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sujet; VISHA#4 • You coming back to me is against the odds and that's what I've got to face |
| St-Mangouste & 18 dec 2003
How can I just let you walk away, just let you leave without a trace When I stand here taking every breath with you You're the only one who really knew me at all. How can you just walk away from me, When all I can do is watch you leave Cause we've shared the laughter and the pain and even shared the tears. You're the only one who really knew me at all. But to wait for you, is all I can do and that's what I've got to face. Take a good look at me now, cause I'll still be standing here. And you coming back to me is against all odds, It's the chance I've gotta take La guerre est finie. La réalité de la fin de la guerre, pourtant, a mis longtemps à arriver jusqu'à Viktor. Il n'a pas connu, comme beaucoup, toutes les atrocités du gouvernement. Pour tout dire, l'Angleterre, de tout temps, a été un lieu d'horreur pour lui. Quand ils sont arrivés avec leurs grands cris, leur joie, leurs chants de victoire, Viktor a d'abord ri avec eux. Puis il s'est souvenu que, au final, au quotidien, rien ne changeait. Les blessés avaient toujours besoin de lui. Sasha était toujours amnésique. Boris était toujours un mangemort. Arnold était toujours un étranger. Et, lui-même, n'était toujours pas à sa place. Il avait peur, qu'on sache son identité, et il voulait juste retourner en Allemagne. Mais ni Sasha, ni Arnold ne le suivrait, cette fois-ci. Alors Viktor s'est remis au travail.
Il est resté jusqu'à l'évacuation totale des blessés. Il a refusé de s'approcher de nouveau des prisonniers (le regard de Boris lui perce encore l'âme quand il ferme les yeux). Il a regardé Sasha partir à Ste-Mangouste en serrant les lèvres, ne proposant qu'à demi-voix qu'elle vienne plutôt vivre avec lui. Cela lui semble tellement évident, pourtant, que ce soit à lui de s'occuper d'elle. Mais elle a dit non. Et il n'ose pas trop se la ramener, lui et ses faux papiers. Il est encore lâche, il a encore tant de choses à perdre, et il s'en veut pour cela. Il refuse de fuir, cependant. La suite fut presque évidente. Vendre la maison à Penarth. Récupérer une de ces boutiques délabrées du Chemin de Traverse. Arnold ne serait jamais retourné au Pays de Galles. Sasha ne reviendrait peut-être jamais vivre chez lui. Et la maison moldue n'étant pas connectée aux réseaux de cheminée, il lui avait été très complexe de lui rendre visite, la première semaine. Il fallait donc habiter à Londres. Ville où les souvenirs se jetaient presque à sa figure et lui donnaient envie de courber l'échine jusque terre en demandant pardon, pardon, juste, pardonnez-lui.
Il se tient droit. Depuis que Sasha est de nouveau en vie, il n'arrête plus vraiment de se tenir droit. Il se hait toujours autant d'avoir craqué devant elle, à Poudlard. Il se sent coupable, dès que les médecins de Ste-Mangouste lui disent de ne pas trop la brusquer, de ne pas se montrer violent, et surtout de ne pas remettre en cause le monde qu'elle se créé afin de pouvoir supporter son amnésie. Cela signifie, ne surtout pas remettre en cause Morrigan. Il a refusé d'expliquer aux médicomages qui était Morrigan. Ce qu'elle signifiait. Il a prétendu l'avoir rencontrée en Allemagne, ne rien connaître de sa jeunesse, et ignorer pourquoi elle voit son ancienne camarade de classe et lui voue maintenant un amour indéfectible. Ils n'auront qu'à trouver Adele, ou Tiago, ou qui que ce soit d'autre pour leur expliquer. Viktor s'accroche comme jamais à son identité masculine. Il est un père, un époux, un tatoueur, rien d'autre. Il vient à Ste-Mangouste, tous les jours, sans faillir. Il se présente à l'accueil, il dit bonjour, il parle un peu à son médicomage traitant quand il est là, et il marche jusqu'à la chambre de Sasha. Il passe la porte, il lui sourit tendrement, et il lui dit : « Bonjour Sasha ! » Puis il va jusqu'à elle, qu'elle soit assise, allongée, ou en train de faire les cent pas. Il dépose, ou essaye de déposer, un baiser sur son front. « Tu vas bien ? Tu as déjà mangé ? » Puis il s'occupe des fleurs qu'il s'entête à laisser dans sa chambre. Sasha avait toujours soupiré en le voyant mettre des plantes partout dans la maison. Cette imbécile avait toujours oublié de les arroser les rares fois où Viktor s'était absenté. Il y tient, à ses fleurs, comme pour rappeler un peu la maison. Il les change deux fois par semaine. Tout en le faisant, il lui explique ce qu'il lui a ramené. Il lui ramène toujours quelque chose. « Je n'ai pas eu le temps de cuisiner aujourd'hui, mais je t'ai ramené d'autres vêtements, et puis ton écharpe et tes gants, il commence à faire vraiment froid. » Il fait tout cela, Viktor, comme un rituel de protection. C'est son barrage et son armure contre la maladie de Sasha. Il ne s'accorde rien de personnel, rien de réel avant d'avoir fait tout ça. Il regarde d'abord si elle lui répond, quand il lui dit bonjour. Parfois elle regarde juste dehors, sans même prendre la peine de le regarder. Il faut ensuite voir si elle accepte qu'il lui embrasse le front, parfois elle s'écarte, d'autres elle est trop surprise pour l'en empêcher, et parfois elle le laisse faire, et il ne sait pas si c'est pire, parce qu'elle s'en fiche. Il essaye, ensuite, de savoir comment elle se sent par ses réponses évasives. Si elle se souvient, déjà, d'avoir mangé, et si c'est précis ou pas. Le médicomage lui a dit d'essayer de commencer par la faire se concentrer sur son quotidien. Ils ne pourront pas essayer de raviver sa mémoire à long terme tant qu'elle sera incapable de savoir ce qu'elle a fait la semaine dernière. Du coup il lui ramène ce qu'il lui a dit qu'il lui ramènerait. Parfois il diffère un peu. Il essaye de savoir si elle réalise qu'il ne lui a pas ramené ce qu'elle voulait. Ou le contraire, s'il lui a fait plaisir en devançant ses besoins. Il guette, aussi, sa réaction face à certains plats, ou à certains objets familiers. Il est avide, toujours, d'un éclat dans son regard qui lui fasse comprendre qu'elle est toujours là.
Puis il s'assoit près d'elle. Il la regarde, l'écoute si elle a quelque chose à dire. Parfois ils ne disent rien et il parcourt des magazines, ou il dessine. Sasha aime bien quand il ramène ses carnets et qu'il dessine des tatouages à côté d'elle. Il lui en laisse parfois, mais le plus souvent ce sont des commandes d'amis qui commencent déjà à avoir besoin de tatouages. C'était terrible, toutes ces personnes qui cherchent à cacher leurs cicatrices, à retracer des stigmates, à marquer, d'une façon ou d'une autre, leur corps. Ils cherchent, visiblement, à ce que la guerre ne soit pas la seule chose qui les contrôle. Ils reprennent les choses en main. Et Viktor comprend bien ce besoin. Ce jour-là, cependant, Viktor ne sort pas son carnet ni ses crayons. Il a la gorge sèche, parce qu'on est le 18 décembre, et que ça approche et qu'il angoisse déjà. Avant cela, cependant, il sourit, et il lui donne des nouvelles, comme d'habitude. C'est comme ça, toujours, qu'il finit le test. Celui qui, le plus souvent, lui fait le plus mal. Savoir à quel point elle se souvient de lui. « D'ailleurs on a enfin déménagé, avec Arnold. Les derniers cartons sont arrivés, la maison est encore en très mauvais état. J'habite au Chemin de Traverse maintenant, à Londres, je pourrai venir plus facilement, et rester plus longtemps. On est en train de travailler pour remettre tout cela en bon état, j'espère rouvrir la boutique de tatouage d'ici le nouvel an. » Il lui sourit. Il se tient droit. Il ne reste que ça à faire.
« Monsieur Heidelberg, ce que j'ai à vous dire est assez complexe mais, malheureusement, je pense que vous vous en doutiez. Votre femme a été sévèrement touchée par ce qui semble être un choc de confusion, plus d'autres paramètres et circonstances que nous sommes en train de chercher. Je veux que vous compreniez qu'elle a non seulement oublié tout son passé, mais risque aussi d'avoir du mal à se souvenir du présent, ou du passé proche. Vous risquez de voir d'importants changements, même à court terme, dans son comportement. Nous allons essayer, dans les prochains mois, d'estimer ses capacités de rémission. Je veux seulement que vous vous prépariez à la potentialité qu'elle n'aille jamais véritablement mieux. Je suis navré, monsieur, mais pour répondre à votre question, je ne sais pas si elle sera un jour capable de rentrer à la maison. » |
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WIZARD • always the first casuality Adidja Zabini | viktor heidelberg I met a mermaid out at sea last week, fell in love like a wave. I brought her home, put her in the bathtub but her tears kept coming. I told her how much I loved her; and her eyes stayed wet and raw. I asked the old sailor on the beach why I couldn’t stop her crying. He told me it’s because she loves the sea more than she can ever love me, and now I’d trapped her those tears were the only way for her to taste it. That night I kissed the salt off her tongue and begged her to stay. The sea’s a song, she sobbed, and I’m its lyrics. I love you, let me go.L'homme lui a apporté un petit carnet. Sasha ne se souvient plus de ce qu'il lui a dit, à propos de ce carnet mais tous les matins, quand elle se réveille, Sasha sait que ce carnet est important. Très important. Précieux, aussi: elle passe souvent ses doigts le long de la rainure, ou sur la couverture, qui est d'un joli cuir noir qui a l'air ancien. On dirait une vieil objet, une antiquité; et pourtant c'est son nom, qui se trouve sur la première page, et son nom à elle seulement. "sasha," y-a-t-il de marqué, au centre, dans une petite écriture enfantine de celle qui ne sait plus trop par quel bout tenir un crayon.
