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sujet; (ROMES#3) Turn my head off forever, forever ever blind |
| Forest • Near Hoghwarts Breathe in, breathe out Let the human in Breathe in, breathe out And let it in 14 décembre 2003 • Il a plu. Une pluie silencieuse et froide, sans odeur, qui me fait froncer les sourcils lorsque je regarde par la fenêtre. Je crois que c’est ce qu’on appelle de la neige. C’est froid et blanc, je peux voir depuis le sol que les arbres sont recouverts de quelque chose de très très clair. Je ne demande pas à Rohan. On ne parle pas vraiment avec Rohan, je ne sais pas comment il réagirait à mes questions ou à mes remarques. J’ai peur que, si je dis une bêtise, il me frappe, me punisse, et ne me laisse jamais voir Léo. Il faut que je voie Léo. Tout est perdu, tout est mort, il ne reste qu’elle, et la seule chose qui m’empêche de devenir complètement fou c’est de me dire que quelque part, il y a Léo, qui attend que je mérite qu’elle me regarde. Elle prend alors la place de chef de meute, et nous prendront le contrôle du monde magique, et Joshua sera notre prince. Rohan ne comprendrait pas, si je lui disais ça. Il a toujours l’air très triste dès que je parle, ou en colère, et parfois je crois même qu’il pleure. Il est un peu fragile pour un loup. Je me demande si c’est lui, qui a rendu l’ancien James aussi faible. Je me demande si je dois être faible comme lui, pour qu’il m’accepte. Je me demande si je ne le suis pas déjà.
Lorsque je me réveille, il fait froid. Tous les matins, il fait froid quand je me réveille. C’est bizarre, parce que je me souviens d’avoir chaud dans mon sommeil, et j’ai l’impression d’être de retour à… je ne sais pas où. J’ai l’impression d’être de retour quelque part de chaud et tendre, où je dors contre ma Meute et que celle-ci ne me punit pas d’avoir osé l’approcher de la sorte. Je fais des rêves, très étranges, toutes les nuits depuis que je suis là. Des rêves de pleine lune et de hurlements, mais la meute est bien plus petite que celle des Thurisaz, et James est bien plus heureux, et en même temps bien plus faible. Je ne me souviens de presque rien à mon réveil, mais je sais qu’il fait froid, et qu’il n’est pas censé faire froid comme ça. Et ce n’est pas censé sentir le poisson. James fronce le museau. Il n’aime pas le poisson. « Je sais, mais c’est tout ce qu’on a pour l’instant. » On fronce encore plus le visage, parce qu’on aime pas quand Rohan sait si facilement des choses de nous. C’est bizarre, parce que nous on ne sait rien, comme d’habitude, et que c’est très énervant. On voudrait que les gens arrêtent d’en savoir plus sur nous que nous-mêmes. Rohan nous fait un signe de le rejoindre et nous nous exécutons, docile. On est docile, avec lui, parce que c’est plus simple, c’est relaxant d’obéir, et parce que grâce à lui on pourra voir Léo. Et puis il est fort. On s’en souvient, qu’il est fort. Alors que nous on est encore faible, et blessé, et fragile. Quand on s’approche de lui, on claudique un peu, avant de grimacer tout en mangeant ce qu’il a préparé. C’est pas bon. On veut de la viande, il n’y a qu’avec cela qu’on pourra vraiment aller mieux. Mais on ne dit rien, on ne se plaint pas, on ne veut pas être punis. « Il fait beau, aujourd’hui. » La voix surprend James qui relève les yeux de son assiette avec des yeux étonnés. On ne comprend pas pourquoi il dit ça. Il fait froid, et on est dans la cabane. On le regarde se lever, les sourcils froncés, en se demandant quel plan il a. « Tu veux sortir prendre l’air ? » Encore une fois, on ne comprend pas trop, vu que James est un peu bête, et moi aussi, et qu’on est à des milles et des lieues de se dire que… Mais le manteau, le fait qu’il le tende vers nous, et la porte, et le regard et… Et Rohan sourit. C’est très bizarre de voir Rohan sourire. Rohan c’est le genre de mec qu’on se dit qu’il n’a pas un visage qui est fait pour sourire, genre uniquement fait pour cette expression intense et sérieuse, avec les yeux qui expriment tout… et puis il sourit, et on se dit qu’il doit être assez jeune. Je me demande quel âge il a. Je me demande s’il est plus vieux que moi, je n’ai pas vraiment très beaucoup conscience de mon âge.
Je reste d’abord immobile, pas tant d’hésitation que d’incompréhension. Il m’a proposé de prendre l’air. Donc il ne me vire pas. Est-ce que c’est un test ? Est-ce que je suis censé résister ? Est-ce que cela veut dire que je dois partir ? Est-ce qu’il va me faire du mal si finalement je sors ? Et si finalement je reste ? Je reste ainsi un moment, sans trop savoir comment je suis censé réagir, et ce n’est que lorsque Rohan semble abandonner la partie que James se lève soudain et se précipite vers la porte. On passe la porte. On a pas mis de chaussures. On a pas pris le manteau tendu par Rohan. On a juste couru dehors et on s’est arrêté, presque aussitôt, lorsque nos pieds sont entrés en contact avec la neige. C’est de la neige, je crois que c’est de la neige, ça doit être de la neige parce que c’est froid, et duveteux, et craquelant à la fois.
