La journée avait été longue. Paris s’était levé tôt comme à son habitude. Il avait dû dormir quatre ou cinq heures tout au plus. Mais c’était bien suffisant pour lui. Cela faisait des années que les insomnies venaient tourmenter ses nuits, il avait fini par s’y faire. Et à vrai dire, c’était finalement bien pratique. Cela lui donnait du temps pour réfléchir. Paris cogitait énormément, il essayait constamment de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par son équipe. En gros, même lorsqu’il n’était pas sur son balai, il ne cessait d’y penser.

Il s’était extirpé de ses draps chauds, laissant derrière lui la douce respiration de Garden qui dormait encore paisiblement. Sitôt debout, les deux chats de la maison s’étaient également agités, visiblement affamés. Paris les avait nourris avant de se servir une grande tasse de café noir. Puis il était allé s’installer à son bureau afin de préparer l’entraînement qui aurait lieu en fin d’après-midi. Et autant dire qu’il allait faire bosser ses joueurs, ils avaient intérêt d’être en forme, ils avaient un match très important à préparer. Il avait passé presque deux heures à mettre tout ça en place, jusqu’à ce que Garden se réveille à son tour. Elle était venue lui dire bonjour, lui déposant un baiser tendre dans la nuque avant d’aller se préparer pour le travail. Un matin comme les autres… Paris avait ensuite passé la journée dans les livres. Il avait feuilleté de nombreux ouvrages de Quidditch, installé sur le divan du salon, les deux félins endormis et collés à lui. Encore un moyen de trouver de nouvelles stratégies à mettre en place. Persévérer toujours plus, c’était important pour lui.

Il s’était ensuite rendu à l’entraînement après avoir disposé un magnifique bouquet de roses rouges dans un vase de la salle à manger, accompagné d’un petit mot à l’attention de Garden. « Ne m’attends pas pour dîner, je rentrerai tard. Paris. » Oui, il essayait de faire des efforts. Et il faisait tout son possible pour éviter les disputes avec Garden. Bon, d’accord, c’était un peu facile de lui offrir des fleurs… Mais au moins il prenait à présent le temps de la prévenir… Douce intention de sa part non ?

L’entraînement avait été rude, pénible. Paris n’était pas satisfait… Et dans ces cas-là, ça pouvait durer des heures… Jusqu’à ce que tout soit parfait. Les Faucons allaient jouer un match très impressionnant dans les jours à venir, et ça se voyait sur le visage du capitaine. Il était tendu, assez ferme dans ses propos, il n’avait pas le temps de jouer. Il voulait du sérieux. D’autant plus avec une nouvelle recrue sur le banc des titulaires. Il y avait énormément d’ajustement à faire, et forcément ça prenait du temps. Pas question de rire, cette fois ! Et ça, Paris l’avait bien fait comprendre… Enfin, au moins durant l’entraînement.

Ce ne fut qu’une fois suffisamment satisfait, qu’il autorisa à ses joueurs de regagner les vestiaires. Après un nouveau discours d’encouragement, il termina en leur indiquant qu’il les invitait à aller boire un verre. Histoire de souffler un peu… Et de penser à autre chose. Mais, ça ne s’était pas franchement passé comme Paris l’aurait voulu. Accueillir un nouveau dans l’équipe, c’était toujours délicat… Il y avait toujours des histoires de rivalités, de conflits… Et ça, il ne l’avait pas loupé. Il voyait bien que le p’tit nouveau et Greg, l’autre batteur, semblaient se chercher un peu… Et Paris le connaissait bien le Goyle. Alors il avait tout de suite fait comprendre à Greg’ qu’il ne voulait pas d’histoire. Puis il avait longuement parlé avec McOrin. S’assurer de la bonne intégration des nouveaux… C’était son job aussi… Et là, il avait comme la désagréable sensation que ça ne serait pas simple… ‘Fin bref, ils avaient passé la soirée à discuter…

Du coup, l’ancien Serpentard n’avait pas vraiment porté attention à ce qu’il se passait autour de lui, pris sans sa conversation. Ainsi il n’avait pas vraiment vu ce qui se tramait entre Bonnie et Greg’. Sa meilleure amie de toujours avait passé sa soirée en compagnie de l’autre batteur, ça, il avait pu le remarquer… Mais il ne s’y était pas intéressé outre mesure. Par contre, lorsqu’elle elle était revenue voir brusquement Paris pour lui demander de la raccompagner, là, il s’était posé quelques questions… Ce n’était pas tellement son genre... Il n’avait pas bronché cependant, quittant le Chaudron Baveur après avoir salué ses joueurs, accroché au bras de Bonnie.

Ils prirent alors le chemin de la Bran Tower. Hors de question de laisser la jeune femme rentrer seule. D’autant plus qu’elle semblait avoir légèrement abusé sur l’alcool. Il était resté silencieux un bon moment mais il avait fini par demander à la jeune femme, d’un air innocent « Hé bien alors ? Pourquoi vouloir partir aussi vite ? Il te plaisait pas Greg’ ? » Un léger sourire prit possession de ses lèvres.  

