Beaucoup de personnes haïssent le lundi. Pour ces dernières, il rime avec reprise du travail, retour au bureau, discussions insipides avec des collègues plus ou moins appréciables et début d'une nouvelle semaine de routine. Mais pour Hécate, le Lundi était une journée appréciable et appréciée durant laquelle elle abattait toujours une formidable quantité de travail, emportée qu'elle était par la "motivation de début de semaine". Même les têtes de déterrés de ses collègues inspecteurs du niveau 2 n'arrivaient pas à entamer sa détermination et quand elle mit les pieds dans le cagibi qui lui servait de bureau, ce lundi là, elle était plus résolue que jamais.
une quinzaine de jours auparavant, elle avait perdu sa petite soeur et gagné un mentor. A peine deux semaines plus tôt elle n'était qu'une jeune femme en pleine errance, lassée par cette vie anglaise à laquelle elle ne se faisait pas et engoncée dans un quotidien aussi gris que les tailleurs des secrétaires ministérielles. Puis était arrivée la lettre de Poudlard, porteuse de désespoir et de douleur, et tout avait changé. Dévorée par la haine et la peine, Hécate avait agressé sans ménagement son supérieur hiérarchique direct avec la ferme intention de lui faire ravaler sa morgue, jusqu'à ce que Rabastan Lestrange en personne ne mette fin à l'esclandre. Il l'avait ensuite emmené dans son bureau afin de lui "apporter quelques petits éclaircissements" sur la pyramide hiérarchique du ministère, ce qui dans son langage équivalait à "lui passer le savon le plus copieux de son existence et tenter de provoquer un choc post traumatique". Et en effet, il n'avait pas ménagé ses cordes vocales. Il avait hurlé, pesté, lui avait même fait subir un endoloris dont elle avait gardé encore trois jours après un souvenir cuisant, mais surtout il avait décidé de la prendre sous son aile. La violence devait être pour lui comme le sang pour un requin: un puissant facteur d'attraction. Hécate lui avait montré de la violence ainsi qu'une sorte de fierté farouche mêlée de loyauté qui avait poussées le mangemort a faire d'elle autre chose qu'une simple stagiaire.
Depuis, elle revivait. Certes, Lestrange n'était pas un homme facile et quatre jours avaient suffit à Hécate pour s'en rendre compte: il ne rangeait rien, mordait à la moindre contrariété et prenait un malin plaisir à arroser généreusement de dédain les trois quarts de ses subordonnés. Hécate le regardait le plus souvent faire sans ciller et se permettait même parfois un très léger sourire. C'était un personnage haut en couleurs. Dépourvu de compassion, cruel, violent, expéditif. Mais haut en couleurs et profondément terrifiant. Le mélange parfait pour qui recherchait un quotidien dynamique.
Depuis le moment où il l'avait prise à sa charge, Hécate n'avait presque plus eu une minute à elle et elle se plongeait désormais à corps perdu non seulement dans les affaires qu'on lui transmettait mais aussi dans toutes celles que Rabastan ignorait soigneusement et repoussait vers le côté gauche du bureau, chaque jour un peu plus, dans l'espoir qu'Hécate cède et finisse par s'en charger elle même. Il était indéniablement doué à ce jeu là puisque la jeune femme perdait systématiquement la guerre d'usure et ramassait les dossiers en équilibre avant de les traiter, de les condenser et de lui faire son rapport. Elle raturait les mentions inutiles, cherchait des pistes, comparait les interrogatoires et y annotaient les incohérences apparaissant dans les réponses des accusés, coloriait des cartes à la recherche de zones d'attaques, disséquait les mots, visualisait les scènes, traquait les mensonges. Elle n'était pas sur le terrain. Pas encore. Mais elle voyait de son oeil froid, de son esprit acéré, ce qui avait échappé aux inspecteurs encore sous le coup de l'adrénaline ou de la dopamine. Elle voyait les failles.
Elle était d'ailleurs en train d'en repérer une belle dans le dossier d'un "pseudo-innocent" -la catégorie de prisonnier qui l'ulcérait plus que tout autre- lorsque la porte de son bureau s'entrouvrit, laissant entrer la vague de courrier du lundi matin.
Legba, le chat abyssin d'Hécate, que cette dernière avait affublé d'un collier d'or orné d'une turquoise, se mit à cracher et tenta d'épingler les lettres au col à l'aide de ses griffes mais la cargaison arriva saine et sauve jusqu'au bureau d'Hécate, qui attrapa le premier papier de la pile, plié en forme d'avion.
Etrange. Ce genre de pliure était communément utilisé pour les notes informelles entre employés. Curieuse, elle la déplia et se retrouva face à une écriture sèche, toute en pointes, qu'elle n'avait jamais observée auparavant. Rabastan écrivait en penchant les lettres vers la droite, cette écriture là était droite et presque rigoriste. Hécate haussa un sourcil, croisa les jambes et lu:
"Bonjour.
Je soussigné Sergueï Moltchaline demande l'accès au dossier de l'insurgée Juliet Yates à des fins de consultation personnelle. Requête urgente.
Hécate haussa les sourcils aussi haut que ceux ci le lui permettaient. Legba étant venu se frotter à son épaule, elle lui montra le papier et eut un rire acide:
-Quelqu'un ici se sent des velléités de puissance. Que devrais-je répondre à cela, Legba? hmm? que notre service n'est pas un substitut des archives municipales? lui demander de venir le chercher lui même? j'hésite. Que ferais-tu?
Le chat feula et chercha à faucher le papier mais Hécate le maintint en hauteur et sourit.
-Très bien, tu as gagné. Envoyons une note à cette délicieuse personne. Moltchaline. Moltchaline...encore un nom à ne pas prononcer la bouche pleine.
Puis, de son écriture déliée, elle renvoya une note tout aussi aimable que celle qu'elle avait reçue.
"Monsieur Molchtaline,
Je vous serais gréée de vous souvenir que le département de la justice magique ne constitue en aucun cas une bibliothèque et que toute personne ayant une requête de cette "importance" est expressément priée de venir la formuler en personne devant l'employé responsable des dossiers sensibles.
Si vos jambes vous le permettent, vous êtes donc aimablement prié de vous déplacer si vous désirez consulter un dossier "en urgence", et d'apporter avec vous les justifications nécessaires à la dite consultation."
D'un coup de baguette, elle chassa le papier qui prit la direction du niveau sept et se pencha sur l'enquête en cours, roulant des yeux.
-Faudrait voir à pas pousser, marmonna-t-elle.
