HESRA ; 23 mars 2003 → ❝ whispers in the dark ❞
When something impossible happens, there are only two possibilities. Either your assumptions are wrong, either you've gone mad.

Ca rit, ça la frôle, ça se moque, ça la pousse. Et elle tombe, tombe, tombe. Sans fin, toujours plus bas, dévale les escaliers, roule et déboule en bas des marches. Dans le caveau, dans le tombeau, dans la galerie des horreurs. Et elle se tourne et soudain, plus d'escalier, plus d'échappatoire. Rien que le couloir. Rien que le noir. Et ce cri immonde qui lui glace les veines. Alors elle se lève et cherche la voix. Ignore les horreurs, le sang et les cadavres. Mieux vaut la mort que l'angoissante voix qui chante une comptine d'enfant. Un deux trois, nous irons au bois. Quatre cinq six, décapiter Flora. Sept huit neuf... Soudain, des mains l'empoignent et la retournent. Des lèvres pleines et chaudes lui sourient, l'embrassent sur chaque joue. Flora est là. Les mains agrippent les bras, les doigts s’enfoncent dans la chair tendre. Il y a cette urgence à la garder, à la retenir qui affole son cœur. Le regard absinthe de la femme brille d'une lueur amoureuse. Je t'aime. Adieu. Et soudain, Hestia se sent tomber en arrière dans un liquide poisseux au goût de sang.

« Flora ! »

Et brusquement, le corps s'arque et se redresse dans le lit, la peau luisante de sueur et la lèvre tremblante de peur. Le geste violent ébranle le chevet, renverse la lampe. Clang, résonne l’argent contre le bois précieux et nu de tout tapis. Et crac le parquet sous l'informulé craché avant que les chandeliers enchantés n’aient le temps d’inonder la pièce de lumière. Le souffle toujours désordonné, Hestia observe le trou dans le plancher sans comprendre vraiment qu'elle en est la cause. Au milieu des planches brisées, dans le silence où bruisse encore son hurlement d'horreur, gît la lampe ou ce qu'il en reste. Tout va bien. Lentement, prudemment, le regard remonte, scrute la chambre, le décor familier. Et le blanc aseptisé de la peinture; le gris argent de l'encadrement des fenêtres. La décoration impersonnelle et l'anthracite neutre ont quelque chose de réconfortant, d'apaisant dans leur froideur. Ils racontent la souveraine logique, les calculs statistiques et leurs prévisions.

Tout va bien.
Dans un tremblement, Hestia s'extirpe hors du lit, le plaid serré autour de sa silhouette fluette et les doigts toujours étroitement enroulés autour de sa baguette, alors qu'elle rejoint la salle de bains. L'eau est glacée dans la coupe de ses mains serrées, un peu trop blanches d'avoir serré les draps et la baguette. Sous ses pieds, le carrelage aussi est froid et l'air frais mord sa peau, ramenant doucement le métronome cardiaque vers des valeurs plus lentes.

Mais peut-être ...
Peut-être qu'elle devrait juste vérifier - juste pour être sûre.
Et dans un tremblement, la porte de la chambre grince doucement, signe la défaite de la logique sur l'émotif. Le salon qu'elle traverse dans les premières lueurs du jour, le couloir qu'elle avale dans le noir par peur d'éveiller Flora. Les pas de la petite brune sont légers, silencieux sur le paquet, et Hestia se glisse devant la chambre de sa sœur.

Juste un coup d'oeil. Pour vérifier que Flora est là.

Et les doigts s'enroulent autour de la poignée. Une hésitation, une vaine tentative de se raisonner (tu l'as vue aller se coucher, voyons, Hestia), et la porte est poussé. Un peu d'abord, puis complètement quand elle échoue à trouver la silhouette endormie de sa jumelle dans les draps. « Flora ? » Appel prudent. Les doigts se serrent sur le bois magique qui chauffe. « Tu es là ? » Est-ce que quelqu'un t'a encore volée à moi ? L'idée, déjà, lui serre la gorge, fait monter un serpent de bile dans la gorge. Elle va tuer Ollivander, lui et tous ceux qui veulent lui prendre sa Flora.

