Il baise avec respect ce funeste présent ;
Il implore à genoux le bras du Tout-puissant ;
Et, plein du monstre affreux dont la fureur le guide,
D'un air sanctifié s'apprête au parricide.
Il ne prit pas le temps de se relever. Pas besoin d’être debout pour viser.
Pas vraiment de temps à perdre.

À ce stade Rabastan ne paniquait même plus. Il ne réfléchissait même plus. C’était peut être ça qu’avait ressenti Rodolphus lorsqu’il avait finalement tué leur père. Juste… une sorte de main glaciale, un gant de ferraille qui guidait vos actions.
C’était presque reposant. Il ne faisait que suivre le mouvement que cette main lui indiquait. Eric avait commencé à articuler le sort avant lui. Et normalement devrait terminer l’incantation avant que Rabastan n’ai eu le temps de rien faire.
C’était sans compter sur le fait que le sortilège fétiche de Rabastan comptait moins de syllabes que le dernier des Impardonnables.
C’était sans compter sur le fait que le sort mortel demandait plus de concentration que les autres.
C’était sans compter sur le fait que Rabastan pouvait lancer un Doloris dans son sommeil.

Et il siffla la formule entre ses dents. Eric lui tournait le dos. C’était presque pitoyable. Le sort le frappa entre ses deux omoplates. Et l’homme s’écroula par terre. Les hurlements arrivèrent avec un vague temps de latence, le temps que le cerveau comprenne ce qui se passe. Et alors qu’Eric se recroquevillait au sol, visiblement en proie à une souffrance insupportable, Rabastan se redressa complètement. Sa main droite continuait de viser Shacklebolt, sa main gauche époussetait machinalement le revers de sa veste. Constatant qu’elle était ruinée par une traînée de poussière, il pousse un soupir et la retire pour la poser sur le dossier d’une chaise. Puis il s’avance vers Eric, l’enjambe pour rejoindre Hécate. Il reste à demi tournée vers sa victime, maintenant le sort sans discontinuer. Les hurlements, pourtant, commencent à lui taper sur les nerfs. Il abaisse sa baguette et les cris se tarissent lentement. Un nouveau geste de baguette et l’arme d’Eric vient s’envoler pour être récupérer par le Mangemort qui la glisse à sa ceinture. « Incarcerem » lâche-t-il enfin et des liens qui ressemblaient plus à de fins câbles qu’à des cordes s’enroulèrent autour des poignets et des chevilles d’Eric. Puis il se penche vers Hécate, tend sa main vers elle pour l’aider à se relever.

« Hey, c’est fini. C’est fini. »
Il la prend dans ses bras, doucement, sa main droite qui tenait en même temps sa baguette contre l’arrière de sa tête, sa main gauche autour de sa taille. « C’est fini Hécate. » Il pose son front contre le sien : « C’est fini. »
Il avait mal. Parce qu’il sentait qu’il l’aimait. Mais en cet instant l’unique chose qu’il ressentait effectivement était une haine toute précise et minutieuse. D’où ce connard se permettait de lui gâcher ce qu’il éprouvait par sa connerie ? Il la retient contre lui quelques secondes avant de la lâcher, une expression inquiète sur le visage : « Assied toi. Assied toi et respire. C’est fini. » Il lui montre le canapé du menton.