Dernière édition par Hecate Shacklebolt le Ven 17 Juil 2015 - 19:31, édité 1 fois
“I am selfish, private and easily bored. Will this be a problem?” "
A quelques pas des locaux du Magister, Sergueï Moltchaline était assis à une banquette d’angle d’un vaste pub où l’odeur de biéraubeurre se mêlait à celle de tourte chaude à la viande. Les ventilos sur les nappes blanches qui pulvérisaient un vent agréable sur les sorciers présents ne ressemblait à rien connu pour lui, mais Sergueï se sentait bien dans ce décor et bien qu’étant en mission opérationnelle, il avait la ferme intention de savourer son repas au frais du merveilleux gouvernement britannique.
Dyadya -l’oncle- Selwyn s’était éclipsé au bras d’une ravissante jeune femme du niveau 5. Les sourires faciles, les œillades qui promettaient monts et plaisirs, Ekkehardt avait tout du Don Juan expérimenté et il s’entêtait à vouloir que son neveu suive le même chemin. Sergueï était bien plus froid cependant. Sous la couche de sensualité brute, il n’y avait que du givre. Cérébral, il considérait tout ce décorum de sorties et de rires comme des babioles inutiles même s’il ne dédaignait pas pour autant la finalité.
D’un hochement de tête rassurant bien qu’empreint de rigueur naturel, le russe avait tacitement accepté de s’occuper du niveau 7 pour le reste de la journée et ce en compagnie de Leo. Efficace, odarionny même, douée, la jeune femme était bien plus capable que Sergueï ne l’admettait jamais à haute voix.
S’étant contenté d’une eau gazeuse où flottait joliment une rondelle de citron vert, Sergueï jeta un regard circulaire autour de lui. Il était simple de les reconnaître, les sorciers travaillant au Magister. Sergueï trouvait révoltant la façon dont ils se cachaient et se fondaient dans la masse. Beaucoup de choses s’avéraient très différentes dans cette petite île qu’était le Royaume-Uni. Les mœurs différaient, les habitudes aussi et la paperasserie du ministère l’horripilait.
Force était d’admettre néanmoins que l’état de l’administration russe était encore pire.
Les pensées de l’étranger retournèrent chez lui, immanquablement. Sa patrie lui manquait. Le gymnase dans les sous-sols de l’Ambassade. Il en était des séances de gymnastique qu’il s’octroyait comme des soupapes de sécurité à sa personnalité parfois trouble. Les performances athlétiques l’aidaient a subtilement se composer et faisaient déferler en pulsions successives une fougue qui devenait alors précise et pointue. Manipulable en quelque sorte. Depuis son entrée dans l’âge adulte, il avait appris à maitriser son bouïstvo, son caractère explosif. La dernière fois cela avait été face à une idiotka anglaise. Une insurgée d’ailleurs dont il avait retrouvé le visage importun sur de vieux portraits d’équipe de quidditch qu’il avait dû trier.
Juliet Yates.
Lorsqu’il revint de sa courte pause, la réponse à sa demande de consultation de dossier l’attendait sagement sur son bureau. Voilà qui n’était pas commun : il avait déjà une réponse au sein d’un Magister où la moindre petite demande en fournitures semblait prendre des semaines.
"Monsieur Molchtaline,
Je vous serais gréée de vous souvenir que le département de la justice magique ne constitue en aucun cas une bibliothèque et que toute personne ayant une requête de cette "importance" est expressément priée de venir la formuler en personne devant l'employé responsable des dossiers sensibles.
Si vos jambes vous le permettent, vous êtes donc aimablement prié de vous déplacer si vous désirez consulter un dossier "en urgence", et d'apporter avec vous les justifications nécessaires à la dite consultation."
Zaldenet. Rester de glace. Il n’aimait pas la réponse mais elle n’était pas négative. Ces britanniques et leur sens excessif de la bienséance et des politesses. Ne pluj v kolodets, prigoditsya vodi napit'sya. On ne crachait pas dans la fontaine où l’on s’apprêtait à boire de toute façon et Sergueï après avoir surchargé de travail Leo, quitta le niveau 7 pour le 2.
C’est un chat –un tigre- qui l’accueillit en premier lieu et d’un simple regard l’animal et le russe (dans cet ordre-là) semblèrent se jauger.
« Ça êtrrrre votrrrre jovotnoïe ?... niet… animal? Ça être surrrement lui qui a écrrrrit note alors. » Commença Sergueï, restant sur le seuil du bureau, toisant le chat gris élégant puis sa maitresse qui se tenait droite et à peine visible sous les tours de dossiers qui encadraient son bureau. « Sergueï Molaltchine. Vous voirrrr… jambes mienne avoirrrr perrrrrmis venirrr jusqu’ici. » Si la posture droite et glacée de Sergueï était réelle, tout autant que l’accent russe à couper au couteau trempée dans de la vodka, l’humour sous-jacent –bien que dénué de sourires- l’était tout autant.
Dernière édition par Sergueï Moltchaline le Ven 17 Juil 2015 - 17:16, édité 2 fois
Hécate s'était attendue à beaucoup de choses mais pas à ça. Quand elle entendit la porte du bureau s'ouvrir sans que personne n'y ait frappé, elle se prépara à user de ses cordes vocales pour renvoyer l'intrus à ses pénates, mais elle fut coupée dans son élan par Legba qui, trop heureux d'avoir trouver un poste d'embuscade derrière une pile fraîche de dossiers, se jeta en avant, toutes griffes dehors avant d'être savamment esquivé par le nouveau venu.
Ce dernier était grand, mince, le corps délié et l'oeil acéré, d'un bleu presque polaire. Il avait les cheveux blonds et les traits fins, comme tracés par un peintre appliqué et seule venait perturber cette perfection une cicatrice sur la pommette. Croisant les jambes, Hécate haussa les sourcils et attendit qu'il parle, ce qu'il fit à grand renforts de "r" roulés. L'entendre parler donnait l'impression d'écouter un tank d'Europe de l'Est en pleine action, c'est à dire une machine de guerre lancée à l'assaut de la syntaxe ainsi que de la conjugaison et bien décidée à les écraser sans pitié.
"Ça êtrrrre votrrrre jovotnoïe ?... niet… animal? Ça être surrrement lui qui a écrrrrit note alors...Sergueï Molaltchine. Vous voirrrr… jambes mienne avoirrrr perrrrrmis venirrr jusqu’ici. »
Hécate le jaugea du regard. Voilà donc qui était donc l'auteur de la note de service et accessoirement, le ruffian aux manières plus que déplacées. Hécate n'avait jamais été très à cheval sur l'étiquette, mais elle était stricte concernant le respect qui lui était du. Elle ne commandait peut être plus ses propres unités militaires comme par le passé, peut être ne faisait elle plus partie de la classe dirigeante de l'état comme cela était le cas dans son pays d'origine, mais elle attendait toujours les bases du savoir vivre quand une personne se sentait l'humeur de lui demander quelque chose. Autrement dit: Bonjour, s'il vous plaît, merci, au revoir.