Sur la première page, il y a un dessin. C'est l'homme. C'est un dessin un peu étrange, comme si elle l'avait fait sans regarder la feuille: les yeux ne sont pas vraiment à la place des yeux, le nez est trop long, le visage trop creux. Mais c'est l'homme. Pas un homme, l'homme. Celui qui vient tous les jours (elle l'a écrit dans la marge de chaque dessin de lui, "he who come every day"). Celui qui apporte les fleurs. “ À qui sont les fleurs? — À vous, Sasha. — Ah. ” Celui qui a apporté une tarte au citron, une fois. “ À qui est la tarte? — À vous, Sasha. — Oh. ” Celui qui dessine.
Celui qui dessine.
Un jour, il a dessiné quelqu'un, et Sasha lui a demandé de lui laisser la feuille. Il a grogné parce qu'il devait arracher un peu de la feuille, mais il l'a fait. Il y a l'homme, et le petit homme. Mais le petit homme, elle ne l'a vu qu'une fois. Et ça, elle l'a oublié.
L'homme, en revanche, est une constante.
“ Bonjour Sasha ! ” qu'il dit, toujours.
Ça fait rire Sasha, souvent. Parfois, elle ne tourne pas la tête. Il fait gris, souvent, à Londres. Il n'y a pas grand chose à voir à travers la fenêtre, mais il y a toujours quelque chose à observer, dans les yeux de Sasha. Des fois, elle est juste en train de parler à Morrigan, et ça l'exaspère quand l'homme l'interrompt de manière plutôt vulgaire et essaie de lui embrasser le front. Qui fait ça? Elle est en train de discuter!
Ce jour-là, pourtant, elle se laisse faire. Elle a l'air un peu éteinte, aujourd'hui, ou fanée. Comme une jolie rose qu'on aurait oublié d'arroser. Elle a tendance à oublier d'arroser, Sasha. Ça la fait chier, parce que les fleurs, c'est un truc de gens sentimentaux, et Sasha, c'est pas une sentimentale, t'as vu sa tête? Elle fait même exprès de pas arroser les fleurs pour que son mari grommelle, en essayant peut-être de lui faire lâcher l'affaire. Mais il ne lâche jamais l'affaire. C'est un sale con, et un lâche, mais c'est pas le genre à lâcher l'affaire. Mais ça, elle l'a oublié.
Il vient tous les jours, lui embrasse le front. Il lui demande: « Tu vas bien ? Tu as déjà mangé ? » Et généralement elle lui dit que oui, elle ne commente pas la nourriture parce que souvent, elle a déjà oublié ce qu'elle avait ingurgité; et quand elle s'en souvient, elle préfère oublier. Et elle va bien. Elle va toujours bien. Arthur, son médecin, lui dit toujours qu'elle va de mieux en mieux tous les jours. Sasha oublie un peu tout mais elle voit un mensonge quand on lui en sert un. On la fait pas à Sasha, ah ça non. Tiens, vous auriez dû voir sa tête quand Arnie essaie de lui faire bouffer des cracks! Impossible. Elle le regarde toujours avec une telle intensité qu'il finit par avouer de lui-même son crime. Malin le lynx, hein? Mais ça, elle l'a oublié aussi.
« Je n'ai pas eu le temps de cuisiner aujourd'hui, mais je t'ai ramené d'autres vêtements, et puis ton écharpe et tes gants, il commence à faire vraiment froid. » Sasha regarde l'écharpe et les gants, ainsi que le pull, ainsi que le haut informe, à moins que ce soit un pantalon très bizarrement coupé, elle ne sait pas trop. Elle est assise sur son lit, elle était en train de remplir son carnet alors elle le repose doucement, le ferme avec le cordon en cuir pour pas qu'il puisse regarder à l'intérieur (aujourd'hui ou hier ou demain elle ne le laisse jamais regarder, par pu instinct. Morrigan a dit que le carnet n'appartenait qu'à elles deux). Elle prend les vêtements. Laisse ses doigts courir le long du tissu. Ils ont l'air chaud, ces vêtements. Pas besoin d'eux, ceci dit, il fait bien assez chaud à l'hôpital. Elle s'apprête à le dire à l'homme. Non merci. Ou merci mais non. Ou juste non. Ou juste qui êtes-vous. Vous êtes dans mes rêves. Vous êtes dans mes cauchemars.
Dans ses rêves, ils sont main dans la main en train de remonter la rue marchande d'une petite ville, et elle sait qu'ils sont au Pays de Galles même si elle n'est jamais allée au Pays de Galles. Dans ses rêves, ils trouvent un parc et s'asseyent sur l'herbe et ils regardent les gens passer, avec leurs enfants et leurs chiens et leurs maris et leurs femmes, mais ils ne bougent pas, ils restent sur l'herbe, sur une nappe qui a un motif de marinière rouge. Ils restent allongés et ils regardent le ciel et l'homme effleure la jointure de ses poings des siens. Dans ses cauchemars, elle court et il est derrière elle.
« D'ailleurs on a enfin déménagé, avec Arnold. Les derniers cartons sont arrivés, la maison est encore en très mauvais état. J'habite au Chemin de Traverse maintenant, à Londres, je pourrai venir plus facilement, et rester plus longtemps. On est en train de travailler pour remettre tout cela en bon état, j'espère rouvrir la boutique de tatouage d'ici le nouvel an. »
Elle n'a aucune idée de qui est Arnold.
Elle n'a aucune idée de ce qu'est le Chemin de Traverse.
Le carnet dit: "agree with wat the man say."
“ C'est... bien, ” dit-elle d'un ton un peu vide, en observant toujours les vêtements. Elle prend un gant, l'enfile, facilement. Arthur lui a dit qu'elle avait perdu beaucoup de poids très rapidement, c'est son corps qui lui a dit. Elle ignore à quoi elle ressemblait avant. “ T'es tatoueur? T'as des tatouages sur le corps? Montre-moi. ” Elle met les vêtements de côté, s'approche du bord du lit où il est assis, garde son gant en main et, avec une familiarité à retourner l'estomac, lui prend le poignet, tire sa manche pour observer la peau blanchâtre du creux de son bras. “ Il sont où? Moi aussi j'en ai. Ils gambadent et ils sont heureux et- oh! ” Elle se détourne brusquement, un mouvement sur la droite l'a déconcentrée. Elle lâche son poignet.
“ De la neige! ” Elle s'est précipité à la fenêtre, a posé sa main sur la vitre. La fenêtre est froide mais elle s'en fiche. “ C'est bientôt Noël... Ton cadeau n'est pas prêt, mais il le sera bientôt. ” |
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| St-Mangouste & 18 dec 2003
How can I just let you walk away, just let you leave without a trace When I stand here taking every breath with you. You're the only one who really knew me at all. How can you just walk away from me, When all I can do is watch you leave, Cause we've shared the laughter and the pain and even shared the tears. You're the only one who really knew me at all. But to wait for you, is all I can do and that's what I've got to face. Take a good look at me now, cause I'll still be standing here. And you coming back to me is against all odds, It's the chance I've gotta take La constante, maintenant, c'est que Sasha va toujours bien. C'est bizarre de se dire cela, après la guerre, les cris, cette période où elle voyait tous les jours des gens blessés et où il la trouvait tremblante, ou absente, ou perdue. Le médecin a raison, la laisser dans un seul et même endroit, avec des personnes constantes, et un cadre, ça lui fait du bien. Il aimerait juste que tout ça, elle le trouve à la maison, et pas ici. De toute manière, malgré tout ce qu'elle pouvait dire, Sasha a toujours aimé être entourée, et d'être à la maison. Elle vagabondait, courrait partout, se plaignait, promettait de partir, et revenait toujours. Comme toujours reliée à lui, elle se retrouvait systématiquement à l'autre bout de la table. Il s'excusait toujours, même quand ce n'était pas sa faute. Elle lui pardonnait toujours, même quand c'était vraiment sa faute. C'est bizarre, que des constantes restent, comme ça. Elles sont minces, mais il s'y accroche. Ainsi, Sasha va toujours bien.