Ce n’était pas fini.
Il en connaissait un qui souhaiterait que ce soit déjà fini. Pas de chance pour lui, Rabastan était d’un naturel expéditif mais savait faire des exceptions.
Il se retourne vers Eric, fait se ravancer une chaise pour ensuite faire léviter le corps de Shacklebolt dessus. Il l’asseoit, rattache ses chevilles aux pieds de devant de la chaise et ses poignets sur la hauteur des pieds arrières. Puis il s’asseoit sur le canapé, confortablement, à coté d’Hécate. « Aller, aller… finis de rire maintenant. » Nouveau coup de baguette et la chaise d’Eric se glisse pour venir juste en face du canapé. « Silencio. » Rabastan préfère prendre les devant en le rendant momentanément muet, comme ça, ça évitera de l’entendre débiter des conneries. « Bien bien… mon petit Eric. Vraiment… pas terrible tout ça. » De sa main gauche il dégaine l’arme d’Eric et la fait glisser entre ses doigts. « Tu aurais sans doute du un peu réfléchir avant de faire du mal à Hécate. Tu aurais du réfléchir avant d’essayer de tuer Hécate. Tu aurais du réfléchir avant de ramener ta sale petite gueule chez elle. Mais bon, le mal est fait. » Il pose sa propre baguette sur sa cuisse, prend celle d’Eric par les deux extrémités avant de finalement la briser en deux. Puis il lui jette les deux morceaux au visage. « Voilà. Déjà. Comme ça tu ne pourras plus essayer de jeter un Impardonnable à ta fille. » Il reprend sa baguette. « Evidemment, pour que tu arrêtes de la frapper, il faudrait que je te coupe les mains. Et pour que tu arrêtes de l’insulter, il faudrait que je te tranche la langue. Qu’est ce que tu en dis ? » Il hausse les épaules. « Ah oui, tu ne peux pas parler. Alors écoute, je vais te laisser parler. Je vais te dire ce que je veux entendre. Je veux entendre des excuses. Je veux que tu t’excuses à ta fille. Et je veux que tu la remercies d’avoir été aussi patiente à ton égard. Est-ce que c’est clair ? » Il lève sa baguette pour retirer le sort de mutisme mais avant se tourne vers Hécate et frôle son épaule de sa main gauche. « Ça va aller mon trésor ? »
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Quand Eric s’écroula sur le sol dans un hurlement, Hécate sut qu’il était perdu. Parce que Rabastan était intervenu et qu’il n’était pas pour les autres ce qu’il était pour elle. Parfois, elle oubliait.

Ce dont il était capable.

Elle observa son père se tordre de douleur et recula encore un peu, effrayée par cette réaction autant que par la baguette qu’il tenait encore dans le creux du poing. La dite baguette ne tarda pas à s’envoler et alla rejoindre la main de Rabastan ce dernier ayant pris l’attitude d’un homme suprêmement agacé par une situation. Elle le vit jeter sa veste sur l’accoudoir d’un fauteuil puis se diriger vers elle. Il lui tendit la main.
Hécate la prit. Et dans la brume de son esprit, elle ne se sentit pas se lever, ni se remettre sur ses pieds. Ce ne fut que quand elle fut contre lui, entourée par ses bras et incapable de voir Eric qu’elle revint un tant soit peu à elle. Claquant des dents, agitée de soubresauts et endolorie, elle ferma brièvement les yeux. La voix de Rabastan lui venait comme du bout d’un tunnel.

« C’est fini »

…Ce n’était pas fini.

Il le paierait.

Les mains d’Hécate agrippèrent la chemise de Rabastan, ses yeux luttant pour ne pas recommencer à livrer des torrents de larmes.
Il le paierait, et il paierait pour tout le reste. Sa mère, et Léda, et Virgile, et puis elle.
La respiration de la jeune femme se bloqua dans sa gorge, comme comprimée par la douleur, et c’est avec soulagement qu’elle s’assit dans le canapé. Elle entendit la suite plus qu’elle ne la vit, du raclement de chaise aux incantations, et à l’ordre de Rabastan. Il voulait des excuses. En voulait-elle, elle ? que réparaient les excuses ? rien du tout. Les excuses sortiraient-elles Anne-Lise Saint Marc de l’hospice moite où elle finirait ses jours ? les excuses ramèneraient-elles Léda ? effaceraient-elles le traumatisme de Virgile, les bleus sur la joue d’Hécate et le deuil de son père ?
Parce que cet homme qu’elle voyait, et qui les jaugeait désormais de son œil reptilien, n’était pas son père. Il en avait les traits, la voix, la démarche et le charme suave, mais ce n’était pour elle qu’une imposture grotesque. Cet homme, elle ne le connaissait pas. Elle n’avait pour lui ni amour, ni respect, il avait emprunté les traits de l’homme qui l’avait portée sur ses épaules et bercée le soir pour tromper sa vigilance. Son père était devenu une idée, un souvenir. Mais cette chose là…elle pouvait mourir.