« Je dois rentrer Paris. Tu peux me raccompagner s'il te plaît ? » La question n'en était pas une. Son ton pressant était explicite : elle voulait partir, et elle voulait que son ami vienne avec elle. Elle ne lui laissait pas vraiment le choix. Bonnie était passablement agacée, en colère contre elle-même d'avoir commis une boulette, en colère contre son père, en colère contre Draco qui avait eu la mauvaise idée d'exister. Elle était bien, avec Gregory, quelques minutes plus tôt. Ils avaient passé un petit moment à discuter ensemble autour d'un verre pendant la soirée d'après match des Faucons de Falmouth, et ils s'étaient gentiment rapprochés pour finalement finir dans les bras l'un de l'autre. Le jeune homme lui plaisait beaucoup et elle avait eu envie d'aller plus loin. Seulement voilà, l'alcool ne lui avait pas rendu service. Elle avait commis l'erreur de le laisser prendre la parole à sa place et d'avouer à Gregory qu'elle allait être fiancée à Draco. Double bévue. Déjà, parce que le batteur avait des principes, ensuite, parce que Draco était son ami. Évidemment, la nouvelle l'avait stoppé net dans son élan, et la pauvre Bonnie s'était retrouvée le bec dans l'eau, frustrée et honteuse. Humiliée, furieuse, elle n'avait pas mis longtemps avant de rejoindre Paris pour lui demander de quitter les lieux sur-le-champ.

Ils auraient pu transplaner pour rentrer directement. Mais elle avait pas mal bu et l'alcool n'était guère recommandé pour un transplanage, et surtout, elle avait besoin de prendre l'air et de marcher un peu pour se remettre de ses émotions. Elle s'accrocha au bras de Paris et ils sortirent donc emprunter le trajet qui menait à la Bran Tower. Il n'était pas bien long, puisque la tour se trouvait dans l'Allée des Embrumes. Au départ, ils ne parlèrent pas. La jeune femme ruminait sa malchance et n'avait pas spécialement envie de lancer un sujet de conversation, quel qu'il fût, d'autant qu'elle se doutait bien que la question viendrait sur Gregory. Paris, si occupé avait-il été, n'était pas aveugle et avait bien vu qu'elle avait passé la soirée attablée avec son coéquipier, puis qu'ils s'étaient éclipsés ensemble. Et en effet, cela ne rata pas. Le jeune homme posa la question qui fâchait. Pas forcément dans le bon sens, mais l'idée était là. Bonnie faillit l'envoyer froidement balader, mais Paris était son ami depuis toujours, et même si elle savait qu'il comprendrait, elle n'avait pas le droit de lui infliger ça alors qu'elle l'avait poussé à abandonner sa soirée pour la raccompagner. « Si, justement », répondit-elle d'un ton tout de même quelque peu grincheux. « Il me plaisait beaucoup. » Elle s'arrêta là, ce qui sous-entendait logiquement que c'était elle qui avait été éconduite.

Elle n'osait pas continuer, parce qu'elle n'avait encore rien dit à Paris au sujet de ses futures fiançailles. Pour le moment, rien n'était officiel et seule sa famille et celle de Draco était au courant. Par ailleurs, elle savait que le blond et lui ne s'entendaient absolument pas, et avait un peu peur de sa réaction, même si elle n'était pas responsable de tout cela. Elle se tut donc, imposant un silence pesant, sachant qu'il n'allait pas renchérir s'il la voyait aussi renfrognée. Puis, finalement, elle leva les yeux sur lui. « Je vais te raconter ce qui s'est passé, mais je préfère le faire quand on sera chez moi, parce que c'est assez important… Tu pourras rester un peu ? Garden ne dira rien ? » En réalité, elle se fichait pas mal de ce que pensait Garden. Si elle pouvait lui arracher Paris aussi longtemps que c'était possible, elle le ferait, bien évidemment. Elle ne le méritait pas. Son regard implorant n'offrait pas plus de choix au jeune homme que le ton péremptoire qu'elle avait employé plus tôt.

Ils arrivèrent finalement à son appartement et elle le fit entrer. « Installe-toi », dit-elle en désignant le canapé. « Je te propose pas à boire, je crois qu'on a assez bu, enfin surtout moi. » Elle ponctua sa phrase d'un petit rire puis vint s'asseoir aux côtés de Paris, posant sa tête sur son épaule. La colère lui avait remis les idées en place pendant quelques temps, mais à présent qu'elle se détendait un peu, les effets de l'alcool revenaient en force. « J'ai merdé », commença-t-elle. « Il me plaisait, et je lui plaisais aussi. Ça se passait bien, tu vois ? Et il a fallu que je parle de mes fiançailles, je sais même pas pourquoi. L'alcool. » Jusque là, Paris allait certainement penser qu'elle parlait de Curtis, mais il n'en était rien. Il ne savait pas encore. Elle se redressa pour plonger son regard dans celui de son ami. « Il faut que je t'annonce quelque chose Paris... » se lança-t-elle d'un ton embarrassé. « Je ne suis plus fiancée avec Curtis. Depuis que mon frère est mort mon père a décidé qu'il valait mieux que j'épouse un sang-pur. Du coup, il m'a trouvé lui-même mon futur fiancé… Mais ça ne va pas te plaire. Pas plus que ça ne me plaît à moi, en réalité. » Elle s'arrêta un temps puis baissa la voix. « C'est Draco Malfoy. »