Cependant, elle ne va pas toujours bien de la même manière. Aujourd'hui, elle va bien, mais loin. Elle ne réagit pas au baiser sur le front, mais elle gravite tout de même autour de lui avec intérêt. Les objets, cependant, l'intéressent plus que lui. Elle s'intéresse beaucoup aux objets maintenant. C'est aussi pour cela qu'il dessine toujours plus avec elle. Avant, elle ne remarquait même pas qu'il dessinait. Il le faisait juste, elle regardait parfois derrière son épaule, souriait. Elle gardait certains dessins, d'autres non, s'en moquait souvent. Elle avait autre chose à faire, ou alors elle faisait semblant de ne pas s'y intéresser. Même lui ne sait pas toujours tout de Sasha. Il la regarde donc tripoter les vêtements avec une tendre indulgence. Il espère, bizarrement, à chaque fois, qu'elle lui dise que c'est une bonne idée, qu'elle veut aller dehors, qu'ils sont trop à l'étroit. Viktor, lui, est vraiment trop à l'étroit. Il déteste Ste-Mangouste. Il y croise trop de gens qu'il connait. Des anciens professeurs, des anciens camarades de classe, des anciens amis, il a peur de croiser Adele, même s'il sait qu'elle n'est plus là. Mais elle ne dit rien. Elle ne se souvient de rien, visiblement. « C'est... bien. » Il ne se vexe pas, il a l'habitude. Parfois, elle a des questions absurdes, qui montrent qu'elle se souvient. Parfois il n'y a rien. Et puis parfois, il y a la curiosité.
« T'es tatoueur ? » Viktor adore la curiosité. Parce qu'il n'est pas censé lui raconter trop de choses sur elle, sur eux, si elle ne demande pas. Il le fait quand même, parce qu'il trouve ça absurde, mais il préfère quand elle demande. Son visage s'illumine d'un sourire, et il acquiesce. « T'as des tatouages sur le corps ? » Aussitôt son visage se braque, il ouvre un peu plus les yeux, hésite un peu à répondre. Il n'en a plus qu'un et... « Montre-moi. » Il vire brusquement au rouge, rouge marinière. « Hein ? Heu- quoi- que – de ? » Il devient absolument muet alors qu'elle traverse brusquement l'espace entre eux pour lui saisir le bras. Il n'a pas le droit de la toucher, en dehors du baiser fugace qu'il s'accorde, par bravade. « Ils sont où ? » Il bafouille encore. « Moi ? Je ne – que – bah – heu... » Il n'en a qu'un, et il est sur son dos. Il voudrait bien lui montrer, mais il faudrait se déshabiller. Et se déshabiller devant Sasha, ce n'est vraiment pas une bonne idée. Être nu devant Sasha, cela fait des mois qu'il refuse d'y penser, malgré les rêves qui le torturent. Il n'a pas le droit d'y penser. S'il y pense, il a peur d'exploser ou, pire, de faire avec et de tenir bon. Il ne veut pas y penser parce qu'il veut que, au moment d'y penser, il n'ai pas à faire avec, et il n'ai pas à tenir bon. C'est juste que ça fait bizarre, qu'elle lui demande comme ça. Tout comme le bras, elle l'a toujours déshabillé sans son autorisation. C'est toujours elle qui lui sautait dessus, le rendant souvent pivoine, le laissant bafouiller un instant avant de le faire taire de ses lèvres. Trop tard, il y pense, il ferme les yeux, inspire, expire. Non. « Moi aussi j'en ai. » Il rouvre les yeux, souriant. « Ah oui ? » Il le sait, il les connait tous, c'est lui qui les a fait. Il refuse de se souvenir d'où il les a mis, initialement, et où ils vont souvent gambader, les connaissant. « Ils gambadent et ils sont heureux et- oh ! » Il a l'impression de respirer enfin quand elle le lache.
« De la neige ! » C'est plus simple de sourire quand elle est plus loin. Il rigole un peu, même, attendri. Sasha a toujours aimé la neige. Avec Arnold, aussi. Ils passaient des heures là-dedans. Viktor les regardait, emmitouflé dans son manteau et son écharpe et son bonnet et ses gants. Ils finissaient toujours pas lancer une bataille de boule de neige, et dès la première qui finissait sur le père de famille, il grognait et rentrait à l'intérieur. Et il se faisait du chocolat chaud, pour se réchauffer. Il faisait trois tasses, parce qu'ils finissaient toujours par rentrer, trempés, hilares et frigorifiés. Il y a toujours des constances. « C'est bientôt Noël... Ton cadeau n'est pas prêt, mais il le sera bientôt. » Il rit encore. Lui, ses cadeaux, ils sont prêts depuis longtemps. Comme d'habitude. Sasha, elle, met toujours un temps fou. Elle est indécise, lorsqu'il s'agit de cadeaux. Elle ne sait jamais quoi prendre. Puis elle se décide trop tard. Il sait bien qu'il n'aura rien, à Noël, ou alors quelque chose des infirmières qui auront pitié de lui, mais rien de Sasha. Ce n'est pas grave. Qu'il lui dise cela, cette phrase entendue tant de fois, cela lui suffit. Cela ne fait pas mal.
« Oui, c'est vrai, c'est bientôt Noël. Il faudra bientôt décorer. Tu penses décorer ta chambre ? Je pourrai t'aider si tu veux. » Il lui propose toujours son aide, même si elle finit toujours par tout faire toute seule. Avant, elle ne finissait rien toute seule, parce qu'elle savait qu'il finirait toujours par venir. Mais cette Sasha-là, qui n'a pas oublié d'être en retard pour Noël, a oublié qu'il serai toujours là pour elle. « Et puis, on pourra passer Noël ensemble, cette année. » Il est un peu trop loin. Si Arthur était là, il froncerait les sourcils. Mais aujourd'hui, Viktor n'aime vraiment pas Arthur. Il lui en veut trop d'avoir raison, alors s'il déborde un peu, c'est tant pis. Il change vite de sujet, parce que Sasha se lasse vite. « Je peux pas te montrer mon tatouage, il est dans mon dos, mais si tu veux, je peux te le dessiner ! » Dessiner, avec Sasha, ça reste le plus simple. Alors il prend son sac et, à la recherche de son matériel, vide un peu ce qu'il s'y trouve sur le lit. Un parapluie, son porte-feuille, sa baguette, une boîte de loukoums pour Samaël, ses crayons et, enfin, son carnet. Il se tourne vers elle et le lui montre, comme on montre son jouet préféré à un enfant : « Tu veux ? »
« Je vous déconseille fortement de faire n'importe quel projet à long terme avec Sasha. Évitez de lui faire promettre des choses, et si vous le faites, ne le lui rappelez jamais. Si elle les réussit, félicitez la, mais ne lui reprochez jamais d'avoir oublié. Ça, ou quoi que ce soit d'autre. Elle a besoin d'un environnement entièrement positif, pour que son corps et son subconscient comprennent qu'il y n'a pas besoin de se protéger des nouvelles informations. Si vous faites un projet, malgré tout, signalez-le aux infirmières. Elles essayeront de lui rappeler, avant votre arrivée. Comprenez bien qu'elle n'est pas la seule victime ici, cependant. Nous apprécions beaucoup votre diligence, mais vous devez comprendre qu'elle n'est pas la seule à souffrir, dans le processus. Ne vous surmenez pas. » |
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WIZARD • always the first casuality Adidja Zabini | Un moment elle l'oublie et puis tout d'un coup, c'est lui. Lui, elle ne sait pas trop qui cela peut bien être mais elle sait cela: c'est l'homme de l'ouvrage, du carnet à l'épaisse couverture de cuir noire. C'est l'homme pour lequel elle prépare un cadeau d'anniversaire sous son lit, avec l'aide de Meda et d'Arthur. C'est l'homme, c'est lui, juste lui. Y'a des moments de parfaite clarté comme là, des moments où elle sait qui il y est, ce qu'il fait et pourquoi il est là. Et puis y'a des moments où la neige danse langoureusement dans le dur froid acariâtre de décembre, la silhouette des bâtiments presque onirique dans la lourde pâleur ambiante qui est tombée sur la ville de Londres il y a une poignée de jours. Y'a des moments où rien ne la passionne plus que son souffle profond qui s'enroule dans l'air, s'épaissit en fumée éparse blanche devant ses yeux. Y'a des moments où ne compte que les battements réguliers de son myocarde, dans sa poitrine, des moments où la musique qui agite ses veines et bat à ses tempes est tout ce qui l'intéresse. Et dans ce profond regard sombre, dont les deux yeux noirs sont comme deux puits sous une lune impitoyable de minuit, rien ne semble plus la passionner, en cet instant très précis, que la fenêtre froide, ses doigts écartelés à sa surface, et la neige qui, inlassable, tombe sur la ville avec la patience que seules les choses immuables ont.
Certaines choses ne peuvent être arrêtées après tout. Ou changées. Des cas désespérés, dit-on, il n'y en a pas en médecine sorcière, et encore moins dans un établissement comme Saint-Mangouste! Quelle farce, quelle insulte, quelle stupidité que de penser qu'il y a des cas qu'on ne peut sauver, qu'on ne peut soigner...! Sasha ne s'en souvient pas mais quand à l'orée de ses jours, elle pensait encore que la magie pouvait tout faire. Elle ne peut pas.
Son esprit qui s'évade l'empêche peut-être d'avoir le coeur qui se brise.