« Ca va aller mon trésor ? »


Elle se tourna vers Rabastan et le regarda un moment, mais sans répondre, l’air perdu, puis elle redirigea son regard vers Eric, puis le sol. Vaincue.
Eric quant à lui, affichait l’air à la fois fiévreux et calculateur du prédateur attendant son temps. Il cherchait une ouverture, mais n’en trouvait visiblement aucune. Sans ses iris, on voyait passer nombre de stratégies, qu’il éliminait et ramenait sur le devant de sa scène mentale comme un véritable professionnel – ce qu’il était.

Tenter de les amadouer ? peu probable.
Tirer sur ses liens ? inutile.
Présenter ses…excuses ? impensable. Proprement inenvisageable.
Et puis après tout…

Eric fit marcher un peu sa mâchoire en sentant ses lèvres se dessouder, puis cracha une dent que Lestrange avait brisée en frappant comme une brute. Son regard dévia sur sa fille et il la trouva tellement pitoyable et minuscule. Ca avait 27 ans, ça ? c’était de son sang, ça ?

-Je suis désolé Hécate, et je te prie d’accepter mes plus plates excuses.

Le regard de la jeune femme vint croiser le sien, et Eric fut de nouveau écoeuré par le noir de ses iris. Les yeux de sa mère. De sa tante. De sa grand-mère. Pas des yeux de Shacklebolt, ça. Les yeux d’une enfant du marais. Quand il pensait que plus jeune, il avait trouvé ces deux billes sombres adorables et émouvantes. Désormais elles lui semblaient dépourvues de nuance, dénuées de la beauté délicate de ses propres yeux à lui. Elle ne lui ressemblait pas.

-Je te demande de m’excuser, d’avoir mis tant de temps à constater qu’il était trop tard.


Cette fois il y eut comme une étrange atmosphère d’incompréhension. La bile étouffait Eric, un fiel acide qui lui rongeait la gorge et poussait sa bouche à parler toute seule.

-Trop de temps à comprendre que tous les efforts du monde ne transformeront pas un cafard en libellule. C’est ma faute, j’aurais dû t’arracher à tous ces malades de Saint-Marc avant qu’ils ne fassent de toi…


Pause. Il la jaugea.

-Ce que tu es.

Il voyait la peine monter dans ses yeux, comme si elle découvrait à l’instant qu’elle était totalement hors des normes sociales. Cette fausse surprise finit d’agacer Eric et il porta le coup de grâce.

-Ou j’aurais dû les laisser faire quand ils ont voulu te soumettre au même darwinisme sauvage que les autres. Ce que tu es devenue…ça…j’aurais préféré ne pas te voir grandir pour ce résultat. Mon trésor.

Hécate écouta à peine les mots. Elle était trop loin, trop enfoncée dans une sorte de mélasse pour pouvoir répondre. Se levant, elle alla dans la cuisine, et se servit un verre d’eau, les mains tremblant si fort que le premier se cassa dans l’évier et que le second faillit subir le même sort. C’était un cauchemar. Elle allait se réveiller. Ce n’était pas réel. Elle n’était pas un cafard, pas un échec pas…est ce qu’elle l’était ? est-ce que c’était ça, ce qu’elle était devenue ? une sorte de spécimen de foire dont les parents avaient tellement honte qu’ils auraient préféré l’avorter ?

Quand elle revint, elle était pâle comme un cadavre.
Est-ce que ça allait aller ?
Ça n’allait pas aller.
Ça n’allait pas du tout.