Flora & Hestia ▬ ❝ whispers in the dark ❞When something impossible happens, there are only two possibilities. Either your assumptions are wrong, or you've gone mad.

Il n’en faut pas beaucoup pour mettre fin au sommeil léger de Flora, les paupières immobiles sur un sommeil dépourvu — pour une fois — de rêve. Le sifflement discret de son alarme n’a pas à se faire entendre deux fois que sa main s’écrase dessus et la fait taire. Elle geint faiblement et se retourne dans ses draps. Elle tourne le dos à la porte et fixe le mur, compte les éraflures laissées çà-et-là par ses ongles au cours de divers cauchemars certains d’entre eux bien trop vrais pour pouvoir être qualifiés de tels. Une main passe sur son visage endormi et elle jette un œil à l’horloge au mur, aux nombres peints à l’encre juste assez phosphorescente pour qu’elle puisse les déchiffrer. 5h30. Elle ne s’extirpe jamais avant 7h de son lit pour aller travailler. C’est déjà tôt pour elle. Elle en regretterait presque les mois d’indécision et de tâtonnement qui ont précédé l’offre d’emploi de Lucius. L’oisiveté aurait certainement fait d’elle une meilleure adhérente. Mais c’est pour la bonne cause qu’elle doit s’arracher aux bras de Morphée et n’y rechigne pas. Aujourd’hui Flora retrouve Alecto. Aujourd’hui, elle se rapproche de son but. Elle esquisse un sourire, quand ses pieds nus rencontre les lattes froides du parquet provoquant un frisson qui lui parcourt le corps et achève de la réveiller. Elle trouve le courage de se rendre jusqu’à sa salle de bain avançant dans le noir pour ne pas choquer sa rétine. La douche est rapide, silencieuse, elle s'habille tout aussi promptement, dans le noir toujours, sa robe ayant été soigneusement laissée sur une chaise la veille au soir.

La chute de la lampe à l’autre bout de l’appartement la fait sursauter. Hestia. Elle s’approche de la porte de sa chambre, tend l’oreille. Rien. Ce doit être le fruit d’un cauchemar. L’esprit est encore trop embrumé, ses sens trop peu à l’affut pour qu’elle entende le grincement de la porte de la chambre de sa sœur, ou l’ombre qui se déplace sur le parquet. Il fait nuit noire dans sa chambre alors qu’elle récupère sa baguette et s'assoit pour enfiler ses chaussures. La porte ne grince pas quand une silhouette identique à la sienne la pousse prudemment. « Flora ? » Elle sursaute, sa respiration s’accélérant légèrement. Elle s’immobilise. « Tu es là ? » L’anxiété est palpable et elle hésite et s’en veut d’hésiter à soulager Hestia, à la rassurer. Elle se lève pour mieux faire face à la pénombre dans laquelle elle discerne, ses yeux y étant désormais accoutumés, les courbes de son double.

« Je suis là » répond-elle la voix fatiguée, à moitié endormie encore, traînant ses pieds encore nus sur le parquet pour rejoindre sa jumelle. Elle protège ses iris d’une main, les paupières mi-closes et agite une main vers les chandeliers enchantés qui prennent vie sur son passage. Flora est là, bien sûr qu’elle est là, pourquoi aurait-elle disparu au milieu de la nuit ? Pourquoi serait-elle partie sans prévenir Hestia ? Un an plus tôt, cette dernière n’y aurait sûrement pas songé. Un an plus tôt, elle-même n’aurait pas su trouver de réponse logique à ces questions. Un an plus tôt elle n’aurait été sur le point de faire exactement cela ; de fuir au petit matin pour faire quelque chose qu’elle ne peut raconter à Hestia. C’est une aberration qu’elle ne puisse le lui raconter, qu’elle lui cache des choses. Une folie plus grande encore que celle dont une petite voix dans son esprit accuse Hestia qui ne suit pas les idéaux divins. Elle s’appuie contre l’épaule de son alter-ego et repose son front contre sa peau fraiche. Elle oublie presque qu'elle est tout habillée elle et que sa sœur risque de se poser des questions ou pire de lui en poser. Elle rêve de son lit et de ses couvertures épaisses, elle rêve d’Alecto et d’une marque sur son avant-bras, mais Hestia est là et elle a besoin d’elle, elle le sent plus qu’elle ne le sait quoique les indices soient flagrants. Et Hestia passe encore avant tout ça. « Je suis là. » L’œil enfin accoutumé à la lumière scrute la jumelle avec inquiétude et comme toujours, ou plutôt comme avant, devine: « Rêve ? » Sans attendre de réponse elle traverse la chambre pour se remettre au lit, sous la couette malgré ses vêtements et laisse de la place à Hestia pour venir se poser près d’elle. Comme avant. Elle ignore bien sûr que cette fois-ci le rêve la concerne elle.