J’ouvre de grands yeux sur le spectacle qui se déroule sous mes yeux. Je sens James qui ouvre la bouche. Je sens mes muscles qui se détendent, alors que j’observe l’immensité blanche. Je n’ai jamais vu de neige. Jamais autrement que sur les photos. C’est beau. C’est très beau. Il n’y a pas de bruit, c’est reposant quand il n’y a pas de bruit, et pas d’odeur, juste celle de Rohan, qui est partout (qui est partout depuis des jours maintenant). Je fais un pas. Ça craque sous mes pieds, je souris, fais un deuxième pas. James a un petit rire. Puis on court un peu, en appuyant bien sur la neige, et ça craque, ça se déforme, ça s’enroule autour de nos pieds qui, très vite, sont si glacés qu’ils ne sentent plus rien. James s’en fiche, et moi aussi. On finit par se laisser tomber, face la première, sur le rideau blanc. Aussitôt, ça agresse notre visage, ça picote nos plaies trop superficielles pour être bandées. On bouffe de la neige. C’pas bon. On rigole, et ça nous fait bouffer encore plus de neige. Alors on se retourne, les cheveux, le visage, les vêtements plein de neige. On rigole encore, le même rire un peu étrange qu’on a parfois sur le champ de bataille, en pleine carnage, une sorte de rire nerveux et souriant. James est allongé sur le dos, sur le sol, et autour de lui, il y a la forêt blanche, et le ciel si clair, presque blanc lui aussi. Nous prenons une grande inspiration. Une deuxième. Nous sourions. Nous sommes seuls, un instant, absolument seuls, sans personne pour nous donner d’ordre et pour nous faire du mal. Et pour la première fois depuis longtemps, ce n’est pas un problème.
James ferme les yeux et j’entends, non loin, le bruit des pas de Rohan. Je me souviens brusquement qu’il est là, rouvre les yeux, me redresse et James lui lance un regard effrayé. « Rohan ! » m’écrie-je, un peu paniqué. Il n’a pas l’air en colère alors la bouffée de panique qui m’est montée brusquement dans la poitrine se dilue doucement. Il n’a pas l’air en colère, mais il a encore ce regard que je ne comprends pas, parfois, quand il me regarde. Je fronce les sourcils, et ça finit de faire disparaître mon sourire. Pourtant, je reste bien plus détendu que je ne l’ai été depuis bien, bien longtemps. « Désolé je… Je ne sais pas si j’avais le droit mais... » James regarde autour de lui, encore, la neige, la forêt, le silence et le soleil. « C’est la première fois… pour moi… la neige. » Je fronce aussitôt les sourcils. « Enfin, que je me souvienne. » Je ne sais pas si j’ai le droit, de dire ça. Est-ce que c’est une trahison, de révéler ce genre de chose. Aussitôt, alors que ce pensée se formule dans mon cerveau, je sens la migraine monter, et j’inspire aussitôt pour essayer de retenir la crise. Non non non, ce n’est pas un problème de le dire, d’autres le savent, et puis Léo le sait et il est en contact avec Léo, donc il doit être au courant de tout ça. « J’en ai entendu parler, et j’ai vu des photos, mais jamais… en vrai. Tu vois ? » James lui lance un regard d’espoir, un peu bancal, un peu hésitant, à se demander si, cette fois-ci, il a dit quelque chose de bien. |
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HERO • we saved the world Rohan Helvar | james rowle IT'S ALL GONE WRONG HEAVEN HOLD US WE'VE LOST THE SUN HEAVEN TOLD US THE WORLD WAS STRONG HEAVEN HOLD US WHERE DO WE GO WHEN IT'S ALL OVER 14 décembre 2003 • James ne bouge pas. Il ne fait pas un geste, se contente de fixer cette porte comme s’il se demandait quel genre de test Rohan essayait de lui faire passer et le blond se dit que c’est peut-être bel et bien ce qui se passe dans sa tête. Il ignore si l’encourager à sortir est la chose à faire, ou si ça ne fera que le rendre plus suspicieux encore alors il se contente d’hausser les épaules et de s’éloigner de la porte. C’est là que James se décide à agir. Il bondit en avant et le loup ne peut réprimer un juron qu’il marmonne car même s’il se sait plus rapide que le brun, courir dans la neige n’a rien de pratique, mais lorsqu’il se retourne, c’est pour voir que James s’est figé à quelques pas à peine. Alors Rohan reste planté là, dans l’entrebâillement de la porte, à retenir son souffle. Il ne voit pas le visage de l’autre loup, il n’a aucune idée de l’expression qu’il affiche. Est-il en train de réfléchir à s’enfuir ? De mesurer si oui ou non, il saura être plus rapide que Rohan ? Le jeune homme se tient prêt à bondir en avant à son tour, à le rattraper si c’est le cas. Mais James ne bouge toujours pas et il prend conscience qu’il n’a pas pris le manteau et surtout, qu’il n’a même pas de chaussures aux pieds. Rohan cale le manteau sur son épaule et attrape les chaussures laissées près de l’entrée. « James… ? » murmure-t-il, parce que la dernière chose qu’il souhaite, c’est le brusquer. Le brun fait un pas en avant. Rohan déglutit avec difficultés et fait un pas lui aussi. Au deuxième cependant, il n’arrive pas à le suivre parce que James émet un son qu’il n’a pas entendu depuis si longtemps que ça le fige sur place. Et puis l’autre loup se met à courir et Rohan ouvre grand les yeux, lorsque son prochain mouvement est de se jeter face la première dans la neige. D’abord, il ne comprend pas, puis à force de l’observer, d’écouter ce rire qui échappe à James, il réalise ce qu’il a sous les yeux.