Si la jeune femme ne recevait pas ces marques de respect, il y avait fort à parier qu'elle court circuite vos demandes jusqu'à ce que vous finissiez par les cracher de gré ou de force. Mais vu l'accent à tailler à la hache de ce...Molchtaline, elle était prêt à mettre ce manque de formes sur une inadaptation au système administratif britannique.
Legba vint se percher sur le bureau et s'assit près de sa maîtresse, ronronnant alors qu'elle lui grattait les oreilles. Avec un sourire, elle le caressa et fit signe à Sergueï de s'avancer.
-On dit que maîtres et animaux se ressemblent...Legba exprime son agacement avec les griffes plutôt qu'avec des mots, mais soyez certains que lui et moi sommes généralement sur la même longueur d'ondes. En outre, je suis ravie que vos jambes vous ait vaillamment portées jusqu'ici. Quel effort cela a du être pour un homme de votre condition physique et de votre âge.
Avec un rictus narquois, elle ratura la note envoyée par un collègue et la posa sur le côté avant de se tourner vers Sergueï, sans toutefois l'inviter à s'asseoir. D'une part, elle n'en avait aucune envie et de l'autre, il semblait être le genre de personne à vouloir rester debout.
-Monsieur Moltchaline, je vais mettre votre manque total d'éducation sur le compte de...je ne sais pas, d'une relative incapacité à comprendre comment fonctionnent les choses ici, au niveau 2. Je suis même prête à croire qu'en...Russie, les choses se font à coups d'ordres et d'exigences. Toutefois, nous sommes en Angleterre et bien que je ne sois moi même pas originaire de ce..."ravissant" pays, je pense que vous allez devoir en intégrer assez vite les coutumes.
Se levant, elle contourna son bureau et remit la note que Sergueï avait envoyé à celui çi.
-Je ne suis pas une secrétaire et encore moins un hiboux. En outre, le dossier Yates appartient à un secteur classifié car relié aux dossiers Llewellyn.Si vous désirez y avoir accès, vous feriez mieux d'avoir une très bonne rai...
Elle fut interrompue lorsque la porte s'ouvrit de nouveau de manière impromptue, révélant cette fois un de ses collègues, un balourd du nom d'Honorius Buggle qui ne comprenait pas le concept pourtant simple de frapper avant d'entrer.
-Shacklebolt il faut que je vous parle de cette histoire de... -Buggle...le coupa Hécate d'un ton menaçant, regardez autour de vous.
L'employé cligna des yeux d'un air surpris et déglutit silencieusement. -Que voyez vous? -Eh bien..il y a vous. Et ce monsieur. -C'est très bien Buggle. Et que suis-je présentement en train de faire avec "ce monsieur"?
Cette fois, l'homme à la quarantaine bien tassée et à la calvitie bien avancée eut un mouvement de recul. Il était non seulement du genre peureux mais il était de plus au courant, comme tous les membres du niveau désormais, que la "petite Shacklebolt" frayait avec les gros poissons du secteur, à savoir leur supérieur à tous, et qu'un pas de travers pourrait désormais coûter très cher avec elle. Non pas que la gamine -qui n'avait plus de stagiaire que le titre- soit une "balance", non, le véritable problème était au contraire sa propension à tout régler elle même, maintenant qu'elle en avait le pouvoir. Comme à ce moment précis.
-Je discute, Buggle! je suis en pleine discussion! que vous n'ayez pas le bon sens de frapper à cette satanée porte avant d'entrer dans MON bureau est une chose, que vous réitériez cette monumentale bourde trois fois par semaine en est une autre, mais que vous rentriez avant de prendre le luxe de m'interrompre en pleine conversation, c'est un tout nouveau degré de CRÉTINERIE!
Buggle rougit, blêmit, verdit, avant de prendre une couleur hésitant entre le blanc crayeux et le jaune cireux. Il ouvrit la bouche comme un poisson hors de l'eau.
-Je ne voulais pas vous...enfin la porte... -Les détails de votre incompétences n'ont aucune importance pour moi! posez les dossiers sur la chaise près de l'entrée et HORS DE MA VUE!
Buggle, attaché à son auto-conservation plus qu'à tout autre chose, s'éxécuta rapidement et Hécate agita sa baguette d'un geste rageur, ce qui fit claquer la porte avec un fracas retentissant. pourquoi tout le monde se sentait-il aujourd'hui décidé à "passer les bornes de l'irrespect" -comme le disait joliment Rabastan-? Ce n'était tout bonnement pas croyable.
Reportant son attention sur Sergueï, Hécate le jaugea du regard.
-Je disais donc: le dossier Yates demeure sous scellée jusqu'à ce que notre département en décide autrement. Je crois savoir que vous venez du niveau 7, c'est en tout cas ce qu'indique la note que vous avez envoyée, alors dites moi: que veut un membre du département des sports à une insurgée notoire? je ne pense pas que vous la recherchiez pour la prochaine coupe de Quidditch, je me trompe?
Dernière édition par Hecate Shacklebolt le Ven 17 Juil 2015 - 19:34, édité 1 fois
“L'égoïsme inspire une telle horreur que nous avons inventé la politesse pour le cacher, mais il perce à travers tous les voiles et se trahit en toute rencontre.” Shopenhauer "
Hécate Shackelbolt confondait.
C’était la conclusion rapide et sommaire que Sergueï faisait dans son esprit. Elle confondait la politesse et le respect, l’un n’était pas tributaire de l’autre ou alors uniquement dans un carcan imposé par une société désuète.
Et la société, Sergueï ne demandait rien de mieux que de l’imploser de l’intérieur.
Le courant révolutionnaire et égalitaire de Fedosseïev qui soufflait sur son pays avait eu le mérite de faire prendre conscience au russe que le vieux monde était dorénavant obsolète. Les moldus, les sans impurs étaient par essence inférieur. Ce n’était qu’une question de froide évolution. ‘Ils’ avaient la magie la plus pure. ‘Ils’ devaient régner.
C’était aussi simple que ça.
La magie en tant que tel, dans sa forme la plus sibylline était ce qui imposait réellement le respect chez Sergueï. Les cris, les démonstrations de pouvoir, les fantochades ne l’atteignaient au final que peu et c’est d’un œil glacé et avec tout le stoïcisme russe qu’il accueillit les remontrances de la sorcière devant lui. Il la laissa calmement remonter les bretelles du malheureux employé qui s’était permis une intrusion, analysant le discours de lui-même, comme une seconde nature. Melle Shackelbolt était sans doute brillante -pour se hisser jusqu’à ce bureau il fallait l’être un tant soit peu- mais elle se régissait par des lignes rigides. Jusque-là rien d’anormal évidemment, Sergueï avait l’habitude d’une discipline de fer. Mais il ne pourrait pas l’acheter et Sergueï, comme tout bon sorcier de l’est, trouvait que les gallions épargnaient souvent des conversations inutiles. Hécate avait un parfum charmant d’incorruptibilité et ne faisait définitivement pas partie des glasnost, les rapaces parasites qui peuplaient les ministères quand il y avait changement de régime soudain. Elle voulait être payé en reconnaissance et en politesse typiquement britannique. Otchen korocho. Très bien. La vanité à ce niveau lui était proprement indifférente jusqu’à un certain point.