HESRA ; 23 mars 2003 → ❝ whispers in the dark ❞
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« Tu es là ? » Il y a comme une ombre, près du lit de sa soeur. Et pourtant, Hestia ne reconnait pas Flora. Les contours sont les mêmes, pourtant. Mais la sensation est différente, dérangeante ; et l'instant semble s'étirer à l'infini jusqu'à ce que l'inconnue réponde, de la même voix qu'Hestia : « Je suis là » La Carrow hoche la tête et pourtant, tout son coeur crie que cette fille n'est pas Flora. Si ça avait été Flora, elle serait venue tout de suite, n'est-ce pas ? Tout son corps se tend, les muscles se bandent quand celle qui n'est pas Flora contourne le lit et s'approche. Ca ne dure qu'un instant pourtant, parce qu'au suivant, la fille agite la main, la lumière crachée par les chandeliers bouffe toute l'obscurité et c'est bien son reflet qu'elle voit ; c'est bien leur visage, leur corps, leur gestuelle que voit Hestia entre les paupières qui papillonnent, violentées. Il y a quand même le petit détail qui cloche, et elle n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Pas vraiment.

« Je suis là » Les bras se lèvent, s'enroulent autour de la silhouette de Flora ; la ramènent tendrement contre son coeur qui s'apaise. (Et si le coeur s'apaise, c'est bien que c'est Flora, n'est-ce pas ?) Il n'y a qu'avec sa jumelle qu'Hestia a des gestes doux, que pour elle qu'il tant d'amour au creux de l'étreinte. La jumelle a le coeur aimant mais distant. Les tendresses sont des écueils d'illogisme, l'expression sauvage de sentiments qui doivent être mesurés, tempérés pour ne pas peser trop lourd sur la logique souveraine. Il n'y a qu'avec Flora qu'elle dérape avec passion sur les déraisons. « Rêve ? » demande Flora, et l'autre acquiesce, avoue dans un murmure quand sa soeur s'éloigne vers le lit, l'accueille sous la couette : « Mais c'est fini maintenant. » Parce que tu es là. L'absence des autres serait douloureuse, peut-être même qu'elle en pleurerait un peu. Mais la présence de Flora est la seule qui soit essentielle.

Les jambes sont courtes, les enjambées ne le sont pas quand il s'agit de rejoindre Flora - et le geste est aussi familier que de se glisser dans son propre lit. Il y a toute une enfance à se cacher de leur mère, toute une adolescence à chasser les cauchemars dans les jambes qu'elle glisse contre celles de sa soeur. Et soudain, elle met la main dessus, littéralement, quand son bras s'enroule autour de celui de Flora. Dans le regard mordoré, il y a comme un éclat froid qui brille et trahit les rouages en branle. « Tu es habillée. » Un fait énoncé - presque une accusation. Sous ses doigts, ce n'est pas le tissu onéreux d'une robe de travail. C'est un vêtement plus simple. « Il est trop tôt pour aller travailler. » Un autre fait. Et l'interrogation se dessine, presque accusatrice. Un peu douloureuse. « Où est-ce que tu allais ? » Tu ne m'as rien dit. Hestia se redresse, la couette tombe contre sa hanche alors qu'elle fixe Flora, le regard blessé. Elles se disaient tout avant, n'est-ce pas ? Qu'est-ce qui a changé ? Pourquoi est-ce que Flora ne peut plus lui faire confiance et pourquoi est-ce qu'Hestia se méfie ? « Tu vas encore voir Ollivander ? Est-ce que je dérange ? » Il y a comme de la jalousie au creux du ventre.