James… joue. Il joue. Comme un enfant qui se retrouve face à la neige pour la première fois. Et Rohan ne sait pas si cette réalisation lui donne envie de rire ou de pleurer. Parce que ce n’est pas la première fois que James voit de la neige, il en a vu beaucoup de la neige, suffisamment pour en être dégoûté, pour la haïr lorsqu’elle envahissait le paysage et qu’il se mettait à faire terriblement froid alors qu’ils étaient dehors. La neige, c’était un de ces trucs qui faisaient regretter son confort à James. Comme la pluie, le vent glacé, comme lorsque la chasse n’avait pas été particulièrement bonne et qu’ils avaient faim. James connait bien la neige, il passait parfois des jours entiers à l’insulter. « Rohan ! » s’écrie-t-il en ouvrant brusquement les yeux et le blond prend conscience qu’il s’est avancé et il déteste cette lueur terrifiée dans le regard de James. « Désolé je… Je ne sais pas si j’avais le droit mais... » C’est pour ce genre de phrases, que si Rohan met la main sur ceux qui lui ont fait ça, il les tuera. James ne demande pas la permission, James ne se demande pas s’il a le droit de faire quelque chose. Il le fait, et après, c’est avec ce stupide sourire trop grand et un rire dans les yeux qu’il dit Oups. « C’est la première fois… pour moi… la neige. » Pour ça aussi, il les tuera. Parce qu’ils lui ont enlevé le James grognon lorsque les premiers flocons de neige se mettaient à tomber. Le James qui n’acceptait de mettre le nez dehors que lorsque Sarah le tirait de leur cachette pour jouer. Le James qui venait coller ses mains glacées sous ses vêtements avec ce même stupide sourire, le James qui se blottissait contre lui les soirs d’hiver en prétextant avoir trop froid alors qu’ils avaient presque chaud, entre toutes les couvertures et le feu qui ronflait à côté d’eux. « Enfin, que je me souvienne. » Rohan hoche lentement la tête. « J’en ai entendu parler, et j’ai vu des photos, mais jamais… en vrai. Tu vois ? » Il voit, oui. Il prend conscience qu’ils n’ont pas enlevé que lui et Sarah, non, ils ont tout retiré, même les choses aussi basiques que la neige. Alors Rohan force un mince sourire sur ses lèvres et s’accroupit à côté de James. « Bien sûr que tu as le droit, » répond-il et sa voix tremble un peu, alors il s’éclaircit la gorge. « Mais à une seule condition, » fait-il en désignant les chaussures et le manteau. Lorsque James semble comprendre où il veut en venir, Rohan lui attrape un pied et le frotte pour le sécher avant de lui passer la chaussure, puis il fait de même avec l’autre. Enfin, il l’aide à enfiler le manteau et lorsqu’il estime que James est suffisamment emmitouflé, esquisse un nouveau sourire, plus sincère cette fois. « Voilà, je m’en voudrais si tu tombais malade, » fait-il avant de passer une main dans les cheveux de James, une caresse légère. Puis il plonge ses doigts dans la neige et s’applique à former une boule compacte entre ses paumes. « Alors, première fois que tu vois de la neige, mmh ? » demande-t-il d’un air faussement détaché avant de se relever. Il tourne le dos à James et s’éloigne de quelques pas, avant de s’estimer suffisamment loin. Là, il fait de nouveau face au brun et jette sa boule de neige, qui atteint l’autre loup en plein milieu du torse, tirant un air satisfait à Rohan. « T’as entendu parler de ça, non ? Parce qu’on ne découvre pas la neige pour la première fois, sans passer par là, » déclare-t-il comme s’il s’agissait d’une loi, d’une science. Sans attendre, il se penche, ramasse la neige et avec délibérément lents, pour que James observe attentivement, il forme une autre boule. « Si tu m’atteins… disons cinq fois, j’ferai en sorte qu’on mange autre chose que du poisson ce soir, » lâche-t-il avec un sourire en coin. « Alors ? » James n’a jamais aimé perdre, il espère que c’est toujours le cas. |
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| Forest • Near Hoghwarts Breathe in, breathe out Let the human in Breathe in, breathe out And let it in 14 décembre 2003 • PROCHE. Rohan est proche, tout d’un coup, très proche, trop proche, et James n’aime pas trop quand Rohan est aussi proche. Enfin on aime bien quand c’est nous, quand on s’approche de lui et qu’on contrôle ce qu’il se passe mais là on a peur, très peur. C’est pas comme de se réveiller la nuit et de sentir, on ne sait trop comment, son corps contre le nôtre. J’ai peur. Je veux pas qu’il me fasse de mal.