« Oui, c'est vrai, c'est bientôt Noël. Il faudra bientôt décorer. Tu penses décorer ta chambre ? Je pourrai t'aider si tu veux. » Elle arrache ses prunelles obsidienne de la vision éphémère et pourtant ancestrale de la neige qui tombe, pour les déposer sur lui, tournant la tête avec lenteur dans sa direction, son regard tombant comme un tissu de velours, l'enveloppant presqu'entièrement, l'étouffant, arquant un fin sourcil comme pour lui demander des explications; de quoi parle-t-il? À croire que l'instant qui a duré entre les deux répliques a duré trois éternités; cette histoire de Noël semble être de l'histoire ancienne, et elle s'en fiche, elle a oublié, ne veut plus en parler; c'est ainsi que du bout des lèvres, elle lâche, impératrice dédaigneuse à l'attention trop vite détournée: “ si tu veux, ” avec un entrain à faire sourire un croque-mort. Presqu'aussitôt sa posture change du tout au tout; elle semble ennuyée, plongée dans ses pensées, agacée, même, par la présence de l'étrange homme assis sur son duvet, en sa demeure. Elle pensait à la neige, et à autre chose; mais voilà, il lui a fait oublier, le félon...! Elle n'apprécie pas sa présence; elle veut qu'Arthur revienne. « Et puis, on pourra passer Noël ensemble, cette année. » Elle a une légère grimace qui lui effleure les traits, la royale dame prise au dépourvu par la quelque demande ridicule du dernier des pouilleux, dans sa salle du trône, dans son rêve, dans son pays! Et toujours, du bout de la lippe, pas plus fort qu'un soupir, elle lâche, comme si elle faisait un immense cadeau de sa personne — sa générosité la perdra sûrement, semble-t-elle penser en cet instant précis: “ si tu veux. ”
Si tu veux, tout ce que tu veux.
« Je peux pas te montrer mon tatouage, il est dans mon dos, mais si tu veux, je peux te le dessiner ! » Elle semble intriguée, brusquement, Sasha; elle se détache de la fenêtre, s'approche d'un pas félin, comme un prédateur ne voulant pas croire la proie qu'on lui offre sur un plateau d'argent. Chaque mouvement est étudié, décortiqué, comme si elle faisait attention à chacun de ses nerfs, chacune de ses articulations, prudente et prête à bondir en arrière s'il le faut; ses yeux d'encre suivent ses mouvements, ses longs doigts habiles et agiles qui sortent, un à un, des objets de son sac, comme un personnage de conte qu'une princesse rencontre dans un bois et qui lui offre quelque chose de trop beau pour être vrai. L'image, un peu malgré elle, la fait sourire en lui rappelant des contes fantasmagoriques depuis bien longtemps oubliés, une enfance effacée et qu'on lui a arrachée.
Un parapluie pour vaincre le sort de la pluie et de la neige. Son porte-feuille pour garder ce qu'il a de plus précieux. Sa baguette pour invoquer de l'aide. Une boîte de loukoums pour ensorceler les innocents. Ses crayons pour- Une boîte de loukoums.
Les loukoums lui font un plus grand effet encore que le carnet et les crayons; elle s'approche, sans écouter ce qu'il dit, les yeux rivés sur les friandises. Des loukoums. Turkish delights, dit la boîte. Elle se demande à qui elle est destinée et presqu'aussitôt, la pensée s'égare quelque part dans son crâne; elle attrape la boîte et la met sur ses genoux après s'être assise sur le bord du lit, sourde à ce qu'il peut bien lui dire si il parle, aveugle si il la regarde (il le fait toujours quand elle est dans la pièce; elle se souvient, elle se souvient, que ça la gêne, parfois, quand ses yeux céruléens avides se fixent sur elle et ne la lâchent pas), muette si il lui pose une question. Turkish delights, lit son index alors qu'elle le promène le long de la boîte; son ongle s'insère dans l'interstice et elle enlève le morceau d'adhésif sans mal, soulevant le couvercle pour révéler les petits délices turcs, qu'elle observe avec attention. Elle pose un doigt d'impératrice, toujours, sur le premier, avant de le glisser entre ses lèvres pour déposer sur le bout de sa langue un peu de sucre glace. “ Je me souviens du premier film que j'ai vu à la télévision. J'ai grandi dans un orphelinat, vous savez, ” lui dit-elle calmement, recommençant son manège pour débarrasser presqu'entièrement la face supérieure d'un loukoum de son sucre glace. Elle semble fascinée par la simple gourmandise, comme si elle ne pouvait pas vraiment croire à son existence. “ Et le premier film que j'ai vu à la télévision, c'était après Poudlard. Ce film s'appelait Turkish Delight. Je ne me souviens pas du tout ce qu'était le sujet de ce film. Mais je me souviens de son nom. J'ai toujours aimé les loukoums. ” Et avec un sourire tendre, d'attraper la friandise qu'elle maltraite depuis tout à l'heure pour la jeter dans sa bouche.
“ Est-ce que c'est mon mari qui vous envoie? Il sait que j'ai toujours eu un faible pour les loukoums. Je vous explique: c'est une blague entre nous. Il se fait appeler Turkish et il dit toujours qu'il est un delight. Eh bien quoi, vous ne trouvez pas ça drôle? ” Et de rire, un rire bruyant et sincère, entier et à s'en déchirer le coeur, à la Sasha. |
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| St-Mangouste & 18 dec 2003
How can I just let you walk away, just let you leave without a trace When I stand here taking every breath with you. You're the only one who really knew me at all. How can you just walk away from me, When all I can do is watch you leave, Cause we've shared the laughter and the pain and even shared the tears. You're the only one who really knew me at all. But to wait for you, is all I can do and that's what I've got to face. Take a good look at me now, cause I'll still be standing here. And you coming back to me is against all odds, It's the chance I've gotta take « Si tu veux. » Sasha n'écoute jamais ce que tu veux. Sasha, elle veut des choses précises, elle impose ses choix, parfois les force un peu trop. Sasha c'est une force de la nature, qui traverse la vie et qui a toujours besoin de Viktor pour être à ses côtés, poser sa main sur son bras, lui sourire, et lui dire tout doucement de mieux regarder ce qu'elle s'apprête à faire. Elle a besoin de Viktor pour tempérer ses ardeurs, écouter autre chose que la flamme qui la prote toujours si vite. Les seuls moments où Sasha dit si tu veux c'est avec la malice de celle qui va n'en faire à sa tête. Elle lui murmure « si tu veux » tout en s'approchant de lui, et elle glisse ses mains sur ses hanches, prête à le mordre à force de passion dans le regard « si tu veux » et elle l'embrasse, et cela lui donne des frissons à chaque fois et Merlin. Merlin. Que ses lèvres lui man-
Il remarque soudainement qu'elle a pris la boîte de loukoums et qu'elle l'a ouverte pour commencer à leur faire un sort. Il sort sa gorge se serrer, parce que ce n'est pas pour elle, c'est une des rares choses qui n'est pas pour elle, et qu'elle est en train de la récupérer sans une once d'hésitation. Il retient une remarque, une moquerie, la main qui veut se tendre pour lui piquer le loukoum par pure malice. Il essaye de se concentrer sur son carnet de croquis, faisant tourner rapidement les pages à la recherche d'un endroit libre. Elle ne lui a pas répondu. Elle a sûrement oublié la question. Le plus souvent, de toute manière, il se met juste à dessiner sans son accord. Elle finit toujours par jeter un regard curieux par dessus son épaule pour voir ce qu'il fait. Il aime bien. « Je me souviens du premier film que j'ai vu à la télévision. J'ai grandi dans un orphelinat, vous savez. » Il lève les yeux de son début de dessin pour la regarder. Il sent un léger serrement au cœur au vouvoiement, mais a un doux sourire quand elle commence à lui parler de son enfance. Il a toujours aimé les histoires de l'enfance de Sasha, les histoires qui n'appartenaient qu'à elle et qui n'avaient pas été salies par Morrigan. L'orphelinat, Tiago, les autres enfants, les sucreries, tous ces petits détails que Viktor a toujours aimé retenir. Il a toujours aimé se souvenir des choses et les garder comme des trésors dans sa mémoire, quitte à nier ensuite les avoir vécu. « Et le premier film que j'ai vu à la télévision, c'était après Poudlard. Ce film s'appelait Turkish Delight. Je ne me souviens pas du tout ce qu'était le sujet de ce film. Mais je me souviens de son nom. J'ai toujours aimé les loukoums » Il sourit avec tendresse. Il aime ce genre d'histoire, et il aime la voir sourire aussi tendrement. Il a envie de la prendre dans ses bras, et il se demande si, cette fois, elle l'accepterait. Il se sent bien, assez bêtement, dans cette chambre d'hôpital, à suivre les caprices de Sasha et à l'écouter parler. C'est un bon jour, décide-t-il, un jour où elle n'a pas peur de lui, un jour où elle ne pleure pas. Il en a marre de la voir souffrir. Alors si elle est heureuse, comme ça, s'ils arrivent à ce qu'elle se sente bien ici alors oui, il accepterait peut-être qu'elle ne rentre jamais à la maison. Il la préfère ainsi que morte. Il la préfère ainsi qu'absente.