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Hestia la rejoint rapidement dans son lit et un court instant, elles sont deux gamines après le cauchemar de l’une. Elles sont les gosses effrayées par les pas qui approchent dans le couloir, par les paroles susurrées par la génitrice alors qu’elle attente à leur vie. C’est l’étreinte rassurante de son double parfait et l'espace d'un moment Flora est juste bien. Peut-être qu’elle aussi en a besoin de ce câlin, de cette présence à ses côtés, cette présence qui se fait moindre ces temps-ci, par sa propre faute. Elle aussi a besoin d’être rassurée sans même en avoir conscience. Elle sourit et puis le moment est brisé. « Tu es habillée. » Il ne sert à rien de nier, Flora est habillée comme elle ne devrait pas l’être à une heure pareille.  « Il est trop tôt pour aller travailler. » De nouveau Hestia énonce l’évidence. Flora sent l’accusation venir, parce qu’il n’est pas normal de la trouver hors de son lit, toute vêtue prête à sortir sans prévenir sa sœur. D’aucuns pourraient penser qu’elle n’a pas besoin de prévenir sa jumelle, elles n’ont pas le même travail, elles ont chacune leur vie désormais. Ce serait mal les connaître et mal comprendre le lien qui les unit. « Où est-ce que tu allais ? » Flora n’est pas une bonne menteuse. Et elle se sait incapable de mentir à Hestia, son miroir, son double. Hestia sera sans aucun doute capable de déceler la fausseté dans son regard, l’hésitation dans sa voix, le tremblement imperceptible de sa lèvre inférieure. Pourtant Flora a menti. Par omission, elle n’a cessé de tromper sa sœur, de lui cacher ses escapades, sa formation auprès de leur tante Alecto, les raisons de son amitié avec Crystal, de sa liaison prétendue avec Ollivander. Et même, elle n’a jamais pris la peine de nier la rumeur devant Hestia, personne qui parmi toutes mérite de savoir la vérité, de ne pas se laisser aveugler par les on-dits. Elle l’a laissée y croire pourtant, l’a laissée se poser des questions, s’imaginer peut-être qu’elle ressent pour Lorcàn ce qu’elle même ressent pour Gregory Goyle. Et n’est-ce pas aussi mal que de mentir pleinement ? Si elle est capable de l’un n’est-elle pas capable de l’autre ?

Elle ne peut pas dire à Hestia où elle va. Ou plutôt, elle le peut, si elle veut se disputer avec sa jumelle, si elle veut la voir essayer de contrecarrer ses plans. Elle ne peut pas la laisser faire, mais surtout elle ne peut pas la laisser avouer son désaccord avec ses idéaux nouveaux. C’est comme si une partie d’elle se battait encore pour ne pas tout abandonner, pour ne pas tout trahir, parce que nul doute que si Hestia énonce quoique ce soit qui ressemble à un désaveu du Magister, Flora n’aura d’autre choix que de la dénoncer. Elle ne le réalise pas vraiment et si elle le faisait elle ne verrait pas ce qu’il peut y avoir de mal à ça, à trahir sa propre sœur. Il n’y a que ce léger instinct en elle qui l’empêche de parler de tout ça à Hestia, d’essayer de la persuader de la rejoindre. Et Flora ne s’en rend même pas compte. Elle pense simplement préserver Hestia en ne lui révélant pas ses aventures secrètes, elle ne croit faire que lui éviter quelques inquiétudes inutiles.