« Bien sûr que tu as le droit. » James respire un peu mieux. On ne va pas être puni. On ne se souvient plus depuis quand c’est Rohan qui décide quand on est puni ou non. Depuis que le lord est- non non, ne pas penser à ça. James inspire, essaye d’arrêter les bruits étranges qui commencent à tinter dans sa tête. Il essaye de se concentrer sur Rohan. Il est proche quand même. « Mais à une seule condition. » Je me sens fébrile, de nouveau inquiet, suivant son regard et… Il montre les chaussures et le manteau. On fronce les sourcils, puis on croit deviner. Il veut qu’on s’habille. Je ne sais pas pourquoi. Je me redresse, mais avant que James puisse attraper les chaussures, il y a déjà Rohan qui nous a attrapé le pied. Le contact m’électrise, je réprime le grognemenent de James, j’avale ma salive avec nervosité. James n’aime pas trop quand Rohan nous touche. Plein de choses bizarres se passent. C’est à la fois plus silencieux et plus bruyant dans ma tête. Plein de choses qui toquent et qui grognent et qui cherchent à sortir, mais je ne sais pas quoi. Mais ses gestes sont lents, et mesurés, et on dirait vraiment, comme ça, qu’il s’occupe de nous. Personne ne s’occupe jamais de nous. Les gens sont gentils puis, toujours, toujours, on nous insulte, et on nous frappe, et on finit en larmes quelque part loin du regard de Morgana. On se demande quand ça va arriver avec Rohan. On espère que ça sera pas trop vite. Je me mets debout quand il me met mon manteau, je le regarde avec un air un peu hébété, une tête d’idiot. « Voilà, je m’en voudrais si tu tombais malade. » On fronce les sourcils, j’ouvre la bouche, n’arrive pas à répondre. Il est gentil, c’est gentil ce qu’il vient de dire, non ? J’ai un regard inquiet autour de moi, comme pour vérifier que personne ne nous regarde, avant de me rediriger vers lui. Et il y a une main dans mes cheveux. Elle ne les tire pas. Elle les caresse. Rohan me touche souvent les cheveux. J’ai jamais vu qui que ce soit faire autant une fixette pour mes bouclettes, Rohan. La prochaine fois que je veux te draguer, je te propose de me faire un shampoing au lieu de me mettre à poil. Je me demande qui voulait draguer Rohan avec ses bouclettes. Cela doit être important, pour que je m’en souvienne. Puis les doigts s’en vont, et Rohan se met à son tour à prendre de la neige. « Alors, première fois que tu vois de la neige, mmh ? » Je hoche la tête, un peu confus, encore, James se demande ce qu’il se passe, il a un peu peur, et moi je suis curieux. Je ne pense pas que Rohan va nous faire du mal.
La boule de neige fend l’air, nous touche au torse, nous coupe le souffle. Ce n’est pas de douleur, c’est autre chose. ON NOUS ATTAQUE. Non non non, c’est un jeu, c’est pas grave, c’est Rohan qui rigole, regarde, il rigole. ON NOUS FRAPPE. « T’as entendu parler de ça, non ? Parce que ne découvre pas la neige pour la première fois, sans passer par là. » Il rigole, il joue, il ne veut pas- FRAPPER FRAPPER FRAPPER Je reste immobile, j’essaye de ne pas bouger, ma respiration s’accélère alors que les cliquetis reviennent, que les vois se mélangent, que j’entends, de plus en plus, les voix qui me poussent à obéir à des ordres plus vieux que le temps. TUER LES ENNEMIS DU LORD. TUER CEUX QUI TE FONT DU MAL. Rohan n’est pas un ennemi. Il s’occupe de toi. Il ne te veut pas de mal. Si tu frappes Rohan, il va encore être très triste. Il ne va pas pleurer, il ne sait pas pleurer, cet imbécile, faut toujours pleurer pour lui. Mais il va avoir mal, vraiment mal, très très mal et. TRAITRE. ASSASSIN. TU DESOBEIS. Concentre toi sur le son de sa voix. TU N’AIMES PLUS LE LORD. LE LORD TE FERA PAYER. « Si tu m’atteins… disons cinq fois, j’ferai en sorte qu’on mange autre chose que du poisson ce soir. » Un jeu. Un jeu. C’est un jeu. Il a fini. Il a une autre boule, il a… IL VA ENCORE T’ATTAQUER. IL TE VEUT DUMAL. Je n’ai pas mal, tu n’as pas mal, tout va bien se passer, James, tout va bien se passer, ne bouge pas, ne- « Alors ? » TUE TUE TUE TUE
Il tremble, James. Je le sens qui tremble, qui ne sait pas quoi faire, il agite la tête de droite à gauche, dans des mouvements brusques alors qu’il essaye de faire abstraction des voix diverses qui l’assaillent. Il ne veut plus les entendre. J’essaye de le convaincre de se calmer, mais il ya les cliquetis, il y a les autres cris, il y a le Lord, et les drôles d’odeurs qui l’agressent soudain. Il a peur, il a très peur et il peut sentir que Rohan, en face, est en train de s’inquiéter. Il n’arrive pas à se concentrer sur l’odeur de Rohan, parce qu’il y a le reste, qui transforme tout à ses yeux, qui tord tout ce qu’il voit, et qui lui impose l’odeur du danger. Rohan fait un pas.
Les crocs se dévoilent, un cri lui échappe, de hargne, de colère, alors qu’il se précipite soudain vers l’autre loup. « J’AIME LE LORD J’AIME LE LORD J’AIME LE LORD. » Et il lui saute au cou. Et il sort les crocs. Et il essaye, comme il a déjà pu le faire tant de fois sur le champ de bataille, de lui mordre la carotide jusqu’à explosion.