« Je disais donc: les dossiers Llewellyn sont sous scellée jusqu'à ce que notre département en décide autrement. Je crois savoir que vous venez du niveau 7, c'est en tout cas ce qu'indique la note que vous avez envoyée, alors dites-moi: que veut un membre du département des sports à une insurgée notoire? je ne pense pas que vous la recherchiez pour la prochaine coupe de Quidditch, je me trompe? »
Le coin des lèvres de Sergueï se relevèrent très légèrement. Elle lui faisait passer un onpoc, un interrogatoire. La haute silhouette pénétra enfin le bureau et c’est dans une démarche raide qu’il vint prendre possession de la chaise en face d’elle, croisant bras et jambes dans une attitude fermée et hautaine.
Elle lui plaisait bien avec son air de poupée sombre.
« Moi avoirrrr rencontrrrré Yates en Russie. » Commença Sergueï mélangeant l’accent russe au vocabulaire cyrillique.« Poslé avoirrrr vu elle ici surrrr terrrrrritoirrrre anglais encorrrre et avoirrrr vu nom et visage surrrr dossier Quidditch. Vous avoirrrr explications de pourrrrquoi elle êtrrrre en Rrrrrussie miss Shackelbôlt ? Rrrrréponse êtrrrre prrrrrobablement dans dossier. »
Ou pas. Ça se trouve, personne n’avait remarqué les allées et venues de certains insurgés. Il pencha son visage laissant l’idée couler sur Hécate. Après tout, être au service du renseignement et du contre renseignement et ne pas avoir su localiser sur la durée un membre de la résistance, ce n’était pas terrible. « Je ne voudrrrrais pas fairrrre perrrrdrrre temps à vous mais histoirrre êtrrrre imporrrrtante. Vos insurrrgés rrrien à fairrrre sur scène interrrrntaionale.»
Dernière édition par Sergueï Moltchaline le Ven 17 Juil 2015 - 17:16, édité 1 fois
Hécate écouta attentivement ce que le jeune homme avait à dire et commença à tambouriner légèrement du bout des ongles sur la surface de son bureau. Son cerveau s'était mis en marche et déroulait désormais les informations reliées aux différentes affaires en cours au fur et à mesure que Moltchaline lui exposait de son accent à tailler à la hache, la raison de sa venue.
Il avait croisé Juliet Yates en Russie, probablement avant son arrivée sur le territoire brittanique qui -au vu de ses manières et de son élocution- ne devait pas dater de beaucoup, puis l'avait revue par la suite, cette fois en Angleterre. Il n'y avait au ton qu'il employait, aucun doute sur la formalité de ses dires, ni sur leur pertinence. C'était bien ce qui posait problème à Hécate.
Juliet Yates aurait en effet effectué au moins un trajet allez-retour entre l'Angleterre et la Russie dans le cours de l'année passée, un voyage à visage découvert qui ne s'était pourtant soldé par aucune note inter-gouvernementale, aucun bruit. Cela signifiait deux choses: La première était que les systèmes de sécurité empêchant les voyages à l'étranger possédaient des failles bien plus importantes que ne le pensait le département en charge des douanes. La seconde, plus inquiétante, était qu'il existait des points de chute destinés aux insurgés en plein coeur de la Russie, des endroits et groupes que les opposants au régime du Magister pouvaient rejoindre en cas de difficulté. Qui disait point de chute, disait alliés, qui disait alliés, disait réseau, qui disait réseau disait coopération. Et la dernière chose qu'Hécate appréciait chez ses ennemis étaient qu'ils coopèrent entre eux.
Elle croisa les mains sous sa bouche et respira profondément puis se leva avant d'aller chercher un classeur dans une armoire noire, au fond de la pièce. Elle n'hésitait pas en en tournant les pages, comme si elle savait précisément ce qu'elle y cherchait et finit par lâcher:
- Serguei Stepanovitch Fedosseïev. chef du "courant égalitaire russe" depuis 1980...un homme peu apprécié de notre gouvernement je ne vous le cache pas: promotion publique des sangs-mêlés et des sangs-de-bourbe, corruption de fonctionnaires en République Tchèque, destruction de bien publics de Ukraine, attaques terroristes supposées en Roumanie et incitation à la révolte...un véritable Commandante Che Guevara à la sauce Slave...
La jeune femme revint s'asseoir à son bureau, tout en continuant de lire.
-Les Llewellyn ont eux mêmes des instincts de guerilleros, tout comme la tripotée d'adolescent en perdition qu'ils mènent à travers la campagne...ils sont isolés sur cette île. Faibles. S'ils sont partis en Russie, il y a forcément une raison à cela et je crois que nous l'avons sous les yeux. Excusez moi un instant.
Hécate sortit sa baguette et l'agita, un papier voletant jusqu'à elle alors qu'une plume se dressait et s'apprêtait à écrire.
-Date, expéditeur, en direction du bureau du directeur. Des suspicions d'immigration illégale vers la Russie ainsi que de coopération avec les brigades égalitaires de Fedosseïev viennent de remonter jusqu'au service. Demande l'autorisation d'accéder aux dossiers des insurgés britaniques d'origine russe ainsi que des citoyens immigrés en Russie afin d'étudier l'existence possible de passerelles et points d'extraction vers des réseaux rebelles étrangers. Formules de politesses, signature. Urgent.
Puis, elle envoya le papier filer à travers la pièce. Lestrange recevrait la note dans moins de dix minutes. Plus qu'à espérer qu'il la lise. Hécate se retourna vers Sergueï. Il la jaugeait du regard mais elle n'en avait pas finit avec lui. Puisqu'il se sentait d'humeur à traiter "d'histoirrrrres qui êtrrre imporrrtantes", il allait l'aider à rentabiliser son temps et discuter "scène interrrrnationale".
-Monsieur Moltchaline, si ce que vous me dîtes est vrai, je vais avoir besoin de plus de détails que ce que vous venez de me dire. Vous n'avez de toute manière que des options réduites, l'obstruction à la justice est relativement mal vue.
Hécate croisa les jambes. Moltchaline n'avait pas vraiment l'air d'être du genre coopératif, elle savait qu'en échange de la moindre miette d'information, il exigerait quelque chose en retour, et il aurait été stupide de ne pas le faire. Il fallait savoir arracher ce que l'on désirait avec les dents et la Russie n'était-elle pas connue pour ses impitoyables meutes de loups?