« Tu vas encore voir Ollivander ? Est-ce que je dérange ? » Non. Elle sent la jalousie de sa sœur et le ton tranchant provoque un mouvement de recul. Non, ce n’est pas Ollivander qu’elle va voir. Mais elle a envie de dire oui. Parce que ça serait plus simple n’est-ce pas ? De dire oui, de tout balayer d’un revers d’une main. Je vais voir Lorcàn avant son travail. Je suis habillée simplement parce que je ne compte pas garder ma robe bien longtemps. Elle pourrait le dire. À n’importe qui d’autre elle le dirait sans hésiter et il y’en a tant qui n’y verraient que du feu. Ça ne serait pas si improbable, Flora est humaine et l’on croit déjà à ce couple. Mais Hestia n’est pas si facilement dupée. La jalousie peut l’aveugler, mais Flora ne la bernera pas avec une explication aussi simple, aussi ordinaire. Ce qui fait reculer Flora, qui la prend de court néanmoins c’est la seconde question de sa moitié. Et surtout, la réponse qu’elle devrait lui donner. Hestia dérange en effet. Elle veut lui dire que non, elle ne dérangera jamais, Hestia ne peut pas déranger quand elle est faite pour être toujours à ses côtés. Seulement elle n’est plus à son flanc pour tout un pan de sa vie qui tend à s’agrandir. Hestia n’est pas adhérente. Hestia ne peut pas comprendre. Alors ce matin-là Hestia dérange et ça crève le cœur de Flora de le réaliser. « Oui. » elle-même ignore à laquelle des interrogations elle répond. « Ce soir je vais voir Lorcàn. » Elle évite le mensonge tant qu’elle le peut. « Et si notre proximité te dérange… » la fin de sa phrase se perd dans un soupir. Elle ne compte pas abandonner ses rendez-vous avec Lorcàn. Il est le seul qui la comprenne absolument, à croire qu’ils ont vécu la même chose, sans pouvoir mettre le doigt dessus exactement. Il est le seul devant lequel elle peut être parfaitement sincère. En un sens il a pris une des places occupées par Hestia, l’un de ses rôles de jumelle et elle peut, ou tout du moins devrait, comprendre la jalousie de celle-ci. Flora est dans une impasse et si la question centrale de Hestia a été éludée, elle sait qu’elle ne peut y échapper indéfiniment. « Mais là, je vais voir Alecto. » Là, elle l’a dit. Elle ne veut pas mentir à Hestia alors que ça n’est pas nécessaire. Elle n’a pas besoin de savoir les détails de cette rencontre, pas besoin de savoir que c’est pour la préparer à sa première véritable mission que sa tante la demande. Pas besoin de savoir qu’elle chérit déjà la peau de son avant-bras qui recevra la marque tant désirée. « Elle a quelque chose à me montrer. » Elle ne ment pas exactement. Alecto a beaucoup de choses à lui montrer, à lui apprendre, à lui faire faire. Et sa nièce fidèle à elle-même est une bonne élève, toujours.

HESRA ; 23 mars 2003 → ❝ whispers in the dark ❞
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« Tu vas encore voir Ollivander ? Est-ce que je dérange ? » C'est sans doute la première fois qu'elle ose poser la question. C'est stupide, c'est parfaitement stupide, cette peur irrationnelle qu'elle a sur ce que pourrait être la réponse de Flora. Ce matin, la question a jailli sans son consentement, comme un défi puéril jeté à la face du monde. Hestia ne peut pas déranger Flora. C'est dans l'ordre des choses, n'est-ce pas ? Mais Flora recule, s'éloigne - soudain, Hestia tremble de froid. Ou est-ce que c'est de peur qu'elle frissonne comme lorsque sa silhouette de leur mère se penchait au-dessus de Flora, menaçant de lui retirer à jamais son essentielle moitié ? « Oui. » Hestia peut jurer qu'à cet instant, le battement lent de son cœur vient de s'arrêter alors que c'est son corps tout entier qui se crispe dans un spasme. Sous les couvertures, sa main tatonne à la recherche de celle de Flora sans la trouver. Les mots suivants de sa jumelle (« Ce soir je vais voir Lorcàn ») libèrent le souffle, mais ça n'apaise pas totalement la crainte au creux du ventre, ça ne soulage pas tellement la douleur dans la poitrine, là où bat de nouveau le coeur. Est-ce que Flora n'aurait pas, plutôt, dû répondre qu'Hestia ne la dérangera jamais ? C'est ce qu'Hestia aurait répondu à Flora, elle. On ne peut pas être dérangé par soi-même, n'est-ce pas ? Si Flora laisse entendre que c'est possible ; alors c'est que Flora n'est déjà plus Hestia, et vice-versa.

