Les larmes sont chassées de la main de Keziah, son front s’appuie contre le sien. Il voit uniquement les boucles d’or, le visage apaisant, qui réussit à le calmer, à faire cesser les pleurs retenus qui sont les siens. « Ce n'était pas ta faute. Ne dis pas ça. Ce n'était pas toi. Ça n'a jamais été toi. Ce sont les hommes qui ne savent pas aimer. »

Ils ne font rien de mal, n’ont jamais rien fait de mal.

(ils ont raison)

L’étreinte est longue, douce, et son souffle s’apaise tout autant que son cœur, dont la chamade effrénée et terrifiée est devenue un battement régulier, profond, résonnant d’un amour lointain. Il entend encore les feux de Beltane, les cris de joie (Jillian sautant au-dessus du feu, la main dans la sienne, ses longs cheveux d’or couronnés de fleurs, Boucles d’or couchée au pied du chêne, le soleil enflammant sa chevelure une dernière fois avant que le soleil se couche sur eux)(et Elphaba, juste un éclair, un éclat, les longues mèches sombres coulant entre ses doigts). Des bruits étouffés, plus lointains, pourtant présents. La panique cède la place à la sérénité, quand les deux hommes se séparent.
Il ne sait pas qui initie le geste – il sait seulement que toute pensée s’évapore quand il sent les lèvres de l’autre appuyées sur les siennes.
Le baiser est chaste, à peine quelques secondes – rien de folichon. Uniquement de la tendresse. Presque ambiance grand-mère un peu déplacée. L’Auror mit de plus à sortir de la confusion, de la magie, qui se dissipe doucement, laisse ses tentacules aller entourer de nouveaux sorciers, de nouvelles victimes. Une fois ses barrières franchies, la magie a été forte, sur lui. A comblé ses failles, a apaisé ses blessures, en a ravivé d’anciennes. Keziah recule brusquement, son expression devenant horrifiée. « Non, t'approches pas, reste là-bas. Pas bouger. » Tout ça à cause d’un baiser ? Sans la langue, en plus ? Son sourire revient, brièvement, à peine un éclair pourtant bien visible pour son ami. Le bras de distance entre eux n’est certainement pas cela qui va gâcher la vision de l’autre, même dans la pénombre. « Quoi ? T’as jamais embrassé un homme avant ? Davius laisse échapper un gloussement amusé, avant de laisser un autre commentaire avec une voix mielleuse. Ravi d’être le premier. »

Faut bien qu’il l’emmerde, pour lui signifier que lui aussi est sorti de cette confusion.

Sa main masse sa tempe, doucement. La peur a disparu, l’angoisse, et l’amour aussi. Ne reste que son amitié et que les déceptions. Et l’alcool, qui ne cesse certainement pas de faire tanguer le sol quelque peu. Si au moins ça avait pu régler cela… même pas. Il a trop bu. Heureusement, il a arrêté. Il doit retrouver Elphaba. Il veut la voir. Il lui a dit de venir le rejoindre. « C'était quoi ce bordel ? » Il regarde les avant-bras levés de Keziah. Il approche la main, le regard sérieux, mais s’arrête avant de toucher le Langue-de-Plomb. Il doit écouter. Des informations. Il devait recueillir des informations. « Des stigmates. C’est tout ce qu’il voit. Pas un sort direct… quoiqu’ils n’ont peut-être seulement pas encore vu le lanceur dudit sort. Les douleurs dans son dos aussi ont cessé d’exister, les brûlures passées des coups de fouet. Les réels, les passés. La magie est… parfois farceuse, parfois capricieuse. »
Il veut sembler détendu. Sa voix chevrote, pourtant, est encore un peu hésitante. Il a ri, a blagué, mais n’empêche que les souvenirs sont encore là. Les douleurs ne sont plus, mais les images oui, le passé. Il doit partir. Il doit écouter. Il veut voir Elphaba. Il ne veut plus de ce passé. « Veux-tu que je passe un message à Vic ? »