-L'existence possible d'un réseau insurgé en Russie n'est pas un détail, une anecdote. Nous savons que des fonds transitent depuis les démocraties occidentales vers les réseaux formels et informels du courant égalitaire russe, il serait regrettable que cet argent servent également à armer nos ennemis par le biais de Fedosseïev. Si cela était toutefois le cas nous agirions en conséquence, mais pour cela j'ai besoin que vous me disiez ce que vous savez sur Juliet Yates, que vous me racontiez les circonstances de votre rencontre. Je m'engage en retour à vous ouvrir l'accès à son dossier et à vous recommander personnellement pour l'enquête. Avouez que cela sera un tantinet plus passionnant que le sponsoring de la prochaine course de tapis volant au Qatar.
Dernière édition par Hecate Shacklebolt le Ven 17 Juil 2015 - 19:35, édité 1 fois
Une armée sans agents secrets est exactement comme un homme sans yeux ni oreilles. - Sun Tzu "
Ah… le chapitre « Fedosseïev ». Sergueï pencha son visage la regardant énumérer avec un phrasé clair et distinct les faits d’arme du plus grand ennemie des семья. Les familles de Russie dite pures s’étaient effilochées au fil des siècles. Le pays était trop vaste, trop grand. La Russie sorcière n’était pas juste un territoire, elle était un amalgame de nations éparses régis par une autorité centrale : le Совет , le Sovet, le Conseil.
« Ia znaïé.»
Il savait tout ça. « Nous avoirrrr rrrrévolutionnairrrres… plus… corrrrossifs que vôtrrrre. » Et il le pensait réellement. Qu’avaient Lord Voldemort et ses comparses en face si ce n’était un tiercé de gamins mal dégrossis et une bande de fous à moitié morts de faim? Le danger selon Sergueï venait de l’International. Les Français notamment semblaient pousser et aider des Insurgés, les guidant vers une organisation plus efficace.
Efficace c’était aussi l’adjectif qu’était en train d’associer le russe à Hécate en cet instant précis.
Le regard glacé se tourna vers les alentours et vers les nombreux dossiers ouverts sur le bureau. Quoique faisait Hécate, elle le faisait de toute évidence avec sérieux, s’étant surement ainsi rendu indispensable au service. Des feuillets bleus d’un bulletin de surveillance vint atterrir sur le cuir du meuble prêt des plumes à papotes. Il crut voir des retranscriptions d’interrogatoires, des coupures de journaux.
Il étudia sa peau sombre, son regard sérieux et sa mine déterminée. Elle avait suggéré qu’elle n’était pas britannique… une colonie peut-être? Une ex-colonie… ah… On ne lui avait pas parlé d'un transfert il y a peu au sein du Magister? Mmm il y en avait tant. Administratsiya, l'administration.
Cela expliquait la légère langueur dans la façon dont elle parlait qui ne faisait pas très américain pour le coup mais qui ne faisait pas anglais non plus.
« Monsieur Moltchaline… »
« Sergueï. » Offrit le russe. La guerre froide n’avait été gagnée par personne encore. Elle ne se terminerait sans doute jamais. Les russes étaient des comploteurs-nés et les sorciers étaient encore pire. Ils tournaient les yeux vers l’Est en ce moment avec une Asie qui rêvait d’émancipation et qui pensait se la voir offrir par ses voisins slaves déchainés. Seule l’Élite des семья s’était tourné vers Lord Voldemort et l’ile de la Grande Bretagne, dans l’espoir que la solidité de ce nouveau gouvernement soit un exemple pour les populations slaves.
« …si ce que vous me dîtes est vrai, je vais avoir besoin de plus de détails que ce que vous venez de me dire. Vous n'avez de toute manière que des options réduites, l'obstruction à la justice est relativement mal vue. »
Il arqua un sourcil boudeur à la façon dont elle avait tourné la chose mais il pouvait lui laisser le bénéfice de la menace. Elle n’était que relativement peu importante pour Sergueï qui y prêta à peine une pensée.
« Obstrrrruction justice êtrrrrre mal vue parrrrrtout miss Shackelbôlt. » D’ici il ne pouvait voir si elle avait la marque des Ténèbres ou pas. La sienne n’était pas plus visible non plus, sagement rangé sous l’éclat léger d’une chemise blanche. D’autres officiers de l’Agence allaient et venaient dans les corridors mais Sergueï ne quitta pas du regard la jeune femme. « Aucun intêrrrrrret mensonge. Moi devoirrrrr fourrrrrnirrr nom et dossier à Moskva rrrrapidement. Nous trrravailler ensemble, da ? »
Sergueï esquissa un sourire quasi impalpable. « Arrrrgent toujourrrs circuler. Fedosseïev, » Le nom fut crâché. « êtrrrre zlokachestvennyy, rusé. Lui êtrrrre nuisible à la rodina. Etrrrrre nuisible ici aussi. Ya by sprosil…je demanderrrais à donner vous rrrrenseignements complet. »
Il acceptait le deal. Certes, on ne serait pas forcément heureux de savoir qu’il travaillait avec une femme qui n’était même pas britannique mais le centre lui ferait confiance. Il était un Moltchaline et son nom était synonyme –littéralement- de silencieux. On ne risquait pas avec lui une izmena, une trahison. Gossourdartsvennaïa izmena même. De la Haute Trahison.
Sergueï se détendit imperceptiblement, se relevant en dépliant des jambes trop longues et trop fines qui lui avaient valu fut un temps le surnom de ranatre, comme l'animal.
« Vous prrrendre thé comment miss Shackelbôlt? Jambes aboir perrrrmis venirrr jusqu'ici, votrrrrrre perrrrmettrrrrre accompagner aprrrrès trrrrravail? Pouvoirrrr discuter plus au calme.»
Parce que des notes de services étaient en train de s'entasser n'est-ce pas. Il eut la délicatesse -DA- de regarder en direction des petites notes qui frétillaient sur la table.
« Nous avoirrrr rrrrévolutionnairrrres… plus… corrrrossifs que vôtrrrre. »
-Je vous crois sur parole. Ces révolutionnaires ne sont de toute manière pas les miens.
Un sourire fugace étira les lèvres. d'Hécate Les russes n'avaient jamais eu la réputation d'être ce que l'on appelait des tendres, et elle avait eu l'occasion d'entendre parler de ce peuple à la culture totalement incompréhensible pour les siens, mais aux méthode tout à fait approuvables et approuvées. Que disaient-ils déjà? quelque chose comme "pas de corps, pas de preuve". C'était une vision des choses qui convenait à Hécate même si de là où elle venait, les corps éyaient plus souvent crucifiés en guise d'exemple que dissimulés.Un corps était une victoire, un défi à l'ennemi et il y avait bien longtemps que le gouvernement sorcier blanc de Boston ne mettait plus le nez dans les affaires des grands clans. Aussi les guérillas locales, les conflits familiaux et les guerres de territoires poursuivait-elles leur cours, des marais de la Louisiane jusqu'aux eaux des caraïbes. Des corps il y en avait eu trop pour qu'on les enterre. Et encore moins pour qu'on s'amuse à les dissimuler. Mais la jeune femme comprenait l'idée: face aux combattants russes habitués aux hivers de Sibérie, aux assassins sorciers du Maghreb ou aux guerriers d'élite vaudous, les insurgés britanniques avaient l'air d'adolescents en perdition et d'adultes marginaux en manque de sensations. Trop sentimentaux. Trop peu déterminés.