« Et si notre proximité te dérange… » Le silence d'Hestia est probablement plus éloquent que tous les aveux. Bien sûr que ça la dérange. Ce n'est pas tant que Flora soit amoureuse qui pose un problème. Hestia a bien un penchant de Gregory depuis une éternité, et ça ne dérange aucune d'elle. Par Merlin, elle serait même heureuse pour sa sœur. Seulement quand Hestia est amoureuse de Goyle, ça ne change rien à ce qu'elles sont : Hestia est toujours Flora, elle favorise toujours Flora, partage tout avec Flora. Sa jumelle n'ignore rien de ce qui se passe (ou, plutôt, de ce qui ne se passe pas) avec Gregory. En revanche, Flora, en se rapprochant d'Ollivander, s'éloigne d'elle. Sous ses airs de garçon bien sous tout rapport, il est en train de commettre le pire des crimes en transformant sa sœur en quelque chose qu'Hestia n'aime pas parce que ce n'est pas elles, parce que Flora lui lâche la main, lui cache des choses. De ça, la Carrow en est intimement persuadée : Ollivander est coupable de quelque chose. Lui, et d'autres sans doute - mais lui surtout. « Mais là, je vais voir Alecto. » Et leur tante également, cette satanée folle incontrôlable que seul Grand-Père sait maîtriser. (Et Hestia jure qu'elle tuera Alecto si celle-ci tire trop fort sur la corde car famille ou pas famille, ça a toujours été elles avant le reste du monde et Hestia n'est pas prête à se laisser tuer si aisément, pas même par loyauté familiale) : « Elle a quelque chose à me montrer. » La main a cessé de chercher Flora, mais cette fois, elle se rétracte complètement, les doigts s'enroulent en poing contre la poitrine. L'email mord la lèvre. « Tu passes beaucoup de temps avec Alecto. » Tu passes trop de temps avec Alecto est le jugement qui s'entrelace à ses mots. Depuis toujours, la petite brune s'entend mieux avec les gens qui ne laissent pas les passions déborder et tout emporter dans leur sillage et c'est naturellement qu'Hestia n'a jamais trop aimé leur tante, trop passionnée et surtout pas assez en contrôle à son goût. Et si, comme Flora, Hestia aussi a profité, à Poudlard, des enseignements particuliers d'Amycus et d'Alecto, ce n'était que du business, des affaires. Ils ont leur utilité, a-t-elle dit à Flora autrefois. Aujourd'hui, elle sent comme un plaisir à la rencontre dans la voix de Flora, comme une anticipation qui n'a rien à faire là. Sa tante n'est pas dans le même camp qu'elle (et, elle l'espère, que Flora). Ils ont prêté des serments à d'autres qu'aux Carrow. Mais ils ne sont pas mes alliés, a-t-elle répondu sans hésitation quand Flora lui avait demandé cette autre fois. « Qu'a-t-elle de si passionnant ? » Dans la froideur d'une voix maîtrisée, il est impossible pour Flora de manquer la contrariété d'Hestia. Flora connait tout de l'autre part d'elles de la plus petite inflexion au plus anodin regard. Elle ne peut pas manquer ça. Hestia ne veut pas qu'elles soient devenues tellement étrangères que Flora le manque. « Je pourrais venir avec toi, propose Hestia sans vraiment proposer et elle ose, même en se sentant intruse, et non désirée : Tu me montreras après, de toute façon. Autant que je sois là, n'est-ce pas ? »

Tu ne me caches rien, n'est-ce pas ?