« Est-ce que c'est mon mari qui vous envoie ? » Il préfère ça, même si elle sourit en parlant de quelqu'un d'autre. « Il sait que j'ai toujours eu un faible pour les loukoums. » Ils peuvent y arriver, même comme ça. De toute manière ils n'ont pas le choix. Il ne peut pas vivre sans elle, et elle n'ira peut-être jamais mieux. « Je vous explique: c'est une blague entre nous. Il se fait appeler Turkish et il dit toujours qu'il est un delight. » Elle sourit, c'est tout ce qui compte. « Eh bien quoi, vous ne trouvez pas ça drôle? » Il est content de l'entendre rire comme ça, vraiment content, tout va bien, il est content, il est détendu il peut- il peut- « Ex-Excuse moi je-je dois-je dois aller aux toilettes. » Il a oublié le carnet sur ces genoux, qui tombe quand il se relève un peu brusquement. Il le regarde à peine. En quelques enjambées il est dans la salle de bain, la porte fermée derrière lui, avec quelque chose, quelque chose au fond de la gorge qui a tellement besoin de sortir et -
Rien ne sort. Aucune bile, aucune larme, aucun cri. Il ne peut pas se le permettre, pas avec Sasha de l'autre côté de la porte. Il s'accroupit cependant lentement, comme si son corps lâchait prise peu à peu, tandis que son visage se déchire dans un cri inarticulé et silencieux, qui reste profondément coincée au fond de son ventre. Il essaye d'oublier, de ne pas penser, ni réfléchir, à ce qu'il vient de se passer. Elle ne le fait pas exprès, il ne peut pas lui en vouloir. Il essaye, vraiment, de ne pas lui en vouloir. C'est injuste de lui en vouloir. Il devrait être content pour elle. Ce n'est pas si grave si elle le confond avec- Turkish. Pourquoi se souvient-elle de tous ses monstres ? Pourquoi parle-t-elle avec autant de tendresse de ceux qui l'ont tant fait souffrir ? Il pourrait passer des années, Viktor, des années entières à essayer d'oublier le visage de peur de Sasha au moins geste violent dans sa direction. Il n'y arriverait pas. Il n'arriverait pas non plus à oublier les murmures avec lesquels elle lui a expliqué, des années auparavant, ce qu'avait été Turkish. Surtout, il se souvient de sa voix, affolée, effrayée, comme s'il allait surgir du moindre placard pour lui enfoncer chacun de ses mots au fond de sa gorge. C'est Viktor qui l'a soignée de Turkish. Comme il l'a soignée de Morrigan. C'est lui, uniquement lui, qui a permis que Sasha puisse articuler tant de tendresse. Ces sourires, ces rires, ils n’appartiennent qu'à lui. Personne d'autre. Il essaye de desserrer les doigts, sans succès.
La crise finit par passer. Il n'a pas vraiment le choix. Il se redresse, tire une chasse d'eau inutile, fait couler l'eau du lavabo, s'en asperge superficiellement avant de se jeter un regard dans le miroir. Il comprend pourquoi Arthur s'inquiète pour lui. Viktor a le visage d'un mort. Sa mâchoire se contracte encore à cette idée, avant de se tapoter les joues pour essayer de détendre ses muscles. Puis il se tient droit, passe une main dans ses cheveux, réajuste des vêtements à peine défaits. Inspire, expire.
Il repasse la porte avec un sourire sur les lèvres. « Me revoilà ! » Il se rapproche d'elle, se rassoit sur le lit, exactement à la place qu'il a quitté, et se saisit de nouveau de son carnet. « Excuse-moi de l'interruption. Tu me racontais une histoire ? » Il espère, plus que jamais, qu'elle ai complètement oublié de quoi ils parlaient.
« Nous devons rester à l'affût de tout souvenir qui pourrait ressurgir. N'hésitez pas à nous préciser si elle vous a parlé de quelque chose d'important. Elle risque, cependant, de confondre des choses même lorsqu'elle s'en souvient. Elle peut croire que des choses vieilles de dix ans soient encore d'actualité, ou confondre les événements, les gens, etc etc. N'essayez jamais de contredire ou de corriger sa vision, à part pour des précisions supplémentaires. Elle n'a certainement pas besoin qu'on lui dise que le peu dont elle se souvient est faux. Cela la détruirait. » |
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WIZARD • always the first casuality Adidja Zabini | L'homme lui a apporté un petit carnet. Sasha ne se souvient plus de ce qu'il lui a dit, à propos de ce carnet mais tous les matins, quand elle se réveille, Sasha sait que ce carnet est important. Très important. Précieux, aussi: elle passe souvent ses doigts le long de la rainure, ou sur la couverture, qui est d'un joli cuir noir qui a l'air ancien. On dirait une vieil objet, une antiquité; et pourtant c'est son nom, qui se trouve sur la première page, et son nom à elle seulement. "sasha," y-a-t-il de marqué, au centre, dans une petite écriture enfantine de celle qui ne sait plus trop par quel bout tenir un crayon.
Sur la première page, il y a un dessin. C'est l'homme. C'est un dessin un peu étrange, comme si elle l'avait fait sans regarder la feuille: les yeux ne sont pas vraiment à la place des yeux, le nez est trop long, le visage trop creux. Mais c'est l'homme. Pas un homme, l'homme. Celui qui vient tous les jours (elle l'a écrit dans la marge de chaque dessin de lui, "he who come every day"). Celui qui apporte les fleurs. “ À qui sont les fleurs? — À vous, Sasha. — Ah. ” Celui qui a apporté une tarte au citron, une fois. “ À qui est la tarte? — À vous, Sasha. — Oh. ” Celui qui dessine.
Celui qui dessine.
Celui qui dessine: il a l'air d'avoir oublié son sac, hier, parce qu'il est sur le lit, avec plein de crayons. Alors elle a pris un crayon et elle dessine, rapidement, quelque chose dans sa tête: une forêt, la Forêt. Enfin, pour l'instant, elle dessine surtout ce qui ressemble vaguement, en plissant les yeux, de loin, à un arbre. Il y a une boîte de loukoums, aussi, turkish delights, ce mot la fait sourire, mais elle ne sait pas trop... elle en grignote un peu, d'un main, en dessinant de l'autre, si bien qu'elle a rapidement une moustache et une barbe sucrée et blanche autour de la bouche, qu'elle pince en une moue songeuse alors que toujours, elle dessine en s'appliquant, un arbre, un autre- Un bruit lui fait tourner la tête se redresser, et elle est carrément angoissée quand sort de la pièce d'où provient le bruit — chasse d'eau, toilettes, salle de bains — un homme.
Elle ne sait pas qui il est. Elle a oublié celui qui dessine. L'homme dans son carnet. Celui qui lui a offert le carnet. Et les fleurs. Et la tarte. Et les loukoums. Ça s'appelle turkish delight en anglais. Et c'est drôle, vous savez, parce que
parce que
parce que
elle ne s'en souvient pas, mais elle se souvient confusément que quelqu'un qui ne se rappelle pas des chutes de ses blagues n'est pas très drôle. « Me revoilà ! » Il faut se concentrer sur l'homme, on s'en fiche qu'elle soit nulle pour raconter des blagues, elle n'a jamais été bonne pour raconter du blague, toujours du genre à rire hystériquement avant la fin en se souvenant de la fin justement. C'est Viktor qui racontait les blagues. Viktor.. c'est qui, Viktor? Viktor, Viktor, Viktor... brusquement, elle attrape un feutre noir, le débouchonne. « Excuse-moi de l'interruption. Tu me racontais une histoire ? — Attendez, attendez, ” dit-elle d'un ton empressé, sans le regarder, lui indiquant d'un index tendu impérieux de s'asseoir au bord du lit sans faire de bruit; puis la main s'abat sur la page du cahier et l'autre se met à écrire, en gros: VIKTOR. Elle souligne deux fois le prénom. Puis tourne la page, et écrit encore. Beaucoup de choses, des mots impossibles à lire et à relire, mais des choses auxquelles elle pense. “ J'ai besoin que vous cherchiez qui est... Viktor, c'est mon... c'est quelqu'un que je connais (elle se sent timide à l'idée de dire que c'est son mari), j'ai besoin que vous le trouviez, vous m'écoutez? Écoutez! ” Elle déchire une feuille et lui met un crayon dans les mains avec. “ Écrivez ça! Écrivez ce que je vous dis, d'accord? Il faut que vous trouviez mon mari, Viktor... Viktor Blacksmith et il faut absolument que vous lui disiez que notre fils Arnie est dans la Forêt. Avec Morrigan. Écrivez, j'vous dis, pour l'amour de Dieu! Allez! ” Elle ne reprend que quand il fait mine d'écrire quelque chose. “ Dites lui que Morrigan est dangereuse, je la hais, elle est de retour... on habite au Chemin de Traverse, je me rappelle... et Arnie... Arnie, je sais pas où il est, il faut le trouver, il faut vraiment le trouver, notre petit garçon, mon petit pingouin, il faut le trouver, il est dans la Forêt, avec Morrigan, il faut le trouver, avant qu'elle le prenne et le vole, c'est une sale pute, je la hais, vous écrivez, hein? Trouvez Viktor.. trouvez mon mari. Putain, vous allez pas vous mettre à pleurnicher, hein! ” Il a les yeux humides, écarquillés. “ Et j'vous vois pas écrire, espèce d'enfoiré, vous êtes un ami de Morrigan?! Vous voulez me voler mon fils?! ” |
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| St-Mangouste & 18 dec 2003
How can I just let you walk away, just let you leave without a trace When I stand here taking every breath with you You're the only one who really knew me at all. How can you just walk away from me, When all I can do is watch you leave Cause we've shared the laughter and the pain and even shared the tears. You're the only one who really knew me at all. But to wait for you, is all I can do and that's what I've got to face. Take a good look at me now, cause I'll still be standing here. And you coming back to me is against all odds, It's the chance I've gotta take Regarder Sasha est depuis toujours un spectacle en soi. Elle est une tempête traversant votre champ de vision, prenant toute la place, vibrante de vie et de passion. Morrigan, déjà, était absolument fascinée par cette créature de force pure. Durant toutes les années de Poudlard, elle n'a cessé d'hésiter entre obsession et répulsion, autant écœurée que fascinée par cette chevelure sabrant l'air en lui coupant le souffle. Morrigan haïssait Sasha parce que malgré toutes ses humiliations, malgré toutes ses perfidies, la gryffondor continuait d'être fière et de lui répondre sans peur. Jamais Sasha n'a craint Morrigan, ou alors ne l'a jamais montré. Viktor se souvient encore de l'enfant, dans sa boutique, lui expliquant que Sasha était morte. Il se souvient de sa détresse, du profond sentiment d'abandon, et il se souvient de ce qu'elle lui a avoué. « C'était mon héro. » Et il se souvient de lui avoir fait écho. Parce que c'est ça qu'elle fait aux gens, Sasha. Elle fascine, et elle attire et ils se retrouvent comme des pauvres mortels à l'admirer.