Voyant que le mangemort lui offrait de l'appeler par son prénom, elle hocha poliment la tête et l'écouta parler. Il acceptait de travailler à ses côtés et elle s'en sentit fort satisfaite: il y avait quelque chose chez cet homme qui forçait son intérêt. peut-être sa difficulté à se plier aux règles de l'administration anglaise, difficulté qu'elle n'avait elle même gommée qu'au bout de trois années d'efforts soutenus, peut-être sa franchise abrupte, peut-être cet humour perçant et pince-sans-rire qu'elle sentait pointer sous la glace. Il lui plaisait, lui donnait envie de faire du bon travail, et dieu sait si ce sentiment était rare quand on devait dialoguer avec des individus de l'accabit de Buggle...elle allait le remercier pour sa coopération quand il reprit la parole et la surpris cette fois totalement.
« Vous prrrendre thé comment miss Shackelbôlt? Jambes aboir perrrrmis venirrr jusqu'ici, votrrrrrre perrrrmettrrrrre accompagner aprrrrès trrrrravail? Pouvoirrrr discuter plus au calme.»
Hécate haussa les sourcils, un réflexe totalement inapproprié pour une employée mais qu'elle ne parvenait toujours pas à étouffer -pas plus que son célèbre roulement d'yeux auquel avait droit son mentor presque tous les jours-. Elle le jaugea du regard, inclina la tête sur le côté.Elle n'était pas d'une sociabilité flamboyante depuis son arrivée, loin de là, et lancer une invitation à dîner quelques jours auparavant lui avait semblé une épreuve, mais Sergueï avait une assurance tranquille qui ne provoqua en elle aucun sentiment d'anxiété. Il était russe et par conséquent sans doute atrocement roublard dans l'âme, mais il semblait le genre d'homme désireux de cantonner son machiavélisme à son travail et de le laisser en dehors de ses relations personnelles et de ses heures de repos. Pas par bonté d'âme, mais parce que mentir en privé était atrocement exténuant et que toute fatigue inutile était à proscrire. Pourquoi manipuler quand on pouvait clairement afficher son mépris, son désaccord voire ses volontés homicidaires? C'était une question qu'Hécate se posait et elle ne doutait pas que Sergueï se la posât aussi. C'est ce qui la décida. Elle sourit à sa plaisanterie.
-Appelez moi Hécate. Et je pense effectivement que mes jambes seront capables de me porter jusqu'à vous après nos heures de bureau. Moi trrrrès petite mais rrrrrésistante comme rrroche.
Elle eut un rictus amusé quand elle le vit écarquiller les yeux et rajouta:
-Spasibo pour cette invitation Sergueï. Quand et où nous retrouvons nous?
"Russian humor is to adapt or make some sense or nonsense out of the insanity of their lives." Ian Frazier "
Elle le jaugeait et il n’y voyait aucune objection.
Le visage se releva lentement, la couvrant d’un regard cobalt impassible. Il ne donnait jamais -voir rarement- la satisfaction à son interlocuteur d’abaisser sa garde mais il lisait en Hécate une maitrise similaire à la sienne et ne chercha donc pas à la ménager plus que ça. En Russie, la politesse et le surplus de manière étaient des habitudes de l’ouest. Des ustensiles visant à l’hypocrisie, aux mensonges fatigués et ankylosés qui se complaisaient dans leur imbroglio. Certains britanniques avaient un gout prononcé pour le dramatique, pour l’excès de pathos et la recherche d’ennuis qui n’existait au demeurant pas. La mélancolie slave était réelle mais provenait de douleurs concrètes et d’une Histoire cruelle. La surveillance exercée au sein de la communauté sorcière ne se relâchait jamais. Elle avait été glorifiée au temps de Raspoutine mais cette gloire passée s’était tût rapidement au contact du sang et des remous. Si la société sorcière avait su se tenir silencieusement à l’écart, il n’en demeurait pas moins que les guerres successives extérieures avaient apportés leurs lots de solitude.
Il était curieux de savoir d’où venait réellement Hécate.
Certaines choses lui demeuraient inconnues encore depuis qu'il était arrivé à Londres. Les Shackelbolt par exemple, les inimitiés entre certaines familles, les déchirures que provoquaient les révoltes en Grande-Bretagne et qui menaçaient son pays également.
« Appelez-moi Hécate. Et je pense effectivement que mes jambes seront capables de me porter jusqu'à vous après nos heures de bureau. Moi trrrrès petite mais rrrrrésistante comme rrroche. »
Un vague sourire voila son regard. Il y avait plusieurs façon de juger ou plutôt tester de prime abord quelqu’un selon Sergueï. La première en territoire étranger était son accent. Il aurait pu faire des efforts, parler mieux, arranger la syntaxe bancal. Il pouvait en prenant quelques secondes et minutes de plus à chaque fois qu’il ouvrait la bouche. Mais où étaient l’amusement et surtout l’utilité ? La façon dont un interlocuteur réagissait en disait long en général sur la personne. Hécate par exemple avait vraisemblablement utilisé ça en plaisanterie, comme une façon d’établir un lien avec lui. Désir de contact amical. Korocho, bien.
Ses sourcils se soulevèrent, seul aspect visible de son amusement.
«Spasibo pour cette invitation Sergueï. Quand et où nous retrouvons nous? »
Le russe roulait sur sa langue et Sergueï en conçut une certaine fierté. Faites l’effort de parler sa langue à un slave et il vous montrera toujours bien plus de civilités qu’à un autre. D’autant plus s’il était russe.
« Mari Vanna. Êtrrrrre tenu par sorrrrrciers rrrrrusses trrrrrès convenable. Moi venirrrrr passez-vous prrrrrendrrrre dans…fin serrrrrvice êtrrrre 17h, da ? » Sergueï ne savait jamais. Pour lui la fin du service était lorsque dyadya Ekke en décidait ainsi. Ce dernier avait une superbe inégalable mais sa vie avait parfois des horaires que Sergueï –dans sa rigueur de gymnaste- pouvait qualifier de saugrenue.
Sans ajouter quoique ce soit qui aurait pu s’apparenter à des fioritures, Serguei eut un salut bref de la tête et tourna des talons pour rejoindre son niveau. D’un point de vue européen, la brusquerie semblait sans doute malpoli mais Sergueï n’y voyait là qu’une économie afin d’aller à l’essentiel. Il pouvait la laisser travailler (et visiblement elle avait beaucoup à faire) et reparlerait plus à son aise tout à l’heure.