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Flora devrait reconnaître la texture différente de l'air autour d'elles, la sensation soudaine de gel de l'espace entre sa jumelle et elle. Elle devrait pouvoir ressentir le froid que jette soudain le prénom de leur tante. Mais elle ne le remarque pas, elle refuse de le remarquer, elle refuse de considérer qu'Hestia puisse être dérangée par Alecto et plus spécifiquement par son allégeance sans limite au Magister. C'est la seule voie possible. Et Hestia ne peut pas s'y opposer. Non, non, elle refuse. Alors elle fait mine de rien, elle qui n'a jamais su mentir à son double et qui semble désormais d'omission en omission lui cacher un pan de plus en plus important de sa vie. « Tu passes beaucoup de temps avec Alecto. » C'est un constat. Comme le fait qu'elle soit habillée, comme le fait qu'il soit trop tôt pour qu'elle se prépare à aller travailler. Flora passe beaucoup de temps avec Alecto, trop de temps. Un temps qu'elle pourrait passer ici, chez elle, avec sa moitié. Et elle en a terriblement envie bien sûr, elle aimerait reprendre Hestia dans ses bras et l'y garder tout la matinée. Sa véritable place est là, elle le sait. Mais inextricablement elle est attirée par Alecto, par le besoin d'être marquée, par le besoin de servir, un besoin qui la dépasse. Hestia est importante pour elle. Mais le Magister, l'assujettissement des derniers rebelles c'est important pour le monde. Flora est contente, non, ravie de passer du temps avec sa tante, elle ne comprend pas que son rapprochement se soit fait si tard, elle ne comprend pas le mépris qu'elle se souvient de façon si lointaine avoir un jour ressenti pour elle. Alecto et Amycus étaient les membres malades de la famille, à brosser dans le sens du poil, mais à tenir à bout de bras, toujours. Aujourd'hui elle réalise le ridicule de cette position et elle ose espérer que sa sœur, malgré sa jalousie toute naturelle en est capable aussi. « Qu'a-t-elle de si passionnant ? »


Tout. Ses talents son innombrables, sa dévotion admirable, ses récits de missions sont passionnants et qu'elle accepte de lui transmettre son savoir, à elle, est un privilège. Néanmoins Flora n'ose pas répondre trop vite, elle sait que c'est une question piège, elle le comprend au ton d'Hestia qui préfèrerait visiblement qu'elle lui répondre "rien". « C'est une sorcière talentueuse. » répond-elle en choisissant ses mots avec soin pour ne pas exciter sa sœur, pour ne pas la pousser à dire des choses qu'elle ne veut pas, ne peut pas entendre. « Je pourrais venir avec toi. » Le sang de Flora se glace, non Hestia ne peut pas venir. Et elle n'arrive pas à se l'expliquer, elle veut être contente de l'opportunité de partager son expérience avec sa sœur - certainement, c'est si épanouissant pour elle qu'être réunie avec Hestia pour ce faire ne devrait qu'être idéal -, mais il y a une résistance au fond d'elle. Hestia ne peut pas venir, elle ne peut pas voir, parce qu'elle ne sera pas d'accord avec ce qu'elle verra parce que. Flora a mal à la tête, faire le tri dans ses pensées n'a jamais été aussi difficile. « Tu me montreras après, de toute façon. Autant que je sois là, n'est-ce pas ? » Non. Pour la même raison, cette raison sur laquelle elle refuse obstinément de mettre le doigt, elle ne lui montrera rien, ne lui dira rien, préfère se détruire elle-même en sevrant une des connexions les plus importantes qu'elle a avec son double. Néanmoins Flora ne peut pas le lui dire tout ça, elle ne peut pas lui dire qu'elle lui cache quelque chose, même si elle sent, elle sait, qu'Hestia en est déjà consciente. Elle ne veut en aucun cas blesser sa moitié, même si elle se doute que c'est déjà fait.