Parfois, encore, Viktor peut voir en elle cette force vertigineuse qui lui a fait affronter ses pires démons. Cette flamme qu'il ferait tout pour retrouver. Il la voit, en cet instant, quand elle prend un ton empressé alors qu'il s’assoit à côté d'elle. « Attendez, attendez. » Il la regarde, presque calmé de se faire ainsi accueillir, comme un malpropre, mais sans dédain. Elle est penchée sur le carnet que, souvent, elle regarde, sans jamais vouloir lui montrer. Il n'ose pas lire ce qu'elle écrit. Il a bien trop peur de ce qu'il pourrait y lire. Il la fixe, elle, cependant, comme il adore le faire. (Comme il a pu penser ne jamais pouvoir le refaire.) (Comme Morrigan a pu le faire, à une époque, se souvient-il.) « J'ai besoin que vous cherchiez qui est... Viktor, c'est mon... c'est quelqu'un que je connais, j'ai besoin que vous le trouviez, vous m'écoutez? Écoutez! » Il la regarde toujours, avec soudain le cœur qui bat la chamade, l'espoir au bord des yeux. Regarde-moi, semble-t-il lui hurler en silence. Elle fixe son carnet. Il a l'impression, l'imbécile persuasion, que si elle le regarde vraiment alors elle saura qui il est. Mais elle déchire la feuille, lui donne un crayon, et elle le regarde, sans qu'aucune lumière de reconnaissance ne brille. « Écrivez ça! Écrivez ce que je vous dis, d'accord? Il faut que vous trouviez mon mari, Viktor... Viktor Blacksmith et il faut absolument que vous lui disiez que notre fils Arnie est dans la Forêt. Avec Morrigan. Écrivez, j'vous dis, pour l'amour de Dieu! Allez! » Il sursaute en entendant le prénom honnis. Il sursaute et se yeux s'écarquillent de peur et d'espoir entremêlés. Il a l'impression de voir sa Sasha, derrière ce petit être désespéré. Il peut sentir sa peur, il peut sentir ses efforts pour revenir vers lui, entière. Elle fait tout pour redevenir elle-même, il peut soudain le voir. Il y a tant de force dans sa voix, et il est prêt à tout pour l'aider, tout pour qu'il puisse de nouveau sentir cette incroyable sensation d'appartenance et de pouvoir qu'elle lui fait parfois connaître. Il se penche donc sur la feuille pour écrire de son écriture soignée ce qu'elle lui dicte. Il ne fait cependant que de l'écouter, de boire ses paroles avec le cœur au bord des lèvres. « Dites lui que Morrigan est dangereuse, je la hais, elle est de retour... on habite au Chemin de Traverse, je me rappelle... et Arnie... Arnie, je sais pas où il est, il faut le trouver, il faut vraiment le trouver, notre petit garçon, mon petit pingouin, il faut le trouver, il est dans la Forêt, avec Morrigan, il faut le trouver, avant qu'elle le prenne et le vole, c'est une sale pute, je la hais, vous écrivez, hein? » Il écrit, sans savoir ce qu'il écrit. Elle se souvient de lui, elle se souvient d'Arnold, elle se souvient de leur nouvelle maison au Chemin de Traverse. Son écriture habituellement si régulière est parcourue de tremblements alors qu'il sent sa vision se flouer. « Trouvez Viktor.. trouvez mon mari. Putain, vous allez pas vous mettre à pleurnicher, hein! » Elle lui crie dessus, et c'est peut-être cela qui le fait encore plus pleurer. Des larmes dévalent enfin de ses joues, comme il n'aurait pas cru qu'elles sortent.
Il aurait cru que ses larmes seraient amères, douloureuses, désespérées. Il ne se serait jamais attendu à ce qu'il craque d'émotion, d'espoir, de force. Il pleure d'avoir, enfin, pleinement, la preuve qu'il y a quelque chose en elle qui essaye de toutes ses forces de le retrouver. Il a envie de la prendre dans les bras, de pleurer dans ses cheveux, de s'enfouir contre elle et de la ramener à la maison. Être avec elle à la maison, c'est tout ce qu'il souhaite. « Et j'vous vois pas écrire, espèce d'enfoiré, vous êtes un ami de Morrigan?! Vous voulez me voler mon fils? » Il sent un rire nerveux le secouer, profondément soulagé de l'entendre, enfin, insulter Morrigan, chercher son fils, vouloir Viktor.
Il essuie ses larmes, lève de nouveau son regard vers elle, et est ébloui par la rage qu'il sent au fond du sien. Il l'aime, Merlin, il l'aime même lorsqu'elle l'accuse des pires desseins. Tant qu'elle n'est plus ce petit être évanescent qui ne l'écoute que d'une oreille. Oh, il ferait tout pour toujours la voir ainsi. « C'est Viktor qui m'envoie, » finit-il par murmurer. « Il sait, pour Morrigan. Il sait ce qu'elle essaye de faire. » Il sent son visage fatigué s'illuminer d'un sourire tendre. « Il me dit de vous dire qu'il va s'occuper d'Arnold, et de Morrigan, et qu'il fera tout pour vous retrouver. Il est encore loin, mais il se rapproche et... » Il réalise à peine ce qu'il est en train de dire, pourtant les mots passent ses lèvres, chargés d'une signification qu'il a encore du mal à saisir : « ... il fera tout que vous puissiez de nouveau être ensemble. » Il regarde Sasha et il se souvient de la façon qu'avait Morrigan, aussi, de la regarder. Il se souvient comme, déjà, il l'aimait trop. Il se souvient ce que c'est d'être Morrigan, il se souvient que ce n'est pas un monstre, ni un dragon. Ils n'ont pas à vivre chaque jour dans la crainte de son retour. Morrigan a aimé Sasha comme il peut l'aimer. Ce qui obsède, ce qui torture Sasha, n'est pas le fantôme, l'hallucination, ou l'incarnation de la jeune femme qu'il a pu empêcher de vivre. Il le réalise, en la regardant, cette petite gryffondor insupportable qui, déjà à l'époque, aurait du lui appartenir. Morrigan n'est pas l'ennemie, c'est juste la forme que veut prendre ce qui ronge Sasha.
« Je voudrais insister, encore, et encore, sur le fait que Mlle Bagshot pourrait grandement aider à améliorer l'état de santé de votre femme. Pour une raison ou pour une autre, elle est fascinée, voire obsédée par cette femme. Rien que l'avoir entre ces murs, et voir comment elle réagit à sa présence nous aiderait grandement à comprendre ce qui, exactement, a pu arriver à notre Sasha. N'avez-vous aucun moyen de la contacter ? De savoir sa position ? De la faire venir ? »
Si. |
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WIZARD • always the first casuality Adidja Zabini | Il pleure et elle a envie de l'agiter dans tous les sens mais y'a un truc qui la retient, c'est peut-être le fait qu'elle a pas envie de le toucher, ou peut-être quelque chose qui s'insinue en elle, un sentiment nouveau de familiarité qu'elle n'a pas ressenti depuis des semaines, depuis des mois. Les pleurs ont toujours agacé la Sasha d'Avant et la Sasha actuelle, qui n'est pas vraiment la Sasha d'Après, la Sasha auquel les médicomages et Viktor sont confrontés tous les jours, est d'accord sur ça: c'est chiant, les pleurs, ça casse l'ambiance et puis elle sait pas quoi faire, tiraillée entre l'envie de lui tapoter l'épaule et le savoir intime qu'il n'aimerait pas ça, qu'elle le touche. Ouais, elle déteste pleurer... « C'est Viktor qui m'envoie. » ... sauf que quand il lui dit ça, elle croit bien qu'elle va pleurer; à vrai dire, la moutarde lui monte au nez et la seule raison pour laquelle les larmes ne coulent pas, c'est parce que cette version de Sasha a trop d'orgueil. Aussitôt, sans qu'elle réfléchisse, la pulsion faisant éclater ses hésitations, elle tend le bras et pose la main sur l'avant-bras de cet homme, le messager venu lui apporter la meilleure nouvelle de la journée, de la semaine, du mois, elle ne sait pas exactement. Viktor l'envoie. Viktor... pense à elle.