A heure dite, Serguei était donc prêt, se tenant droit le long du couloir. Il avait juste troqué sa capeline de mangemort pour celle, sombre, de sorcier civil. Le russe s’habillait sobrement, favorisant les couleurs bleus, blanches et noires. Mince et grand, il faisait parfois s’écarter certains de son passage par son physique plus que par sa présence comme Roockwood ou même Lestrange senior.
Si le chemin fut rapide (les ‘toilettes’ du magister étaient tout autant reliés aux autres endroits sorciers), Sergueï jeta un simple coup d’œil à Hécate lorsqu’elle pénétra en sa compagnie le salon blanc et lumineux du restaurant sorcier russe. Les cadres au mur donnaient à voir d’ancienne photos où les protagonistes bougeaient et vous saluaient de la main. La porcelaine simple, délicate et un peu rustique vous sautait au visage et l’on avait l’impression net d’avoir été transporté dans une dachka de la campagne russe du siècle dernier.
« Привет сэр molaltchine, как ты?» Demanda la femme au chignon blond en s’avançant gracieusement vers les deux.
« Здравствуйте. Очень хорошо.» Répondit Sergueï sans nuance dans la voix particulière si ce n’était une fluidité qui forcément faisait défaut en anglais. Il tourna un regard vers Hécate. « Thé ici êtrrrre rrrrréellment rrrusse. »
Pas d’offense, mais le thé anglais était une supercherie de thé asiatique selon Sergueï. Ni plus ni moins.
Spoiler:
Le texte en russe c’est juste des civilités de bases ^^. « Bonjour mr Molaltchine, comment allez-vous ? /Bonjour, Très bien. ». Et le restaurant/salon de thé russe Mari Vana existe réellement à Londres. Il est magnifique, j’ai juste changé en disant que c’était un endroit sorcier.
Il avait dit 17 heures. Lorsqu'Hécate sortit de son bureau, elle s'attendait presque à le trouver au garde à vous devant la porte, moustache bien en place et mitraillette au côté. Mais non. Il se contentait de se tenir droit et d'attendre...elle en aurait presque été décue. Adieu fantasmes slaves et pensées incongrues. Elle le suivit dans les couloirs du ministère et fut agréablement surprise par le fait qu'il s'efforçait de marcher à son niveau malgré ses jambes considérablement plus longues que les siennes et les talons que la jeune femme portait. Abrupt mais correct. C'était une qualité qu'elle appréciait.
Lorsqu'ils débouchèrent depuis leur lieu de travail dans le restaurant russe, Hécate eut un sourire et inspira profondément. Il régnait dans le salon principal une odeur de pâte sortie du four, de beurre, et d'épices, un véritable enchantement pour les sens. La décoration était d'ailleurs tout aussi ravissante et si Hécate n'avait pas su qu'il régnait hors de ce havre de paix une guerre meurtrière, elle aurait pu croire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Avec délice, la jeune femme fit quelques pas vers le patio intérieur, au centre duquel poussait un arbre. Des lampes et lampions étaient suspendus à ses branches et Hécate fit un sourire à Sergueï, lui demandant implicitement s'ils pouvaient s'asseoir à cet endroit. Bien évidemment, l'homme ne sourit pas en retour mais hocha la tête calmement et elle prit place avant de l'écouter engager une conversation brève mais cordiale avec une serveuse.
« Thé ici êtrrrre rrrrréellment rrrusse. »
Hécate hocha la tête et se tourna vers la serveuse, qui lui offrit un sourire encourageant. Il n'y avait pas de carte et Hécate se sentit soudain paniquer. Que dire? que faire? Elle avait le plus grand respect pour "thé réellement russe" mais n'y connaissait absolument rien. Son éducation gustative portait vers le café et si elle appréciait toujours le thé en bonne compagnie, elle n'avait pas la moindre idée de ce que pouvait bien être un thé grillé -peu de chance que cela ait le moindre rapport avec un quelconque barbecue- un thé noir -perspective visuelle peu engageante- et un thé blanc -sans commentaire. Elle jeta un oeil à Sergueï dans l'espoir insensé qu'il lui conseille quelque chose, mais celui ci se contenta de la fixer.
Mort aux traîtres.
-Que me conseillez vous? demanda Hécate avec un sourire.
Joker. La serveuse ne parut pas désarçonnée le moins du monde par cette question, bien que la clientèle du salon soit essentiellement composée d'habitués, et déclara avec un mélodieux accent d'Europe de l'Est:
-Nous venons de recevoir un arrivage de Thé Douchka. C'est...un mélange de thés noirs parfumés aux huiles essentielles d'agrumes. Nous le commandons depuis Moscou depuis sa création en 1950. Son succès ne s'est jamais démenti. -Dans ce cas allons y pour un thé Douchka. Je vais faire confiance à votre expertise à défaut de pouvoir compter sur la mienne. -Si je puis me permettre Madame, je doute que Monsieur Molchtaline vous aurait laissé vous tromper de beaucoup. Il a un goût certain.
Et sur ces mots, la serveuse s'éloigna de son pas aérien, laissant seuls Hécate et Sergueï. La première remarqua vite que le jeune homme la jaugeait du regard. Sans hostilité, sans méchanceté, seulement avec précision et sans s'en cacher. Elle ne broncha pas. Elle avait elle même pris le temps d'étudier son attitude, il était naturel qu'il lui rende la pareille et elle avait le sentiment que les fioritures n'étaient pas le style de Moltchaline. Sa note de service avait été assez éloquente sur le sujet. Comme le silence entre eux se poursuivait, Hécate s'autorisa un demi-sourire en coin.
-Je vous avoues que je ne sais pas trop quoi penser de ce rendez vous.
Haussement de sourcil à douze heures. Il l'invitait visiblement à en dire plus.
-Vous semblez être le genre d'homme à aller droit au but et à obtenir ce que vous voulez, au moment où vous le voulez. Or, vous vouliez le dossiers Yates il y a deux heures...je me trompe peut-être mais vous donnez l'impression de vouloir une place pour chaque chose et chaque chose à sa place. Et cet endroit...ne ressemble pas vraiment à celui que je choisirais si je voulais discuter de dangereux insurgés en fuite, surtout en dehors de mes heures de travail. Pas quand il est juste possible de jeter un regard glacial aux employés pour obtenir ce que je désires dans la minute. Alors....pourquoi suis-je ici?