Il va tuer les ennemis du lord. |
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HERO • we saved the world Rohan Helvar | james rowle IT'S ALL GONE WRONG HEAVEN HOLD US WE'VE LOST THE SUN HEAVEN TOLD US THE WORLD WAS STRONG HEAVEN HOLD US WHERE DO WE GO WHEN IT'S ALL OVER 14 décembre 2003 • Rohan déteste quand James le regarde comme s’il était dangereux. Même lorsqu’ils se connaissaient à peine, il ne l’a jamais regardé avec autant de peur et de méfiance. Il était curieux, parfois impressionné et peut-être un peu craintif lorsque Rohan agissait plus comme un animal qu’un être humain, mais déjà à l’époque, James savait qu’il ne lui ferait jamais de mal. En tout cas, il ne l’a jamais regardé comme ça, lorsque le blond prenait soin de lui. Non, il en profitait pour faire des blagues stupides et pour le faire rougir et lui donner à la fois envie de courir loin et de le plaquer au sol pour lui faire ravaler ses bêtises en pressant ses lèvres sur les siennes. Ce James là est terrifié, comme s’il s’attendait à tout moment à ce que Rohan cesse d’être bon avec lui et se mette à le tabasser jusqu’à ce qu’il ne puisse plus se relever. Mais le Helvar n’a jamais fait ça. Même lorsque James a tenté de l’étriper sur le champ de bataille à Pré-au-Lard, il n’a jamais été en mesure de réellement blesser le brun. Il s’est défendu mais même ça manquait de réelle volonté, parce qu’il est physiquement incapable de faire mal à James. Non, ce sont les autres que Rohan veut blesser. Ceux qui ont implanté la terreur dans une personne qui faisait toujours mine de ne rien craindre même lorsqu’il était effrayé. James n’est pas censé le regarder comme ça et Rohan n’arrive plus à le supporter. C’est pour ça qu’il essaye de lui faire comprendre que tout va bien, que ça peut être normal, même s’il n’est pas vraiment James.
Grave erreur.
Parce qu’au lieu d’esquisser un sourire, ou même d’avoir l’air de se prendre au jeu – rien que ça, rien que ça aurait été suffisant – James est plus pâle que jamais et il tremble tellement. C’est trop tard, quand Rohan comprend qu’il a été stupide, tellement, tellement stupide de penser que même ce jeu enfantin ne pouvait pas constituer une menace pour le James qui a peur de tout maintenant. Il laisse retomber la neige qu’il avait ramassée et fait un pas en avant, la gorge nouée. « James… ? » appelle-t-il doucement, tout doucement. Mais c’est trop tard et la seconde d’après, le brun montre les crocs et déjà, il se jette sur lui. « J’AIME LE LORD J’AIME LE LORD J’AIME LE LORD. » La neige dans laquelle il a les jambes empêtrées l’empêche de maintenir son équilibre alors ils retombent tous les deux lourdement en arrière mais Rohan est assez rapide pour glisser sa main entre les crocs de James et son cou. La douleur est immédiate, déjà, le sang coule et le blond grimace mais il n’a pas le temps de s’attarder sur la morsure qui orne désormais sa main. Celle qui est libre part dans la nuque de James qu’il agrippe fermement. « James, » gronde-t-il fermement mais l’autre continue de s’acharner sur sa main, alors Rohan grogne un son rauque et mauvais et dangereux.
Son Loup ne tolère pas que James s’en prenne à lui ainsi et Rohan est incapable de complètement le faire taire.
Son bras s’enroule autour du cou du brun et il se débat et se tortille, lutte contre l’autre qui tente de s’éjecter de sa poigne. Ses jambes viennent immobiliser celles de James, pour l’empêcher de s’agiter dans tous les sens et enfin, il le serre dans une poigne si forte que le brun n’a pas d’autre choix que de lâcher sa main pour tenter de respirer. Aussitôt, Rohan l’éloigne le plus possible de ses crocs et ignorant le sang qui s’en écoule et qui tâche leurs vêtements et la neige en-dessous d’eux, il vient plaquer le dos de James contre son torse. Il ne fera pas l’erreur de le lâcher trop tôt, pas cette fois. Le brun est encore trop affaibli pour que le combat soit réellement juste et de base, Rohan a toujours été plus grand et plus fort que lui. Il desserre assez sa prise autour de son cou pour que James puisse respirer correctement, mais il le garde contre lui dans ce qui ressemble plus à une étreinte qu’autre chose.
Il va appuyer sa joue contre la tignasse emmêlée de James et repousse loin, loin le Loup en lui qui a très envie de lui faire payer son attitude en plongeant ses propres crocs dans sa nuque. « J’suis désolé, » croasse-t-il d’une voix rauque, un peu tremblante. « Je suis désolé, James, je ne voulais pas te faire peur, je te promets que je ne voulais pas te faire peur. » Il voulait juste continuer de voir le James qui sourit, le James qui s’amuse, même s’il n’est pas exactement son James. Il est stupide, tellement stupide. Rohan ferme les yeux. « Je ne sais pas ce qu’il te faut. James, je ne sais pas ce qu’il te faut, j’essaye, je te promets que j’essaye, mais je ne sais pas ce qu’il faut faire et je me trompe et je suis désolé. » Il tente de maîtriser les tremblements de sa voix, sans succès. Le blond déglutit avec difficultés. « Je n’suis pas ton ennemi, je ne serai jamais ton ennemi. » Même si James le traite comme tel, Rohan ne sera jamais capable de faire de même. Le jeune homme inspire profondément et tente de chasser la boule qui lui noue la gorge. « J’savais pas comment traiter les hommes, avant. » Il l’a oublié, mais il devrait être bien placé pour le savoir, c’est lui qui lui a appris comment faire, en poussant parfois des cris exaspérés pour lui rappeler qu’ils n’étaient pas. Des. Bêtes. « C’est t— l’autre, l’ancien James qui m’a appris. Parce qu’il détestait quand j’oubliais qu’il était humain, quand j’le traitais comme—comme un loup. » Il s’humecte les lèvres et ouvre les yeux, fixe l’étendue de neige, puis le lac, devant eux. « Mais j’veux m’occuper de toi, mmmh ? » fait-il en essayant d’esquisser un sourire rassurant, même si c’est stupide parce que dans cette position, James ne peut pas le voir.