Viktor... elle est partie et elle ne se rappelle plus très bien, tout est très confus dans sa tête, c'est sans doute pour ça qu'elle est à l'hôpital... pour son bien, ça, elle s'en doute. Mais Arnie... Arnie! Il doit avoir si peur, son petit bébé, il n'a que treize ans vous savez, et dans la grande Forêt... il faut qu'ils sortent d'ici! Il faut qu'ils aillent le sauver, Arnie, petit Arnie, qu'elle n'aurait jamais dû abandonner... Tout comme elle n'aurait jamais dû abandonner Viktor. Viktor, elle l'a laissé derrière elle... pourquoi déjà? Pour qui? POURQUOI ELLE NE SE SOUVIENT PAS? La seule chose qui l'empêche de se mettre à se débattre avec elle-même, c'est quand le messager se remet à parler. Ah tiens, elle l'avait oublié, celui-là. « Il sait, pour Morrigan. Il sait ce qu'elle essaye de faire. » La main que Sasha a posé sur son avant-bras se crispe, les ongles s'enfonçant à travers le tissu comme pour s'enfoncer dans la peau. Elle le ferait, aurait-elle l'occasion. Elle boit ses paroles avec fascination, son visage s'illuminant lentement d'un bonheur pur et simple. Viktor... Viktor sait. Est-ce qu'il lui pardonne? D'être partie? « Il me dit de vous dire qu'il va s'occuper d'Arnold, et de Morrigan, et qu'il fera tout pour vous retrouver. Il est encore loin, mais il se rapproche et... » Sa main se serre encore plus autour du bras du messager, et elle sent quelque chose, à l'intérieur d'elle... changer. Elle ne sait pas exactement quoi, ni comment, ni pourquoi, mais quelque chose change, comme si il y avait une Sasha d'Avant et une Sasha d'Après et une Sasha d'Après d'Après. « ... il fera tout que vous puissiez de nouveau être ensemble. »
Presqu'aussitôt, les traits de Sasha se froncent alors que déjà, les deux premières larmes quittent la barrière maladroite de ses cils pour dévaler sur ses pommettes, sa main relâchant seulement le bras du messager pour s'écraser sur son visage, ne désirant en aucun cas qu'on la voit ainsi, même si il n'est qu'un illustre inconnu. Aucun sanglot ne la traverse, mais les larmes s'additionnent, elle gémit contre le talon de sa paume, les yeux fermés presque hermétiquement pour retenir autant que ce peut ces pleurs douloureux. Il fera tout pour que vous puissiez de nouveau être ensemble. Quand elle est certaine qu'elle va pouvoir parler sans avoir la voix qui tremblotte, et sans jamais retirer sa main de son visage, ses yeux fermés se détendant finalement, restant clos mais sans se plisser, elle répond: “ j'ai besoin que vous lui disiez autre chose, aussi. ” Il y a des relents de larmes dans sa voix, une humidité rauque. Elle n'est pas habituée à pleurer. “ J'ai besoin que vous lui disiez que... que je l'aime. Je l'aime et je suis désolée d'être partie, j'avais pas l'choix... j'ai besoin que vous lui disiez ça... je suis désolée, Viktor, tellement, tellement désolée, ” marmonne-t-elle, se mettant à répéter la fin de la phrase lentement, indéfiniment, s'agitant des doigts au bout des pieds, avant de lentement se mettre à se balancer en même temps qu'elle continue de prier: “ -tellement désolée, Viktor, je suis tellement désolée, Viktor, tellement tellement tellement, Viktor- ” et puis de brutalement s'arrêter. |
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| St-Mangouste & 18 dec 2003
How can I just let you walk away, just let you leave without a trace When I stand here taking every breath with you You're the only one who really knew me at all. How can you just walk away from me, When all I can do is watch you leave Cause we've shared the laughter and the pain and even shared the tears. You're the only one who really knew me at all. But to wait for you, is all I can do and that's what I've got to face. Take a good look at me now, cause I'll still be standing here. And you coming back to me is against all odds, It's the chance I've gotta take Viktor va redevenir Morrigan pour Sasha.
Il le sait, maintenant, qu’il va le faire. Il sent sa main s’aggriper à son bras, il a le coeur qui bat la chamade alors que ses mots font écho, alors qu’il la voit émue et qu’elle… pleure. Elle pleure, son amour, comme il la voit si rarement pleurer. Sasha, elle aime pas quand on la voit pleurer, mais Viktor finit toujours par la voir. Elle l’oublie, ça, souvent, Sasha, qu’avec les années il a appris à voir ses failles et à comprendre ses faiblesses, et que lorsqu’elle se brisait de rage pour dissimuler sa peine, il était le premier à se jeter dans les flammes pour la prendre dans ses bras. Aujourd’hui, cependant, Viktor n’a pas le droit de faire le moindre geste vers elle. On lui a dit, répété, toutes ces règles pour la protéger, pour le protéger aussi, toutes ces lignes directrices pour arriver à gérer le fait qu’ils ne sont plus un couple mais qu’il reste incapable de l’abandonner. Elles lui martèlent le crâne, tout comme les mots d’Hermione Bagshot ont pu se graver dans son crâne. Et lui aussi, avec les années, il n’a pas arrêté de s’enfermer, continuellemet, dans un réseau étriqué de règles auquel il s’est toujours accroché pour ne pas céder à l’angoisse.
Tiens-toi droite, Morrigan. Ne prends pas de poids. Ne la touche pas. Ne croise pas les jambes sous la table. Ne dis rien à Adele. Ne la touche pas. Arrête de te ronger les ongles. N’appelle pas Arnold ton fils. Ne la touche pas. Ne pose pas les coudes sur la table. Si tu ne manges pas du week-end, tu as le droit de ne pas porter de bijoux aujourd’hui. Ne la touche pas. Ne parle pas trop fort, c’est vulgaire. Arrête de faire du sport. Ne la touche pas. Trouve toi un petit ami de bonne famille. Ne dis rien à Murtagh. Ne la touche pas. Tiens-toi droite. Ne lâche rien. Ne la touche pas.
Le seule chose qui l’empêche de se mettre à se débattre avec lui-même, c’est quand sa femme se remet à parler. « J’ai besoin que vous lui disiez autre chose, aussi. » Viktor inspire profondément, chasse les larmes, alors qu’elle même est en train d’essayer de se contrôler. Il a les membres qui tremblent, la tête qui commence à tourner, la respiration qui redevient erratique. Il essaye de se ressituer, de se souvenir, exactement, pourquoi il ne doit pas la toucher alors qu’elle est là, fragile, apeurée, et qu’elle a tant besoin de lui. De qui parle-t-elle déjà ? De Viktor ? C’est lui Viktor non ? Hein ? Même si elle ne le reconnaît pas, il reste Viktor n’est-ce pas? A-t-il le droit de rester Viktor après ce qu’il s’est passé ? Pourquoi rester Viktor si elle n’est pas là pour le reconnaître ? « J'ai besoin que vous lui disiez que... que je l'aime. » Elle ne le regarde pas. Grave erreur. Il faut toujours surveiller Viktor quand quelque chose cloche dans sa tête, parce que ça commence à faire des tours incessants dans sa tête et, sans contact ni physique, ni visuel, ses doigts se tordent et griffent, nerveusement, toute peau qu’ils peuvent trouver. Les bras remontent, les dents se figent dans première mains qu’elles trouvent, alors que ses yeux s’ouvrent, s’exorbitent. Ne la touche pas. « Je l'aime et je suis désolée d'être partie, j'avais pas l'choix... j'ai besoin que vous lui disiez ça... je suis désolée, Viktor, tellement, tellement désolée -tellement désolée, Viktor, je suis tellement désolée, Viktor, tellement tellement tellement, Viktor- » Sa main a un goût amer, un goût de fer, alors qu’il ne respire définitivement plus, que ses griffes libres s’enfoncent dans son bras, et qu’il se ramasse sur lui-même, encore, encore, encore, pour ne pas la toucher. Elle ne le regarde pas et cela l’autorise, enfin, à laisser s’échapper tous ces tics retenus par des années de contrainte et de discipline.
« Evitez tout contact physique non initié. » « Je vous en prie, elle ignore le plus souvent que vous êtes son mari, n’ayez aucun comportement innaproprié. » « N’imposez jamais votre vision de l’histoire, laissez-la contrôler la narration. » « Essayez de correspondre au rôle qu’elle vous donne. » « Si vous vous sentez proche de craquer, prenez une pause, évitez de passer le jour suivant, dites-le nous. Mais jamais dans sa chambre. » « Vous avez le droit de vous arrêter, parfois, vous n’avez pas à être irréprochable, vous savez ? »
Tu n’as pas à être irréprochable, tu sais. C’est ce qu’elle lui a dit, sa Sasha, assez vite, quand ils sont arrivés en Allemagne. Viktor était en train de gérer les papiers, la grossesse, le travail, l’appartement, sans jamais laisser échapper son stress, sa panique, ses doutes. Et il avait finit par exploser, bien sûr, à vomir dans un coin, à s’arracher les cheveux, à se cogner la tête contre le mur et à appeler, encore et encore, une Adele qu’il avait abandonné. Et à cet instant, c’était Sasha qui l’avait trouvé, et qui lui avait dit, dans un soupir, qu’il fallait qu’il accepte de ne pas être irréprochable. Parfois, tu as le droit de ne pas te tenir droit.