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Hécate & Rabastan
Il baise avec respect ce funeste présent ;
Il implore à genoux le bras du Tout-puissant ;
Et, plein du monstre affreux dont la fureur le guide,
D'un air sanctifié s'apprête au parricide.
Lorsque la voix légèrement essouflée et rendue rauque par les cris d’Eric finit par se faire entendre, Rabastan hausse un sourcil. « Je suis désolé Hécate et je te prie d’accepter mes plus plates excuses. » Oula, il n’avait pas pensé qu’il craquerait aussi rapidement, en temps normal les gens tentaient de faire preuve d’un peu de courage, même si c’était totalement inutile. Une question d’égo et ce genre de chose. Étant donné l’attitude tout à fait dépourvue d’instinct de survie d’Eric il aurait pensé avoir affaire à un réfractaire plutôt qu’à un homme prêt à coopérer. Évidemment, le ton n’y était pas du tout. Il était même très loin du ton approprié. Mais il s’y reprendrait à plusieurs fois jusqu’à ce que ça sonne juste. « Je te demande de m’excuser, d’avoir mis tant de temps à constater qu’il était trop tard. » Rabastan penche légèrement la tête de coté, il pose sa main gauche sur la cuisse d’Hécate, un instant. Il se disait aussi… ça lui avait paru bien étrange toute cette soudaine soumission. « Trop de temps à comprendre que tous les efforts du monde ne transformeront pas un cafard en libellule. C’est ma faute, j’aurais du t’arracher à tous ces malades de Saint-Marc avant qu’ils ne fassent de toi… ce que tu es. » Il jette un regard à Hécate. Il ne sent pas sa peine, mais il la voit. Ça l’énerve, il sait qu’il devrait ressentir quelque chose, il en est absolument persuadé, mais l’unique chose qui tourne en lui, c’était sa rage froide et posée qu’il éprouvait envers cet homme écoeurant. Il sait que ses gestes envers elle sont mécaniques et doivent lui paraître dénué de sens. Pourtant en la regardant… elle n’a pas l’air en état de bien comprendre ce qui se passe véritablement.

« Ou j’aurais du les laisser faire quand ils ont voulu te soumettre au même darwinisme sauvage que les autres. Ce que tu es devenue… ça… j’aurais préféré ne pas te voir grandir pour ce résultat. Mon trésor. » Rabastan reporte son regard vers le père, a un petit signe ironiquement appréciateur de la tête. Il sent Hécate se redresser à coté de lui, il ne la retient pas alors qu’elle quitte le salon pour se diriger vers la cuisine. Il parle un ton plus bas, ses yeux plantés dans ceux d’Eric. Après un nouveau sortilège de mutisme : « Bravo… je ne te connaissais pas mais tu viens d’exploser les records de conneries. Et je peux te dire que j’en vois défiler des cons. » Il entend un verre se briser dans la cuisine, il serre les lèvres le regard brièvement tourné vers la porte derrière laquelle Hécate a disparu, avant de revenir à Eric. Toujours bas, dans un long murmure : « Je ne sais pas ce que tu espères… peut être que tu veux la détruire… Mais on va dire que je suis généreux aujourd’hui alors je te donne un conseil. Arrête de suite. Tu penses peut être que tu vas réussir, mais elle s’en remettra. Alors que toi… » Il se rapproche de lui, desserre le nœud de la cravate d’Eric pour la faire glisser le long du col, avant de la jeter sur le canapé et de déboutonner les deux premiers boutons de la chemise. « Aller, mets-toi à l’aise, on en a pour un petit moment. Puisque visiblement tu aimes faire preuve de mauvaise volonté. » Il lui passe la main dans ses cheveux, comme on frotte la tête d’un enfant qui se serait mal comporté mais pour qui on a encore un peu d’affection (parce qu’il est vraiment trop bête pour qu’on puisse lui en vouloir) « Je sais que tu ne vas pas coopérer. Mais c’est pas grave. Je te dis, sans aller jusqu’à te tuer, je peux facilement te détruire.Ça me ferait plaisir en plus. » Un temps. Puis comme s’il venait de se rappeler de quelque chose d’important. « Si tu l’appelles encore une seule fois trésor, si tu tentes de cracher sur ce qu’on construit ensemble, je te ferais bouffer tes dents. C’est clair ? » Il semble s’intéresser un instant à la pomette ouverte d’Eric, d’où un mince filet de sang avait coulé, laissant une trace sur la joue. Rabastan passe son pouce contre sa langue avant de venir essuyé lentement, en appuyant plus fort que nécessaire, la joue de sa victime. Eric grimace et tente de se dérober, mais son éventail de mouvement était trop restreint. Rabastan lui administre une petite claque sur la joue alors qu’Hécate revenait dans le salon. Il reporte son regard vers elle, se redresse comme pour être prêt à la retenir si elle venait à tomber.