« Et je sais que tu n’es pas lui mais j’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi, d’accord ? J’ai besoin que tu me parles, que tu me dises ce que tu veux, ce que tu ne veux pas, tu peux faire ça pour moi ? J’ai besoin que tu me dises quand ça ne te plaît pas, parce que tu as le droit de ne pas aimer quelque chose. J’ai besoin que tu me montres comment m’occuper de toi, tu peux le faire ? Je te promets, James, je te promets, que je ne te ferai jamais de mal parce que tu as osé dire ‘non’, » hoquète-t-il faiblement. |
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| Forest • Near Hoghwarts Breathe in, breathe out Let the human in Breathe in, breathe out And let it in Merde, on ne mord que la main. Ouf, on ne mord que la main. On ne veut pas lui faire de mal, à Rohan, c’est lui qui me nourrit et qui me soutient et qui me garde loin des folies qui me rongent. On aime bien Rohan, il a fait partie de la meute, il pourrait refaire partie de la meute. On a plus rien, à part lui. Tous les jours, y a que lui, qui nous donne des ordres et qui, peut-être, peut nous ramener vers Léo et vers Joshua. On veut Joshua. Tous les deux on veut terriblement Joshua. Peut-être un peu trop parfois. Alors je répète à James, je le lui répète tout le temps : tu n’as pas besoin de lui faire du mal. Ne lui fais pas de mal, arrête de crier, de hurler, de te débattre dans ses bras. Bien sûr, Rohan est plus fort que nous. On le sait, qu’il est plus fort que nous, c’est une sorte de vérité immuable qui nous agite le corps. Même quand on fonce sur lui, en fait, on sait qu’il va se défendre, qu’il va riposter, nous maîtriser. On peut tout lâcher devant Rohan, tout dire, tout faire, parce qu’il acceptera tout. Il a juste les yeux tellement tristes après. Heureusement, on peut pas voir son visage. Il est dans notre dos, et malgré nos cris inarticulés, il y a sa voix et son odeur qui s’imposent à nos oreilles. On s’agite et on se démène, encore, on hurle, on hurle, on veut partir, sortir, qu’on nous laisse frapper frapper frapper tuer tuer tuer. On appelle le Lord, désespérés, malgré les mots qui commencent enfin à former des phrases réelles dans ma petite tête. Il s’excuse. On l’agresse, on le frappe, on cherche à le tuer et il s’excuse. Je ne comprends pas Rohan, je ne sais pas ce que je lui ai fait pour mériter une telle loyauté, un tel pardon. Qu’est-ce qu’il m’a fait pour se sentir aussi coupable, aussi mal, dès que cela me concerne ? Je ne comprends pas. Je reste là, dans ses bras, à hurler, à essayer de nier les mots tendres dont il m’abreuve. Je tremble de tous mes membres, je me débats, je m’égosille quitte à attirer des ennemis. Je ne sais plus trop qui sont les ennemis, maintenant. Je suis trop occupé à essayer d’expliquer à James que Rohan n’en est pas un, d’ennemi. « Je n’suis pas ton ennemi, je ne serai jamais ton ennemi. » Voilà, il le dit nous même. On commence doucement à se calmer. Les cris s’estompent, se transforment en gargouillis, en plaintes, en couinements douloureux et en sanglots étouffés. James s’éloigne un peu, je suis de nouveau à l’avant et ça fait mal, si mal, de pouvoir de nouveau contrôler sa bouche après avoir hurlé toutes les horreurs du monde. Je crois que je me souviens d’avoir crié son nom, au Ministère de la Magie, quand il n’y avait que de la douleur, et des questions auxquelles je ne savais pas répondre. Je crois que j’ai hurlé son nom, autant de peur, que de crainte, que de douleur. Je ne me souviens plus pourquoi je criais son nom. Je sais juste que c’est important que je m’en souvienne. « J’savais pas comment traiter les hommes, avant. » Je me retrouve enfin à écouter ce qu’il me dit, la respiration lourde, la bave encore aux lèvres, les yeux cherchant à accrocher autre chose que le blanc éblouissant de la neige. Je commence déjà à la détester. Elle ne sent rien, elle est vierge, elle est beaucoup trop vide. Elle me met mal à l’aise. Alors je ferme les yeux, j’écoute. « C’est t— l’autre, l’ancien James qui m’a appris. Parce qu’il détestait quand j’oubliais qu’il était humain, quand j’le traitais comme—comme un loup. » C’est ridicule ce qu’il me dit. J’peux pas comprendre comment j’ai pu, à un moment donné de ma vie, apprendre à qui que ce soit comment être humain. J’en sais rien moi, ce que ça veut dire, d’être humain. Il n’y a que James et moi, parfois, et James est un monstre sans nom. Une immondice. Un ramassis de miasmes et de rage et de peine et d’absurde. J’arrive pas à comprendre comment il peut avoir un lien entre ce James qu’on me raconte et celui que je dois subir au quotidien. « Mais j’veux m’occuper de toi, mmmh ? » Je secoue la tête négativement, effrayé de ce qu’il me dit, effroyablement calme mais incroyablement triste. Je me sens toujours très triste quand Rohan parle de l’autre James. Parce qu’il y a quelque chose, dans sa voix, quelque chose qui devrait m’appartenir et qui ne m’appartient pas. Et il y a quelque chose en moi qui est triste. Juste triste.