Sa litanie s'arrête.
« Sasha. » Sa mâchoire lâche sa main ensanglantée, sa poigne se détâche de son bras, et il se jette dans un mouvement brusque mais évident contre sa femme. Dans une seule respiration, il la prend dans ses bras, glissant le long de son dos avant de l’encercler de sa chaleur, son visage soudain enfoui dans ses cheveux. Il a le visage noyé de larmes qu’il n’arrive plus à endiguer. « Ce n’est pas grave Sasha, je te pardonne, je m’en fiche, Sasha. Tu avais raison, tu avais raison depuis le début et j’ai été con, si con. » Il la serre contre lui comme si c’était lui qui cherchait à être consolé et non pas l’inverse. Il a toujours été le plus désespéré des deux. Ses lèvres trouvent sa tempe, y placent un baiser tendre et tremblant. « C’est moi qui suis désolé mon amour, désolé d’avoir été si lâche. » Son front, ses joues, ses doigts qui passent dans ses cheveux, il est aveugle, complètement aveuglé par la sensation effarante de pouvoir de nouveau la toucher. Il n’arrive plus à se dire qu’il n’a pas le droit, qu’elle ne se souvient pas de qui il est, il sait juste que c’est sa femme, là, dans ses bras. Ils s’appartiennent, depuis des années, et même dans la plus terrible des disputes il a toujours su qu’il était aimé et qu’il l’aimerait toujours. C’est sa femme, et elle lui murmure tout ce qu’il a jamais voulu entendre. Elle lui dit enfin ce qu’il rêve qu’elle lui dise chaque nuit. « Moi aussi je t’aime, et tu me manques, tu me manques tellement que parfois j’ai l’impression que tout va vraiment s’arrêter, d’un coup. » Souvent, très souvent, il a peur de mourir, comme ça, spontanément, d’être ainsi amputé. « Je t’aime Sasha. » Quelle délivrance, de pouvoir enfin dire ces mots qui vibrent dans ses veines dès qu’il est proche d’elle.
Ses lèvres ont le goût du sang. |
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WIZARD • always the first casuality Adidja Zabini | « Sasha. »
Ses bras se referment autour d'elle et tout d'un coup, tout prend sens.
C'est Viktor. C'est lui Viktor. Pourquoi il ne lui a pas dit avant? Pourquoi il a mis un déguisement? Pourquoi il a fait comme si il n'était pas Viktor? Il n'a pas honte, non, c'est pas ça, c'est autre chose. Viktor, pourquoi tu m'as pas dit? Viktor, pourquoi t'es pas venu plus tôt? Viktor, pourquoi tu me serres fort comme ça? Viktor, tu m'as manqué. Juste comme ça, le monde retrouve son axe et la gravité reprend ses droits et Sasha enferme son mari dans ses bras, ses doigts s'enfonçant dans ses épaules à travers le pull, le tenant dans ses étreintes féroces et violentes et possessives et fortes dont elle a le secret, celles qui font croire qu'elle ne le lâchera jamais, qu'elle ne l'oubliera jamais parce qu'en cet instant, ça semble possible, cet instant éphémère et impossible et génial et tragique, parce que ces instants ne durent jamais. « Ce n’est pas grave Sasha, je te pardonne, je m’en fiche, Sasha. Tu avais raison, tu avais raison depuis le début et j’ai été con, si con. — Dis pas ça, ” marmonne-t-elle, étouffée contre son épaule, sa prise sur ses épaules se crispant, les ongles essayant de trouver la peau, pour s'y accrocher, pour le marquer aussi; elle aime bien le marquer, son mari, montrer qu'il est à elle, juste à elle.
Elle peut rien dire, elle peut juste le tenir, comprenant sa perdition et sa peur et ses tremblements et ses baisers fébriles, ses mains qui tremblent encore plus, et il est tout livide et tout pâle et tout frêle, son beau, son formidable, son incroyable mari, l'homme le plus fort qu'elle connaisse. « C’est moi qui suis désolé mon amour, désolé d’avoir été si lâche. » Elle peut rien dire non plus parce que oui, il a été lâche mais elle s'en fout, c'est plus important, ils sont là, elle s'en fout de la Guerre; le monde de cette Sasha-là n'a pas de Guerre, il n'y a que Viktor, dans cette salle étrange qu'elle ne peut placer, il n'y a que Viktor, son sang et ses tremblements et son visage creux et son corps qui tremble tout contre le sien, mais au moins il est tout contre le sien. « Moi aussi je t’aime, et tu me manques, tu me manques tellement que parfois j’ai l’impression que tout va vraiment s’arrêter, d’un coup. » Elle sait. Elle sait. Elle pleure presque, étouffe quelque chose comme un sanglot, parce qu'il est là maintenant, et elle aussi, donc ça va aller, hein? Ils ont l'éternité entière pour se faire pardonner et pour s'aimer et pour se tenir et pour s'embrasser; ils ont l'éternité entière, il n'y a qu'eux, dans un monde de chimères, de douleurs et d'illusions, il n'y a qu'eux et il n'y a que lui qui compte. Il n'y a jamais eu que lui.
« Je t’aime Sasha. — Moi aussi Viktor. ”
C'est tellement une évidence, c'est une telle vérité, c'est un fait: elle l'aime, le matin, le midi, le soir, quand il grogne, quand il mange, quand il s'affame, elle l'aime quand il se fait mal et quand il la prend dans ses bras, elle l'aime fort et vaillant et elle l'aime lâche et hésitant, elle l'aime quand il brûle les pancakes et elle l'aime quand il laisse le thé infuser trop longtemps, elle l'aime quand il enchante les téléphones et quand il répond à ses SMS avec des coeurs, elle l'aime quand il la regarde avec ce regard-là et elle l'aime même quand il n'est pas là; elle l'aime, elle l'aime, elle l'aime; elle a l'impression de l'avoir aimé toute sa vie, d'avoir passé son existence à le chercher, à le trouver, à se chercher avec lui et à l'aimer. Son ancre sur terre, son phare sur la mer, son repère dans l'univers; elle l'aime.
“ Tu m'as manqué, je t'aime, reste, s'il te plaît, reste, reste reste reste, ne pars pas, reste-- ” Et puis brutalement, comme si quelque entité cosmique avait entendu leurs mots — d'une certaine manière, Dr Arthur Westwick était une entité cosmique dans le petit univers de Sasha —, la porte s'ouvre dans un grondement de tonnerre, et les yeux acier du médicomage se vrillent sur eux, sur l'infraction claire et nette de leurs corps enlacés. Sasha, tout d'un coup, elle devient l'Insurgé qui a fui, la Belliqueuse qui s'est battue, la Pacifiste qui a protégé son fils; elle fait presque bouclier de son corps devant son mari, le prenant à bras-le-corps — dieu qu'il est léger, et frêle, et fragile comme une feuille de papier, lui semble-t-il — pour le sortir du lit; la couverture les suit sur un mètre ou deux, faisant tomber le sac avec ses crayons, loukoums, carnets, tous les souvenirs de cette journée. “ Vous l'aurez pas, vous l'aurez pas, vous l'aurez pas, ” qu'elle marmonne, alors qu'on parlemente de l'autre côté: “ Sasha, je vous en prie, c'est moi... monsieur Heidelberg, s'il vous plaît... ” Et sa voix est douce, raisonnable, sensée; Sasha le sait, le sent, mais elle a peur, tellement peur, elle veut son mari, elle a besoin de lui, et “ vous l'aurez pas, vous pouvez pas, vous l'aurez pas, ” en se dirigeant vers la fenêtre, en regardant à travers, ils sont si hauts, et Londres en bas est si bas, les voitures si rapides, mais ils vont y arriver et puis “ vous l'aurez pas, vous l'aurez pas-- Viktor? ” Elle lève la main pour caresser son visage, son attention immédiatement attirée vers lui, se détournant de Westwick qui déjà, avec deux infirmières derrière lui, lève sa baguette, avançant pesamment et lentement comme un prédateur se rapprochant de sa proie. Sasha s'en fout; son pouce souligne le menton de son mari, sa lèvre inférieure. “ Tu saignes... — Monsieur Heidelberg, écartez-vous. — Qu'est-ce que t'as fait encore... arrête de te faire mal comme ça. — Monsieur Heidelberg... — Arrête de te torturer. Arrête d'attendre. — Heidelberg! ” Sa main retombe brusquement, et elle recule, s'arrache de ses bras et de son emprise, abruptement avec une expression de pure terreur sur le visage, comme si elle venait de voir quelque chose, quelqu'un — quelqu'une — sur le visage de son mari. “ M-Mo-Mo-- ” Et le sortilège fuse; et puis c'est le noir totale, et la remise à zéro.
- Spoiler:
allez la bise
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| | | | | VISHA#4 • You coming back to me is against the odds and that's what I've got to face | |
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