Il la prend par la taille, son autre main libre vient remettre une de ses mèches de cheveux en arrière. « Ne force pas trop, Hécate. » il lui dit. « Laisse toi aller. Je suis là. Tu n’as plus rien à craindre maintenant, d’accord ? » C’était dur de laisser les choses aller, couler, il était le premier à le savoir. Il se rappelait de sa crise d’hystérie qu’il avait servi à Rodolphus, à à peine quelques pas du cadavre de leur géniteur. Hécate était visiblement plus du type amorphe. Il voulait juste s’assurer qu’elle n’allait pas… se laisser complètement sombrer dans une sorte de coma cérébral ou quelque chose du genre. « J’étais en train d’expliquer à ton père à quel point il pouvait être un pathétique petit connard. » Il reporte son regard vers Eric un moment. « Après… je ne sais pas si ça lui a fait grand-chose. Enfin… Ça m’a donné soif tout ça à moi aussi. Tu as soif Eric ? » Aucune réponse, évidemment, mais un regard noir. Rabastan hausse les épaules et lui pose presque la pointe de sa baguette sur son front en articulant : « Siti. » La sueur qui glissait sur le front du père disparut lentement, comme absorbée. La bouche d’Eric s’entrouvrit légèrement. Rabastan eut un petit ricanement. Ce sort était une vraie plaie. Le plus drôle était que c’était un des rares trucs utiles qu’il avait appris en rune. C’était un vieux truc, qui asséchait complètement la cible. Dans quelques secondes Eric serait en train de crever de soif, comme s’il avait passé plusieurs heures sous un cagnard. Puis en tenant toujours Hécate par la taille il l’entraîne de nouveau vers la cuisine : « Viens, je vais juste me servir un verre. On peut le laisser, il ne va pas s’enfuir. » Puis une fois dans l’autre pièce, il fait glisser sa main sur sa joue. Il a le regard triste. Parce qu’il aimerait qu’elle puisse comprendre qu’il tenait à elle. Plus que tout. Mais là, il craignait d’être trop mécanique, trop robotique dans ses actions. Il essayait de bien faire pourtant. « Tu sais qu’il ne fait ça que par dépit, hein ? » Il lui embrasse le front. « Il fait ça parce qu’il a peur. Il fait ça parce qu’il est taré. Désolé Hécate. Mais ton père ne vaut même pas la chaise sur laquelle il est assis. » Il l’embrasse une nouvelle fois sur le front. « Allez ma belle, ma belle belle Hécate, je sais que c’est dur. Mais je sais que tu es plus forte que ce porc. » Puis il prend une carafe d’eau, deux verres qu’il pose sur un plateau et qu’il fait léviter jusque dans le salon. Toujours en tenant Hécate, d’une telle manière qu’elle puisse se dégager. Il ne voulait pas l’enfermer, pas après ce genre de scène.