Je me sens devenir de plus en plus lourd contre lui, alors que mes forces me quittent et que la colère m’abandonne. Je ne sais jamais trop quoi faire quand je ne suis pas une bête furieuse avide de sang et de violence. Rohan ne me donne jamais assez d’ordres. Je voudrais qu’il me donne plus d’ordres que cela. Je voudrais Léopoldine, parce qu’elle a toujours des règles très précises en tête. « Et je sais que tu n’es pas lui mais j’ai besoin que tu fasses quelque chose pour moi, d’accord ? J’ai besoin que tu me parles, que tu me dises ce que tu veux, ce que tu ne veux pas, tu peux faire ça pour moi ? J’ai besoin que tu me dises quand ça ne te plaît pas, parce que tu as le droit de ne pas aimer quelque chose. J’ai besoin que tu me montres comment m’occuper de toi, tu peux le faire ? Je te promets, James, je te promets, que je ne te ferai jamais de mal parce que tu as osé dire ‘non’. » C’est comme une berceuse, les mots de Rohan. Comme des mots qui remplacent les miens, qui remplacent ceux des autres. Une demande en question, mais une demande quand même. Il attend quelque chose de moi, quelque chose de précis, même si très complexe à mettre en place. J’aimerais bien lui expliquer qu’il y a tellement de gens dans ma tête que c’est pas vraiment très simple de dire qui veut quoi, mais ce n’est pas grave. On va essayer, quand même, on va faire de notre mieux, on va essayer, essayer, essayer. On ouvre la bouche. J’essaye de dire quelque chose. « James – Il – Je … Je… » Le mot me heurte la bouche, ma gorge se bloque, j’ai l’impression que les mots ne peuvent pas sortir. J’étouffe encore, secoue la tête, encore, encore, à la recherche de ce que je pourrais dire. « Oui je- d’accord. Si tu veux, je- » La tête de James se secoue encore, ce n’est pas ça que je veux dire, pas ça que je veux exprimer. La frustration est telle, celle d’avoir quelque chose au bout des lèvres sans savoir quoi, que des larmes commencent à monter, et déborder, et couler. James n’aime pas quand je pleure, mais on pleure quand même. On pleure comme un enfant, comme un bébé, comme l’abandon et la solitude. « Je sais pas, je sais pas, je sais pas. » James se recroqueville encore sur lui-même, comme pour se protéger, ou protéger Rohan, de cet étrange amas informe et flasque qui se répand dans les larmes. Il y a quelques hoquets avant que, dans un souffle, il lâche : « J’ai appelé ton nom, au Ministère. » C’est tout ce que je trouve à dire, tout ce que je trouve à souffler, à donner, pour cet homme que je ne peux pas aider. « Je me souviens de ça, que je hurlais ton nom dans les cachots. C’est pour ça que je m’en souviens, que je m’en suis souvenu, quand on s’est vu. Y a ton nom qui résonne dans ma tête, parfois, comme un écho de la cellule. Et je crois que c’est important. » Je me sens un peu plus calme, de lui avoir dit, de lui avoir avoué. « Je suis désolé, pour toute à l’heure, je veux pas te faire de mal, mais parfois, James est plus fort que moi et- » Je secoue la tête, comme si prononcer le nom de James allait l’appeler dans ma tête, allait m’empêcher de garder le contrôler. « J’veux juste- j’veux juste- » Je fronce les sourcils, quand quelque chose, soudain, se dessine un peu trop précisément dans ma tête. « J’ai envie que ce soit la lune morte. » Mais je ne sais pas pourquoi. |
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HERO • we saved the world Rohan Helvar | james rowle IT'S ALL GONE WRONG HEAVEN HOLD US WE'VE LOST THE SUN HEAVEN TOLD US THE WORLD WAS STRONG HEAVEN HOLD US WHERE DO WE GO WHEN IT'S ALL OVER 14 décembre 2003 • On ne lui a pas appris à prendre soin des autres, dans son ancienne meute. On lui a appris qu’il fallait être fort et que les faibles meurent. On lui a appris qu’il faut se battre, qu’il ne faut jamais laisser tomber, sinon c’est la mort. On lui a appris que ceux qui ne pouvaient pas se débrouiller seuls méritaient, au fond, de mourir. C’est James qui lui a appris à prendre soin des autres, le jour où ils ont trouvé Sarah et qu’il a refusé de la laisser tomber. Le jour où il s’est battu pour elle, parce qu’elle ne pouvait pas le faire. Le jour où il a insisté pour que la première fois depuis des années, Rohan s’implique. C’est James qui lui a montré qu’ils étaient plus forts comme ça, qu’il pouvait compter sur les autres, lui aussi. Rohan avait oublié tout ça, parce que Claevis n’a cessé de lui répéter qu’il devait être prêt à se battre seul s’il voulait survivre. Avec James et Sarah, il s’est rendu compte que ça n’avait pas de sens. Il s’est rendu compte qu’il avait besoin de la Meute, autant que la Meute a besoin de lui. Que c’est comme ça que ça doit fonctionner et qu’on ne laisse jamais personne derrière. C’est pour ça qu’aujourd’hui, il n’abandonnera pas James. Quoi qu’il arrive, quoi qu’il fasse ou dise, il ne le laissera pas tomber. « James – Il – Je … Je… » Le blond l’observe, la tête un peu penchée sur le côté, sans dire un mot, patient. Le simple fait qu’il essaye, même si c’est difficile, peut-être même douloureux, c’est suffisant pour lui donner un peu d’espoir. Il secoue la tête de frustration et doucement, de peur de le brusquer encore une fois, Rohan détache un de ses bras, pour le glisser dans le dos de James qu’il caresse dans un geste qu’il veut réconfortant. « Oui je- d’accord. Si tu veux, je- » Sa main appuie un peu plus dans son dos, alors qu’il y trace des arabesques qui n’ont aucun sens, seulement pour but de l’apaiser et de l’encourager. « Shh, tout va bien, » murmure-t-il faiblement. « Je sais pas, je sais pas, je sais pas. » Sa gorge se noue, alors qu’il peut voir les larmes dans les yeux de James, qui dévalent la pente de ses joues. « C’est pas grave, James, ce n’est pas grave, » assure-t-il, la voix un peu rauque encore.