« Tu travailles. » fait-elle platement, logiquement. C'est tout. Tu travailles, tu ne peux donc pas venir. Les horaires d'Hestia ne sont pas flexibles, la vie, la mort devrait-elle dire, n'attend pas. Et elle qui a toujours exécré tout ce qui empêchait sa jumelle de passer le plus clair de son temps avec elle, y compris son travail, n'a jamais été aussi heureuse de cet emploi du temps si chargé. « Une autre fois. » propose-t-elle sans conviction aucune. Quand bien même Hestia rejoignait véritablement leurs séances d'entraînement, elle ne pourrait pas débarquer comme ça, cela fait des semaines, des mois même, que Flora apprend d'Alecto, Hestia a raté trop de leçons. Et c'est tant mieux. Elle secoue la tête. Elle n'a pas le droit de penser comme ça. « Elle demande après toi, parfois. » Tout le temps ou presque. Alecto ne comprend pas forcément de n'avoir su attirer qu'une jumelle sur deux. Elles sont si identiques pourtant. Et Hestia est bien d'accord avec leurs idées, Hestia est loyale, Hestia pourrait bien les rejoindre.

HESRA ; 23 mars 2003 → ❝ whispers in the dark ❞
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« C'est une sorcière talentueuse. » Le talent, ça ne fait pas tout. Les talents de l'un ou de l'autre, ça n'est pas censé se mettre entre Flora et Hestia - rien, ni personne n'est censé avoir ce pouvoir, cette force en dehors de la mort. Et Alecto n'est même pas si talentueuse que ça - elle est juste folle et dangereuse comme une créature qui aurait la rage, la pensée d'Hestia est mesquine, principalement fondée sur la jalousie, non pas des talents magiques indéniables de sa tante, mais de cette capacité, apparemment nouvelle, de tellement captiver Flora que sa jumelle s'échappe de l'appartement aux aurores sans même la prévenir. C'est la jalousie aussi, et la contrariété d'être écartée, qui la pousse à s'inviter dans leur petite entrevue, à imposer sa présence qui, forcément, dérangera Alecto et ses sales petits stratagèmes pour l'amputer de Flora, de son évidence. « Tu travailles. » Un bruit de gorge témoigne du mécontentement de se voir opposer un contretemps tellement futile - si ce n'est que ça, Hestia est volontiers prête à démissionner. Un moment, elle veut même lui demander ce qui prend à Flora, si elle réfléchit encore correctement ; car qu'est-ce qu'un emploi face à l'urgence de retrouver Flora ? Face à l'importance de cette amputation que le monde semble comploter contre elles ? « Une autre fois. » La proposition sans enthousiasme de Flora, la fausse promesse fauche les protestations d'Hestia - les mots de sa jumelle, ceux qu'elle ne dit pas autant que ceux qu'elle ose tisser en mensonge, ce n'est pas juste une claque inattendue : c'est comme si on venait de la plonger dans un bain glacé, comme ces mauvaises blagues qui cherchaient à la transformer en souffre-douleur à Poudlard. A dire vrai, ça ne présage jamais rien de bon quand Hestia se sent gelée comme ça, quand l'intelligence outragée se met en branle, assemble déjà les premiers rouages d'une cabale contre ceux qui cherchent à piétiner son existence. (Et elle va les tuer ceux qui tentent de l'étouffer en lui volant Flora, en lui retirant son air) « Elle demande après toi, parfois. » Un rire, cette fois, et il résonne froidement, ses notes s'écrasent dans la pénombre de la chambre où elle se sent étrangère. « Tu n'as qu'à lui dire que je travaille. » Elle-même s'étonne de l'amertume au fond de sa gorge, de l'espèce de rancœur qui la pince au cœur (de la douleur qui lui compresse le myocarde plaintif). Dans le silence, les draps se froissent à nouveau lorsque Hestia s'en extirpe, défaite pour cette fois mais d'autant plus déterminée à gagner la guerre (d'autant plus décidée à survivre). « Je ne te dérange pas plus longtemps. » glisse-t-elle, debout à côté du lit, en guise de congé. Il n'y a pas de baiser sur le front blanc ou d'étreinte au creux des bras menus cette fois, mais Hestia s'attarde, quelques secondes de trop, comme pour laisser une chance de plus à Flora de la ramener (de prouver qu'elle est bien Flora, sa Flora, celle dont le reflet se confond si bien avec le sien). « Mais tu me manques » souffle-t-elle, juste avant de disparaître dans le couloir. Elle ne se retourne pourtant pas, incertaine sur l'identité de celle qui dort dans le lit de Flora.