Puis il se réinstalle dans le canapé.
Se remplit un verre et le vide sous le nez d’Eric qui scrutait l’eau transparente de la carafe d’un œil légèrement vitreux. L’eau était si fraîche que de la buée recouvrait le verre du contenant. Rabastan soupire et se cale le dos contre le dossier du sofa. « Bon, pour les excuses, c’était vraiment pas tout à fait ça. Je suis très déçu mais bon… tu as le temps d’apprendre je suppose. Répétition tout ça… Mais bon, comme tu n’as pas été un bon garçon… » Il pointe la carafe du doigt : « La carotte. » il pointe Eric du doigt : « Le bâton. Là pour le coup, c’est le bâton direct. J’aime pas qu’on se foute de ma gueule. Alors te renvoyer un Doloris maintenant serait contre productif. Et puis c’est dégueulasse quand les gens sont attachés. Les spasmes… ça me donne envie de gerber. Déjà que tu me donnes naturellement envier de gerber, je vais pas en rajouter. » Il se relève pour prendre Eric au menton, lui ouvre sa bouche d’une main ferme tandis qu’il dirige sa baguette vers une de ses canines. Sans qu’il n’ait besoin de dire un sort, Eric a soudain une expiration rauque accompagné d’une longue crispation générale. Mais reste muet, grâce au sort que lui imposait Rabastan. Puis le Mangemort s’écarte, en tenant dans sa main une canine. Il répète l’opération jusqu’à avoir cinq dents dans sa paume, puis il se rasseoit. « Bien, encore une fois, tu vas pouvoir parler. Je tiens à entendre des excuses, si ce n’est sincères tout du moins un peu plus humbles. Aller mon petit. » Il lève le sort de mutisme et presqu’immédiatement lui jette une de ses dents au visage, fermant un œil et tirant à demi la langue pour mieux viser. « Aller. » Il lui jette une deuxième dent, en visant son œil droit. « Aller. » Une troisième, l’œil gauche. « Aller. » Une quatrième, le nez. « Aller. » La dernière, il ne vise plus vraiment, il s’en moque. « Aller. »
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Quand il l’emmena dans la cuisine et lui embrassa le front, Hécate vit que Rabastan vivait mal la chose. Pas de la même manière qu’elle, mais mal tout de même. Et puis, il l’appela « ma belle » et elle se souvint, en une sorte d’éclair, de prise de conscience absolument foudroyante, que ce n’était pas le directeur de la justice magique qui se tenait là, pas le cadet Lestrange et pas un mangemort. C’était Rabastan et Rabastan l’aimait.

Ils étaient ensembles.

Elle pouvait compter sur lui, parce qu’il l’aimait, qu’elle l’aimait aussi et qu’ils étaient un couple.
Cette résurgence d’une chose pourtant tout à fait élémentaire la fit frissonner, et les mots s’ancrèrent dans son esprit. C’était lui qui avait raison, et sa voix claire était étonnamment rassurante. Hécate le laissa la ramener au salon et reprit place dans le canapé. Une séance de torture old school comme elle l’avait parfois vu en pratiquer.
Sauf qu’il la pratiquait sur son père. Hécate tenta de mobiliser ses souvenirs, à la recherche d’une étincelle de compassion. Elle voulait presque au fond, surmonter sa haine et la voix qui hurlait « IL PAIERA », juste pour se prouver qu’elle était encore humaine, encore une bonne fille. Une bonne enfant.
Mais rien ne venait et elle avait beau souffler sur les braises de ce qu’elle avait un jour éprouvé pour Eric Antonicus Faust Shacklebolt, elle ne parvenait pas à faire jaillir la moindre étincelle. C’était lui, et lui seul qui d’un geste implacable de la main, avait tout éteint.
Alors elle le vit suffoquer, saliver à la vue de l’eau, et elle l’entendit pousser des râles inarticulés de douleur quand Rabastan lui arracha les dents.
C’était presque surréaliste d’ailleurs : arracher les canines de quelqu’un était une pratique qu’elle n’avait jusque-là pas vue en Angleterre, mais exclusivement en Louisiane. On arrachait les dents pour les porter en talisman, pour maudire ou inclure la petite pièce d’ivoire dans une poupée vaudou. On portait les dents en couronne, en collier, en bracelet, en bague, souvent retaillées pour leur donner un aspect moins incongru. L’œil de Cat suivit les gestes de Rabastan alors qu’il lançait les dents à la figure d’Eric, avec à chaque fois, un « allez ».
Allez.
Allez Papa.
Excuse-toi si tu l’oses. Donne-moi une raison de sortir de ma torpeur.
Hécate sentait en effet le voile se déchirer lentement, comme si la douleur et les cris, qui étaient son environnement naturel depuis le jour de sa naissance, avaient provoqué la résurgence de son instinct de survie. Tout était plus simple maintenant qu’il était là, et qu’il l’avait aidée à reprendre pied. Il avait cassé le cercle, et une fois ce genre de spirale abusive détruite, recoller les morceaux était proche de l’impossible.
Proche. Mais pas irrémédiablement éloigné. C’est ce que dut se dire Eric, car il adopta un changement de posture. Elle vit son dos se vouter et ses yeux prendre une petite lueur de douleur sincère, et…de regret. Elle l’avait déjà vue, quand il embrassait sa mère après une paire de claque, lui jurait qu’il était simplement stressé, et qu’il ne lèverait plus jamais la main sur elle. Quand il lui affirmait qu’il avait pêté un plomb, à cause de l’angoisse de la guerre des marais, à cause d’elle, Hécate, ou de Léda, de Virgile. Il avait toujours eu le don de changer de visage. Hécate n’avait juste vu que celui qui la rassurait encore un tant soit peu.
Jusqu’à ce jour-là.