Il déteste ces larmes là. Elles lui font mal et il ne sait pas comment faire pour arrêter la douleur. Sa main se fige dans le dos de James, hésite, puis va jusque dans ses cheveux mal coupés – c’était Sarah qui savait faire, pas lui – dans lesquels il glisse ses doigts. Il ouvre la bouche, sans trop savoir quoi dire si ce n’est des mots vides de sens, juste pour espérer le calmer un peu. « J’ai appelé ton nom, au Ministère. » Son souffle se bloque dans sa gorge et Rohan cesse de bouger, comme paralysé. « Je me souviens de ça, que je hurlais ton nom dans les cachots. C’est pour ça que je m’en souviens, que je m’en suis souvenu, quand on s’est vu. Y a ton nom qui résonne dans ma tête, parfois, comme un écho de la cellule. Et je crois que c’est important. » Rohan a l’impression qu’une main vient de s’enfoncer dans ses entrailles et fouille dans chaque recoin, à la recherche de tout ce qu’il avait conservé de bien et d’heureux pour le broyer et le laisser avec du vide. Il peut presque le voir, James terrorisé, dans un cachot, il peut presque l’entendre, James qui hurle et pleure et appelle à l’aide, alors que Rohan le pensait mort. Alors que Rohan a tenté de passer à autre chose. Alors que Rohan l’a laissé tomber. Le blond a envie de vomir. Il a été lâche, il s’est convaincu d’un mensonge et il n’a rien fait pour tirer James de là. Il aurait dû se battre, empêcher le brun de se sacrifier pour lui. Il aurait dû faire tellement plus.
« Je suis désolé, pour toute à l’heure, je veux pas te faire de mal, mais parfois, James est plus fort que moi et- » Mais il mérite que James lui fasse du mal. Parce qu’il n’a pas réussi à protéger Sarah, parce qu’il n’est pas resté pour lui. Parce qu’il a laissé James se faire capturer par ces monstres, il mérite toute la souffrance qu’il lui inflige, consciemment ou non. « J’veux juste- j’veux juste- » Il veut s’excuser. Il veut que son James revienne, pour pouvoir le regarder droit dans les yeux et s’excuser jusqu’à la fin de ses jours d’être la raison pour laquelle il est ainsi.
« J’ai envie que ce soit la lune morte. »
Ses yeux s’arrondissent, alors qu’un hoquet lui échappe. Et sur les traits de James, il peut voir qu’il ne sait pas trop lui-même ce que ça signifie, mais Rohan sait, lui. Il sait et ça fait mal et en même temps, c’est une de ces choses qu’il peut ajouter à la liste des éléments qui lui prouvent que James est toujours là quelque part et qu’il a raison de vouloir se battre pour lui.
La lune morte, c’est Rohan qui n’a plus besoin de lutter contre le loup qui gronde, c’est le silence dans sa tête et une seule idée, un seul désir, celui de serrer James contre lui, de dévorer avidement ses lèvres, de retracer chaque courbe et chaque angle de son corps, de s’enivrer de son odeur, de partager sa chaleur, de l’aimer sans rien ni personne pour lui dire que c’est mal. Parce qu’il l’aime. Merlin, il l’aime. Il n’en a jamais rien dit parce qu’il avait peur, parce que prononcer ces mots, c’était les rendre réels et il ne voulait pas rendre réel un truc qu’ils n’avaient qu’à moitié. Il n’en a jamais rien dit parce qu’il n’était pas prêt à admettre à quel point James avait secoué son monde, l’avait transformé pour enfin en faire quelque chose de merveilleux. Il n’en a jamais rien dit et maintenant il n’aura peut-être jamais plus l’occasion de le dire à celui qui doit vraiment l’entendre.
« Moi aussi, » les deux mots sont comme arrachés de sa gorge et c’est douloureux, tellement douloureux parce que c’est peut-être le plus proche d’un je t’aime qu’il puisse dire pour l’instant et ça leur donne un goût amer, un goût de regrets. Ses deux bras retournent entourer James, alors que son visage va se perdre dans les mèches brunes et que ses yeux se ferment. « Tu m’as sauvé la vie, James, » murmure-t-il alors. « Tu m’as sauvé et je pensais—je pensais qu’ils t’avaient tué, mais-- » Il pince les lèvres, ouvre les yeux. « J’aurais dû—te chercher, te retrouver, j’aurais dû savoir qu’ils ne t’avaient pas tué, je—je suis désolé. » Ses larmes vont se perdre dans les cheveux de James. « J’te laisserai plus, j’te laisserai plus jamais, je suis désolé, » répète-t-il inlassablement. |
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| | | | | (ROMES#3) Turn my head off forever, forever ever blind | |
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