Elle lui avait dit ces mots avec un drôle de sourire. Elle avait le sentiment que, tel un chat, il jouait avec elle comme avec une pelote de laine, testant sa résistance du bout des pattes, la faisant rebondir avant de décider -ou non- d'en faire un objet d'intérêt. Elle se serait très volontiers sentie offensée par cette manière de procéder, mais il l'intriguait tout autant qu'elle semblait le surprendre. Il était russe. Franc et direct. Son accent était assez rude déraciner un baobab et il ne semblait accorder aucune importance à ce que les gens en pensaient, voire avait assez d'humour pour ne pas s'offusquer lorsque quelqu'un faisait une plaisanterie à ce sujet. Il y avait une intelligence froide dans ses yeux, mâtinée d'une assurance et d'une sorte de douceur un peu triste, hors normes, qui donnaient à Hécate envie de le connaître. Mais Sergueï semblait hésiter à reprendre la parole. Cela la fit de nouveau sourire: elle commençait à comprendre l'expression "aimable comme un gardien de goulag"
-Vous n'aimez pas répondre aux questions, n'est ce pas? fit-elle en croisant les bras et les jambes, très bien, je consens à me sacrifier pour la cause: une réponse pour une réponse. Allez-y, demandez moi ce que vous voulez. Je serai aussi honnête que le permet la bienséance.
"Russian humor is to adapt or make some sense or nonsense out of the insanity of their lives." Ian Frazier "
Ce serait mentir que d’avancer que les choix établis par Sergueï n’avait pas souvent une finalité. Le restaurant Mari Vanna ne correspondait en rien à ce que l’on aurait pu attendre du jeune homme et qu’il percevait comme étranger également à Hécate. Un univers blanc, fait de porcelaines, de dentelles et de valses russes. C’était un des nombreux paradoxes de son pays que de faire côtoyer les éperons et les chants patriotiques avec des services à thé élégants au son de balalaïka qui rappelait l’étendue incommensurable des steppes septentrionales.
« Que me conseillez vous? »
Le sourire ne fut pas rendu mais un mouvement de tête simple et Sergueï entreprit d’énumérer les différents thés disponibles. C’est d’un ton simple et captivant que le jeune slave expliqua que le thé était synonyme, chez eux, d’accords et de réunions, de transactions passés au même titre qu’autour de verres de vodka. Moins rituel que chez les asiatiques mais plus décontracté que chez les européens, la Russie avait découvert le thé grâce à l’Orient, le transportant via caravane par la ville mongole de Kiatha juste sous la Sibérie et que celle-ci la délivrait ensuite à Moscou.
Il se débarrassa d’un geste souple de sa cape noire et appuya son dos sur son siège tandis qu’Hécate choisissait un thé Douchka et fit signe qu’il prendrait la même chose avant de reposer son regard serein cobalt sur la jeune femme.
« Saint Petersbourg, » Le nom de sa ville roulait, fluide, sur sa langue. « Boirrre plus de café. » L’ironie, n’est-ce pas? « Homme toujourrrrs vouloirrrr êtrrrre différent. »
« Je vous avoues que je ne sais pas trop quoi penser de ce rendez vous. »
Sergueï haussa un sourcil sans pour autant ressentir aucun étonnement la laissant établir ce qui clochait selon elle. Il envisageait de manière rectiligne son point de vue. Le travail était le travail. Elle n’en discutait pas ailleurs que ses heures de service ou ses collègues directs. Mentalement, Sergueï dressait une liste des qualités de la jeune femme sans pour autant juger la personne. Sans se sentir concerné par le thé brûlant qui était en train de couler dans les tasses sur la table sous l’égide de l’employée, Sergueï s’appuya légèrement sur le rebord. Il pouvait, quand l’interlocuteur lui semblait suffisamment pertinent, se faire charmant. La froideur résolument slave était toujours là, mais elle se voyait mâtiné d’un éclat plus aimable et moins abrupte. « Droit au but, da. Moi avoirrr demandé dossier et vous avoirrrr accepté. » Le cobalt pétilla, comme pour donner souffle à l’explication. « Converrrrsation professional'nyy dans burrreau. Converrrrsation chastnyy… » Sergueï balaya le reste de la salle du regard sans bouger d’un millimètre avant de retomber sur le visage avenant d’Hécate. Il n’était pas maniaque à vrai dire mais les choses s’avéraient plus simple lorsque l’on s’en donnait la peine. Une conversation sur les insurgés et leurs dossiers secrets se devait en effet de rester entre les murs du Magister, mais une conversation sur du privée méritait un espace plus convivial. Il aurait pu emprunter la voix tortueuse pour obtenir. A ce stade il ne pensait pas que cela en valait une quelconque peine et aurait-elle refusée qu’il ne s’en serait absolument pas offusqué.
Mais déjà elle souriait à nouveau avec cet air intrigué et curieux.
« Allez-y, demandez moi ce que vous voulez. Je serai aussi honnête que le permet la bienséance. »
Elle avait vu juste. Voilà qui dénotait un esprit aiguisé et Sergueï se relaxa légèrement, les épaules s’appuyant finalement sur le dossier. « Vous ne pas être brrrritannique. Avoirrrrrrrr vu Hvedrung travailler ici. » Le nom danois fut énoncé à la perfection,l’influence viking jusque dans l’intonation russe ne s’était jamais démentit. Félix travaillait au même niveau qu’Aramis, Rabastan et par conséquent Hécate. Deux étrangers dans un département tel que celui du niveau 2 dénotait un intérêt massif de l’International pour la question britannique et son gouvernement agressif.
Ou plutôt Sergueï envisageait cette idée. Il ne connaissait pas l’histoire des Shackelbolt ni de Kingsley en particulier, les membres de sa famille faisant tout –et cela pouvait se comprendre- pour la gommer au mieux des esprits. Quand à Félix, Sergueï ne l’avait pas encore sondé mais s’ils étaient plusieurs pays à infiltrer d’une manière ou d’une autre le Magister, il était de bon ton qu’il en fasse part à la rezidentoura à Moscou. Tout comme pour les moldus, le centre névralgique administratif sorcier russe et le Совет siégeaient dans la capitale, mais son cœur spirituel et la plupart des семья avaient racine à Saint-Pétersbourg.
Ce n’était pas des informations vitales en soi cela-dit et Sergueï ne mentait pas : il était réellement curieux. Sa première pensée fut qu’elle venait d’Afrique. Les vastes contrées d’Égypte et de Libye étaient berceaux de grandes familles où la magie prenaient des proportions divines, mais les manières d’Hécate avaient quelque chose d’un peu trop occidental et Sergueï avait repoussé rapidement cette idée. Il y avait les États-Unis. Les grands ennemis. Mais là aussi, quelque chose ne cadrait pas. Quelque chose d’infime qui le laissait perplexe d’où sa demande toute naturelle.
Il agita son index vers la jeune femme avec souplesse et de manière flou avant de tapoter sans vraiment toucher ses propres lèvres. « Vous avoirrrrr accent aussi. » Moins évident, plus caché, mais c’était là, dans chaque inflexion de mots. Sergueï eut cela dit l’honnêteté amusé d’ajouter : « Pas autant que moi. »
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