-Hécate…mon tr…mon ange. Ecoutes moi. Je suis désolé.

L’élocution était laborieuse et du sang lui tombait sur le menton.

-J’ai perdu la tête, j’ai perdu la tête…c’est à cause de…Léda et…tu as raison, c’est toi qui a raison. Je déraille depuis qu’elle est morte, je ne m’en remets pas. Et Virgile…il est mon seul fils. Quand tu as dit que tu allais me le prendre j’ai vu rouge et…


Il y eut un reniflement plus vrai que nature, et Eric s’affaissa totalement, commençant à pleurer :

-Pardonne moi mon cœur…pardonne moi…je ne savais pas ce que je faisais…je ne savais pas…

Hécate eut un haut-le-cœur. Soudain, elle comprit sa mère. Elle serait un monstre si elle refusait à cet homme, qui venait de prendre 10 ans, la grâce qu’il demandait. En théorie, elle serait pire qu’un parricide. Mais elle avait déjà vu cela, les supplications, les larmes, les reniflements, les justifications. La jeune femme émergea de sa transe, et cette fois totalement.

-Comment…oses-tu parler de Léda ?


Sa voix était plus rauque qu’à l’accoutumée, et plus mâtinée d’accent français. Elle se leva, les mains tremblantes.

-TU es celui qui l’a amenée ici, hors de nos terres, TU es celui qui l’a mise en première ligne, TU es celui qui a causé sa mort ! pas moi ! PAS MOI !

Eric lui décocha un regard larmoyant mais extraordinairement froid.

-TU m’as fait croire que j’étais celle qui avait failli à ma tâche, mais tu étais son PERE ! et tu l’as arrachée à un endroit où elle se trouvait protégée !

-Protégée ?! rétorqua Eric, avec ta conne de mère, ta folle de tante et ta malade de grand-mère ?! tu es bien comme elles, tiens ! aveuglée par ton envie d’appartenir à leur clan décrépit d’anciens esclaves, pour boire du sang toutes les pleines lunes ! Léda valait mieux que ça, elle !
-Oui ! Oui c’est évident ! elle a grandement profité de son changement de décor !

Eric se mit à tirer sur ses liens, les larmes se tarissant peu à peu et laissant ses yeux même pas rougis.

-Ecoutez là me faire des reproches la morveuse ! si je n’avais pas été là, tu aurais été envoyée au combat toute jeune et tuée ! si je n’avais pas été là, tu aurais été toute ta vie cette barbare crasseuse se prenant pour une princesse et incapable de se tenir en société ! si je n’avais pas été là tu aurais été aussi faible que ta m…
-NE PARLES PAS DE MA MERE !

Hécate s’approcha et lui décocha une gifle si retentissante qu’Eric se remit à saigner de la pommette :

-TU L’AS RENDUE FOLLE ! PARCE QUE TU VOULAIS AVOIR LES PETITS POUR TOI SEUL ! TU AS TUE MA MERE ! ELLE MOURRA FOLLE ET SEULE A CAUSE DE TOI !
-EH BIEN LE MOINS QUE L’ON PUISSE DIRE EST QU’A LA REFLEXION, HECATE CHERIE, J’AI AU MOINS REUSSI A EFFACER UNE DE MES ERREURS QUI A ETE D’EPOUSER CETTE GOURDE ET DE LUI FAIRE DES CHIARDS !

Hécate sortit sa baguette. Elle la pointa sur lui et Eric reprit un air doux, celui d’un père compréhensif, sa personnalité vindicative et hystérique s’effaçant comme une traînée de poudre balayée par le vent.

-Tu vas me blesser, ma puce ? Tu vas tirer sur ton papa ? mais qui t’aimera si je ne t’aime plus ? Lui ?

Il désigna Rabastan d’un geste du menton.

-Tu as bien vu de quoi il est capable, et avec le sourire…tu comptes vraiment sur un homme de ce type pour réparer ta vie, quand il n’est capable que de casser celle des autres ? Les Londubat, cela t’évoque quelque chose ? Non ? Je ne suis même pas étonné…

Eric posa et reprit du même ton toujours un peu compatissant, et empli de compréhension :

-Tu as tellement envie d’être aimée que tu ne te rends même plus compte de la réalité. Il ne t’aime pas. Il te veut sans le moindre doute pour ta jeunesse, ton nom…plus probablement encore pour ton corps. L’homme blanc du vieux continent ayant monté la jeune noire du Nouveau Monde…cela ne fleure-t-il pas bon le souvenir…un vague parfum de coton, n’est-ce pas ? Cela prête à sourire…

Hécate en fut si écœurée qu’elle abaissa un peu sa baguette. Comment pouvait-il ? comment osait-il bafouer une chose qu’Hécate avait cru ne jamais pouvoir posséder, c’est-à-dire l’amour de quelqu’un, comment osait-il juger ce qu’il ne connaissait pas et le plus précieux trésor qu’elle avait. Il ne savait rien, il ne savait RIEN. Et son sourire, son rictus de satisfaction face aux images indécentes que sa remarque devait lui évoquer, lui donna envie de vomir. Il la traitait de chienne. De traînée, de « pute à blancs » comme disaient dans une époque reculée, certains affranchis envers d’autres esclaves trop complaisantes à leur goût. Comme osait-il ?! Hécate en resta figée une seconde, voire deux, mais sa stupéfaction ne fut pas assez forte pour supplanter le murmure qui était venu à ses lèvres.

-…Ca prête à sourire oui…

Puis, elle leva de nouveau sa baguette et souffla une incantation qui n’était ni anglaise, ni française. Eric fronça les sourcils, mais son mouvement fut coupé court. Sa bouche commençait à s’étendre en un sourire grotesque qui ressemblait plus à une atroce grimace. Sa peau semblait tirée vers l’arrière comme par deux mains placées à l’arrière de sa tête, et en fin de compte c’était toute la peau de son visage qui s’étirait, s’étirait…les lèvres de l’homme gercèrent maltraitées par la traction et ses yeux se bridèrent, incapables de conserver leur souplesse.

-Souris papa…souris…ce n’est pas parfait, mais je vais t’apprendre…tu te souviens de ce que tu disais à maman hein ? allez. Tu es obligé de t’en souvenir. « You’re never fully dressed without a smile… »

Elle entama un petit mouvement de baguette. Les lèvres craquelèrent et se fissurèrent, à bout d’élasticité, le sang en sortant assez peu en raison de la tension des réseaux sanguins. Les yeux semblaient prêts à sortir des orbites et la gorge était presque devenue famélique, les tendons et la pomme d’Adam nageant en surface comme d’horribles creux et valons.
Elle se savait capable de le tuer. Elle s’en savait capable désormais, elle n’aurait qu’à continuer ce qu’elle était en train de faire, et à le faire bien. Il voulait une barbare ? elle pouvait lui en donner une, qui lui ferait payer :

Pour tous les coups, et toutes les larmes, toutes les nuits sans sommeil, toutes les insultes, toutes les paroles lancées au visage apathique de sa mère, toutes les visites sur la tombe de Léda, les cauchemars de Virgile, pour avoir craché sur Rabastan, pour avoir craché sur elle, pour avoir été le pire père concevable.

Elle voulait qu’il crève.
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